Interdiction d’offrir des avantages dans le domaine médical

offrir des avantages dans le domaine médicalUn nouveau régime interdisant d’offrir des avantages offerts dans le domaine médical est entré en vigueur au 1er juillet 2018.
L’ordonnance du 19 janvier 2017 (1) relative aux avantages offerts par les personnes fabriquant ou commercialisant des produits ou des prestations de santé a étendu le champ d’application du dispositif dit «anticadeaux» qui avait été initialement institué par la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social (loi DMOS) (2), ainsi que par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (loi Bertrand) (3).

Cette ordonnance, dont les dispositions sont entrées en vigueur au 1er juillet 2018, abroge l’ancien dispositif « anticadeaux » qui était prévu à l’article L. 4113-6 du Code de la santé publique et crée les articles L. 1453-3 et suivants du Code de la santé publique.

S’agissant d’un texte issu d’une ordonnance, ces nouvelles règles doivent faire l’objet d’une loi de ratification adoptée par le Parlement (4) afin d’acquérir la valeur d’une loi. A défaut, elle conservera une valeur réglementaire.

Champ d’application de l’interdiction

L’interdiction d’offrir des d’avantages est posée par l’article L. 1453-3 du Code de la santé publique :

Est interdit le fait, pour les personnes mentionnées à l’article L. 1453-4, de recevoir des avantages en espèces ou en nature, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, proposés ou procurés par les personnes mentionnées à l’article L. 1453-5.

Le champ d’application de l’interdiction s’étend de manière significative :

  • tant concernant les acteurs visés par l’interdiction de recevoir des avantages
  • que concernant les acteurs visés par l’interdiction d’offrir ou de proposer ces avantages.

Acteurs visés par l’interdiction de recevoir

Sont concernés par l’interdiction de recevoir des avantages les acteurs visés à l’article L. 1453-4 du Code de la santé publique, à savoir :

  • les personnes exerçant une profession de santé réglementée par le Code de la santé publique
    • les ostéopathes,
    • certains chiropracteurs et psychothérapeutes ;
  • les étudiants en formation initiale se destinant à l’exercice de l’une des professions mentionnées ci-dessus et :
    • les personnes en formation continue ou
    • suivant une action de développement professionnel continu dans ce champ ;
  • les associations qui regroupent des professionnels et des étudiants visés ci-dessus :
    • dont celles intervenant dans le champ de la formation de ces personnes, et
    • notamment aux sociétés savantes et aux conseils nationaux professionnels ;
  • les fonctionnaires et agents des administrations de l’Etat :
    • des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ou
    • de toute autre autorité administrative qui élaborent ou participent à l’élaboration d’une politique publique en matière de santé ou
    • de sécurité sociale ou sont titulaires de pouvoirs de police administrative à caractère sanitaire.

Acteurs visés par l’interdiction d’offrir

L’ordonnance étend notamment le champ d’application des entreprises ne pouvant offrir ou promettre des avantages :

  • l’ancien article L. 4113-6 du Code de la santé publique visait les :
    • «entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale » ;
  • le nouvel article L. 1453-3 du Code de la santé publique concerne désormais :
    • «toute personne produisant ou commercialisant des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1,
    • à l’exception de ceux mentionnés aux 14°, 15° et 17° [lesquels concernent les lentilles oculaires non correctrices, les produits cosmétiques et les produits de tatouages], ou qui assure des prestations de santé» .

Sont ainsi concernés par l’interdiction d’offrir ou de promettre ces avantages les acteurs visés à l’article L. 1453-5 du Code de la santé publique, c’est-à-dire, conformément au rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance, toutes les personnes qui produisent ou commercialisent des produits de santé (sauf des lentilles oculaires non correctrices, des produits cosmétiques et des produits de tatouage) ou assurent des prestations dans ce champ.

Ces personnes visées le sont indépendamment du remboursement par l’assurance maladie des produits et services qu’elles produisent ou commercialisent.

Il s’agit, par exemple, des personnes produisant ou commercialisant des :

  • médicaments, des huiles essentielles et plantes médicinales ;
  • contraceptifs, des dispositifs médicaux,
  • logiciels utilisés par les laboratoires de biologie médicale ou les logiciels d’aide à la prescription/dispensation, etc.

Enfin, concernant les personnes qui assurent des prestations de santé, un décret apportera des précisions.

Notion d’avantage visé par l’ordonnance

L’interdiction concerne tous les avantages en espèces ou en nature, proposés ou procurés directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, à l’exclusion des avantages visés à l’article L. 1453-6 du Code de la santé publique. Ces derniers bénéficient d’une exclusion du champ de l’interdiction :

  • la rémunération, l’indemnisation et le défraiement d’activités prévus par un contrat de travail ou un contrat d’exercice, dès lors que ce contrat a pour objet l’exercice direct et exclusif de l’une des professions visées par l’interdiction de recevoir des avantages ;
  • les produits de l’exploitation ou de la cession des droits de propriété intellectuelle relatifs à un produit de santé ;
  • les avantages commerciaux offerts dans le cadre de contrats d’achat de produits ou prestations conclues entre les acteurs visés par l’interdiction de recevoir d’une part, et l’interdiction d’offrir ou de promettre d’autre part : il pourrait s’agir, par exemple, des remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers, attribués dans le cadre de ces relations commerciales ;
  • les avantages en espèces ou en nature qui ont trait à l’exercice de la profession du bénéficiaire et d’une valeur négligeable ne pouvant excéder les montants prévus, par nature d’avantage, par arrêté des ministres chargés de l’économie et de la santé, lequel n’a pas été publié.

Dérogation à l’interdiction

Les articles L. 1453-7 et suivants du Code de la santé publique prévoient plusieurs dérogations à l’interdiction d’offrir des avantages.

Nature des dérogations

Sous les conditions et modalités de déclaration et d’autorisation visées ci-après, l’interdiction fait l’objet de dérogations concernant les avantages suivants :

  • la rémunération, l’indemnisation et le défraiement d’activité de recherche, de valorisation de la recherche, d’évaluation scientifique, de conseil, de prestations de services ou de promotion commerciale, dès lors que la rémunération est proportionnée au service rendu et que l’indemnisation ou le défraiement n’excède pas les coûts effectivement supportés par les bénéficiaires de l’avantage ;
  • les dons et libéralités, en espèces ou en nature, destinés à financer exclusivement des activités de recherche, de valorisation de la recherche ou d’évaluation scientifique ;
  • les dons et libéralités destinés aux associations regroupant des professionnels et des étudiants visés par l’interdiction de recevoir des avantages, dont celles qui interviennent dans le champ de la formation de ces personnes, et notamment aux sociétés savantes et aux conseils nationaux professionnels, à l’exception des associations dont l’objet est sans rapport avec leur activité professionnelle ;
  • l’hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel ou scientifique, ou lors de manifestations de promotion des produits de santé II de l’article L. 5311-1 du Code de la santé publique ou de prestations de santé, dès lors que cette hospitalité est d’un niveau raisonnable, strictement limitée à l’objectif principal de la manifestation et qu’elle n’est pas étendue à d’autres personnes ;
  • le financement ou la participation au financement d’actions de formation professionnelle ou de développement professionnel continu.

En revanche, ces dérogations ne s’appliquent pas aux avantages reçus par les fonctionnaires et agents visés par l’interdiction de recevoir des avantages (5).

Formalités déclaratives et d’autorisation

En application de l’article L. 1453-8 du Code de la santé publique, l’offre d’avantage couverte par une dérogation doit faire l’objet :

  • d’une convention conclue entre le bénéficiaire et la personne offrant l’avantage, dont le contenu doit être déterminé par décret ;
  • d’une déclaration ou d’une autorisation, en fonction de la valeur de l’avantage, transmise par téléprocédure à l’autorité administrative compétente ou à l’ordre professionnel concerné et dont les modalités doivent faire l’objet d’un décret.

Sanctions

Par conséquent, tant le fait de recevoir que le fait d’offrir ou de proposer un avantage prohibé encoure des sanctions :

  • le fait, pour les bénéficiaires, de recevoir un avantage prohibé est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (6) ;
  • le fait, pour les personnes visées par l’interdiction, de proposer ou de procurer des avantages, de proposer ou de procurer un avantage interdit, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende (750 000 € pour les personnes morales en application de l’article 131-38 du Code de pénal), le montant de l’amende pouvant être porté à 50 % des dépenses engagées pour la pratique constituant le délit (7).

De plus, en application de l’article L. 1454-10 du Code de la santé publique, les sanctions prononcées :

« à l’encontre d’une personne qui produit, exploite ou commercialise un produit ou une prestation prise en charge par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont portées à la connaissance du comité économique des produits de santé » .

Des modalités à préciser

En application de l’article L. 1453-13 issu de l’ordonnance susvisée, les modalités d’application de l’ordonnance doivent être déterminée par décret. Par exemple, sur la notion de prestations de santé ou sur les modalités de déclaration ou d’autorisation des dérogations.

Toutefois, à ce jour, on déplore l’absence de décrets d’application. Or, plusieurs des dispositions présentées ci-dessus nécessitent une clarification ou un complément d’information par la voie réglementaire.

Marguerite Brac de la Perrière
Chloé Gaveau
Lexing Santé numérique

(1) Ordonnance n° 2017-49 du 19-1-2017 relative aux avantages offerts par les personnes fabriquant ou commercialisant des produits ou des prestations de santé.
(2) Loi n° 93-121 du 27-1-1993 portant diverses mesures d’ordre social (loi DMOS).
(3) Loi n° 2011-2012 du 29-12-2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (loi Bertrand).
(4) Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-49 du 19-1-2017 relative aux avantages offerts par les personnes fabriquant ou commercialisant des produits ou des prestations de santé.
(5) CSP, art. L. 1453-9.
(6) CSP, art. L. 1453-7.
(7) CSP, art. L. 1453-8.

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