L’arrêt de la Cour de cassation illustre un assouplissement de l’ obligation de sécurité de l’employeur (1).
La Cour de cassation affirme que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ».
Constatant que l’employeur avait mis en œuvre les mesures de prévention édictées par ces articles, elle conclut à l’absence de manquement à l’obligation de sécurité de résultat et rejette les demandes de dommages et intérêts du salarié.
Les faits de l’espèce – Un salarié de la société Air France exerçant les fonctions de chef de cabine a assisté aux attentats du 11 septembre 2001. Le 24 avril 2006, alors qu’il partait rejoindre son bord pour un vol, il a été pris d’une crise de panique qui a donné lieu à un arrêt de travail.
Il a saisi le 19 décembre 2008 la juridiction prud’homale aux fins de condamnation de son employeur à lui payer des dommages-intérêts pour manquement à son obligation de sécurité après les attentats du 11 septembre 2001.
Il a été licencié le 15 septembre 2011 pour ne pas s’être présenté à une visite médicale prévue pour qu’il soit statué sur son aptitude à exercer un poste au sol.
Le contrôle opéré par la Cour de cassation – La Cour de cassation retient que « appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et procédant aux recherches qui lui étaient demandées, la cour d’appel a constaté, d’une part que l’employeur, ayant pris en compte les événements violents auxquels le salarié avait été exposé, avait, au retour de New-York le 11 septembre 2001, fait accueillir celui-ci, comme tout l’équipage, par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les intéressés vers des consultations psychiatriques, d’autre part que le salarié, déclaré apte lors de quatre visites médicales intervenues entre le 27 juin 2002 et le 18 novembre 2005, avait exercé sans difficulté ses fonctions jusqu’au mois d’avril 2006 ; qu’ayant relevé que les éléments médicaux produits, datés de 2008, étaient dépourvus de lien avec ces événements dont il avait été témoin, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, propres et adoptés, dont elle a pu déduire l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ».
La portée – Cet arrêt illustre un assouplissement de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur qui parait toutefois demeurer une obligation de sécurité de résultat, la Cour de cassation reprenant expressément cette expression dans l’arrêt.
La grande nouveauté serait cependant de permettre à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité dès lors qu’il démontrerait avoir accompli toutes les mesures de prévention adéquates et nécessaires, de sorte que la dégradation de l’état de santé du salarié ne lui serait pas imputable.
Cet infléchissement de la jurisprudence recentre l’obligation de sécurité de l’employeur sur la prévention, le résultat attendu étant la réalisation effective et étendue des mesures de prévention, telles que prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.
Conseil – Cet arrêt invite résolument les entreprises à donner toute leur effectivité aux dispositions énoncées à l’article L. 4121-1 du Code du travail, en s’inscrivant durablement dans une démarche d’analyse et de prévention des risques professionnels.
La réalisation effective de cette démarche de prévention constitue un véritable atout, tant dans les relations individuelles que collectives, sa mise en œuvre pouvant en effet permettre de sécuriser le déploiement de projets d’entreprise d’envergure, à l’instar d’un projet d’externalisation, comme l’a jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 22 octobre 2015 (n°14-20173).
Rappelons enfin que les articles L. 4644-1 et R. 4644-1 et suivants du Code du travail prévoient désormais l’obligation pour l’employeur de désigner un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise. A défaut de désignation d’un référent sécurité en interne, l’employeur peut faire appel, après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, en son absence, des délégués du personnel, aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises.
Emmanuel Walle
Priscilla Guettrot
Lexing Droit Travail numérique
(1) Cass. soc. 25-11-2015, n°1424444.