Le 25 novembre dernier, une proposition de loi « portant création d’un Ombudsman » a été déposée par deux sénateurs.
L’Ombudsman serait « compétent pour qualifier le contenu sur l’internet de licite ou illicite ».
Le mot « Ombudsman » est un mot d’origine suédoise qui signifie porte-parole des griefs ou homme des doléances.
L’Ombudsman peut être défini comme un médiateur indépendant qui enquête sur les requêtes adressées aux organismes des secteurs public et privé.
La nécessité d’un accompagnement des acteurs de l’internet
Le droit à l’oubli, institutionnalisé par la décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne à l’encontre de la filiale espagnole de Google Inc. le 13 mai 2014 (1) a entrainé une augmentation significative du nombre de demandes adressées à Google sur ce fondement. Ainsi, l’exposé des motifs de la proposition de loi « portant création d’un Ombudsman compétent pour qualifier le contenu sur l’internet de licite ou illicite » précise que « Google recensait 247 040 demandes de suppression en provenance de la France ».
Cependant, ces demandes font peser sur les moteurs de recherche une nouvelle charge, leur imposant un rôle de « juge » de ce qui constitue un contenu licite ou illicite sur internet, qu’ils doivent mettre en balance avec la liberté d’expression.
Cette proposition de loi a pour objectif de répondre à la situation actuelle dans laquelle « l’appel toujours plus croissant à une responsabilisation forte des acteurs de l’internet au titre du contenu qu’ils hébergent, diffusent ou rendent accessible doit s’accompagner par la mise en place de lignes directrices établies par les autorités de l’État ».
Ombudsman : quel statut ?’
Il est proposé la création d’un Ombudsman, autorité administrative indépendante, qui n’aura pas de compétence juridictionnelle mais « traite de requêtes tendant à la détermination de la qualification de licite ou d’illicite d’un contenu publié et accessible sur internet ».
Cet Ombudsman sera désigné parmi les membres de la Cnil pour un mandat d’une durée de six ans.
La procédure envisagée
L’article 7 de la proposition de loi « portant création d’un Ombudsman compétent pour qualifier le contenu sur l’internet de licite ou illicite » précise que l’Ombudsman est saisi par une « requête de qualification » du contenu litigieux par un acteur de l’internet lui-même saisi d’une demande de droit à l’oubli. « La requête doit être écrite et faire apparaître l’identité de son auteur, son objet et mentionner le contenu visé, ainsi que les raisons qui amène l’acteur de l’internet à l’origine de la saisine à avoir des doutes sur la licéité du contenu ».
L’Omsbudman dispose alors d’un délai de sept jours pour examiner la requête au regard des dispositions du Code pénal, de la jurisprudence applicable et des décisions de la Cnil et émet alors un avis. Sont exclus de sa compétence les affaires qui font « l’objet d’une procédure judiciaire en cours ou qui [ont] été préalablement tranchée[s] en droit ».
L’avis de l’Ombudsman n’est pas contraignant. Cependant, la proposition de loi prévoit que « l’acteur de l’internet qui suit l’avis de l’Ombudsman bénéfice d’une exonération de responsabilité, tant au niveau civil que pénal ».
Cette proposition de loi pourrait permettre de décharger les moteurs de recherche d’un rôle de « juge » de ce qui est licite ou non sur internet qu’ils supportent aujourd’hui et pour lequel ils engagent en outre leur responsabilité. La création d’un Ombudsman pour qualifier le contenu sur l’internet de licite ou illicite permettra une régulation des demandes de droit à l’oubli et une gestion harmonisée du traitement de ces requêtes.
Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Contentieux numérique
(1) CJUE 13-5-2014, Aff. C-131/12, Google Spain SL, Google Inc. c/ Agencia Española de Protección de Datos et Mario C. G.