Lutter contre le financement du terrorisme a été identifié comme l’une des priorités au niveau européen et national.
De nouvelles mesures de lutte contre le terrorisme dans l’Union européenne
Suite à l’adoption de son plan d’action (1) destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, la Commission européenne a adopté des règles poursuivant ce même objectif.
En effet, identifiée comme une des actions prioritaires d’une union de la sécurité efficace, la lutte contre le financement du terrorisme s’articule autour de l’adoption d’une directive et de deux règlements (2).
La Commission propose ainsi une nouvelle directive visant à combattre le blanchiment de capitaux, grâce au droit pénal, en :
- établissant des règles relatives à la définition des infractions et des sanctions pénales liées au blanchiment de capitaux ;
- éliminant les obstacles à la coopération judiciaire et policière transfrontière en mettant en œuvre des dispositions communes pour améliorer les enquêtes concernant les infractions liées au blanchiment de capitaux ;
- alignant les normes de l’Union européenne sur les obligations internationales.
Afin de fournir aux autorités compétentes les outils appropriés pour détecter les terroristes et leurs soutiens financiers, le nouveau règlement européen relatif aux contrôles de l’argent liquide va (3) :
- renforcer le contrôle des mouvements d’argent liquide ;
- permettre aux autorités d’agir même lorsque les montants concernés sont inférieurs au seuil de 10 000 euros prévu pour la déclaration en douane ;
- améliorer l’échange d’informations entre les autorités et les Etats membres ;
- étendre les contrôles douaniers aux envois d’argent par colis postal ou par fret, ainsi qu’aux matières précieuses.
Enfin, un dernier règlement est prévu dans l’agenda de la Commission, relatif à la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation d’avoirs d’origine criminelle. Il permettra de :
- disposer d’un instrument juridique unique pour la reconnaissance tant des décisions de gel que des décisions de confiscation dans les autres Etats membres ;
- élargir la portée des règles actuelles relatives à la reconnaissance transfrontière à la confiscation des avoirs de tiers ayant un lien avec le criminel ;
- améliorer la rapidité et l’efficacité des décisions de gel ou de confiscation, grâce à un document standard et à l’obligation des autorités compétentes de communiquer entre elles ;
- assurer le respect des droits à la réparation et à restitution en faveur des victimes.
L’ensemble de ces mesures n’est pour l’instant qu’à l’état de projet, mais il permet d’afficher la volonté affirmée de l’Union européenne de lutter plus efficacement contre le terrorisme et la criminalité organisée en affaiblissant la capacité des terroristes à financer leurs activités et, simultanément, en facilitant celle des autorités à repérer et à bloquer les flux financiers.
L’amélioration du dispositif de lutte contre le financement du terrorisme s’illustre également, cette fois-ci, à un niveau national, à travers l’adoption du décret n°2016-1523 du 10 novembre 2016.
Renforcement des mesures de lutte contre le financement du terrorisme en France
Le dispositif français de lutte contre le financement du terrorisme a été renforcé, et ce selon plusieurs axes :
- l’élargissement des prérogatives de Tracfin ;
- le renforcement des mesures de vigilance envers la monnaie électronique et les crédits à la consommation ;
- l’élargissement du champ des obligations de déclaration douanière.
L’élargissement des prérogatives de Tracfin
Le décret n°2010-569 du 28 mai 2010 met en place un fichier de personnes recherchées dont la mise en œuvre est assurée par le ministre de l’Intérieur (et plus spécifiquement par la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale).
Ce fichier a pour finalité de faciliter les recherches et les contrôles effectués puisqu’il rassemble des informations sur des personnes :
- faisant l’objet de décisions judiciaires ;
- faisant l’objet d’une recherche pour les besoins d’une enquête de police judiciaire ;
- faisant l’objet d’une inscription dans le fichier à la demande des autorités administratives compétentes dans certaines conditions.
L’accès à ce fichier était initialemnt accordé :
- aux services de la police nationale ;
- aux unités de la gendarmerie nationale ;
- aux agents des douanes exerçant des missions de police judiciaire ou des missions administratives.
Le décret n°2016-1523 du 10 novembre 2016 (4) relatif à la lutte contre le financement du terrorisme est venu autoriser l’accès à ce fichier aux agents de la cellule de renseignement financier nationale de Tracfin, leur permettant, dès lors, de se procurer des informations essentielles pour lutter contre le blanchiment des capitaux.
L’accès à ce fichier leur permet alors de disposer d’informations précieuses dans le cadre de l’identification d’opérations de blanchiments de capitaux, lorsqu’une personne a été au préalable fichée.
Limitation des conditions d’émission de la monnaie électronique anonyme
Le traçage des flux financiers peut contribuer à l’identification et à la traque des réseaux terroristes. De surcroît, avec le développement de nouveaux instruments financiers et de nouveaux modes de paiement, de récentes vulnérabilités sont apparues, auxquelles il convient de remédier.
A cette fin, le décret n°2016-1523 du 10 novembre 2016 permet de limiter les conditions d’émission de la monnaie électronique anonyme.
A ce titre, il convient de rappeler que le Code monétaire et financier prévoit que tous les professionnels visés par l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier (5) ont une obligation de vigilance sur leur client ou client occasionnel. Cette obligation concerne aussi le(s) bénéficiaire(s) effectif(s) des opérations, et ce dès l’entrée en relation d’affaires. Elle impose de mettre en place des procédures et des mesures adaptées de contrôle interne pour effectuer toutes les diligences nécessaires à des fins d’identification du client sur la base des informations en sa possession ou de tout document écrit probant.
En conséquence, le professionnel peut mettre en œuvre trois types de vigilance :
- la vigilance normale, exercée au moment de l’entrée en relation d’affaires sur des éléments d’identification du client et sur l’objet et la nature de l’opération envisagée, dans le suivi de la relation d’affaires, elle nécessite d’avoir une connaissance actualisée du client afin d’être en mesure d’évaluer la cohérence des opérations qu’il a effectuées ;
- la vigilance allégée, si le risque est jugé faible dans le suivi de la relation d’affaire, si le client ou produit figure sur la liste de clients ou produits fixée par décret en Conseil d’Etat les dispensant des obligations de vigilance normale susvisée ;
- la vigilance renforcée, si le risque est jugé élevé. Des mesures de vigilance complémentaires doivent être prises si le client n’est pas physiquement présent aux fins d’identification, ou dans le cas où d’une personne politiquement exposée.
Le décret n°2016-1523 prévoit que ces obligations de vigilance ne sont pas obligatoires dans le cas d’émission de monnaie électronique, à condition que l’émetteur soit identifié (6).
A contrario, cela signifie que la monnaie électronique émise de manière anonyme sera soumise à des mesures de vigilance.
Le décret renforce également les obligations de vigilance applicables aux crédits à la consommation en abaissant de 4000 à 1000 euros le seuil au-delà duquel l’octroi de ces crédits doit faire l’objet de mesures de vigilance, permettant dès lors un contrôle plus accru de toutes les opérations qui pourraient participer au financement d’actes terroristes (7).
Extension du champ d’application des déclarations à l’administration des douanes
L’obligation de réaliser une déclaration à l’administration des douanes des transferts physiques opérés par des personnes physiques ou par des envois confiés à des services postaux, de sommes, titres ou valeurs vers ou en provenance d’un Etat de l’Union européenne d’un montant d’au moins 10000 euros, est désormais étendue aux transferts de sommes, titres ou valeurs lorsqu’ils sont acheminés par voie routière, aérienne, maritime ou ferroviaire par des sociétés de transport ou des entreprises de fret express (8).
Cette nouvelle disposition s’adapte, en effet, à la diversité des modes de transfert d’argent, notamment dans le cas de financement du terrorisme, en élargissant la déclaration à l’administration des douanes.
Frédéric Forster
Charlotte Le Fiblec
Lexing Droit Télécoms
(1) Plan d’action de la Commission européenne pour renforcer la lutte contre le financement du terrorisme
(2) Communiqué de presse du 21-12-2016 sur l’adoption par la Commission de règles renforcées pour combattre le financement du terrorisme
(3) Communiqué de presse précité
(4) Décret 2016-1523 du 10-11-2016 relatif à la lutte contre le financement du terrorisme
(5) CMF, art. L.561-2
(6) CMF, art. R.561-16 (décret n°2016-1523 relatif à la lutte contre le financement du terrorisme, art. 2)
(7) CMF, art. R.561-16
(8) CMF, art. R.721-3