Sollicitée sur ses données de trafic, la RATP a ouvert l’accès à ses données de transport via un portail open data.
Open data et smart city : ouverture des données de transport
La RATP a décidé d’ouvrir l’accès à ses données de transport par le biais de son portail open data.
Les dispositions de la loi Macron
Depuis le 6 août 2015, la loi Macron impose l’ouverture des données (« open data ») aux entreprises « assurant un service de transport public ». Attendu depuis plus d’un an, le décret devant préciser les modalités de mise en open data de ces données n’a pas encore vu le jour.
Aux termes du nouvel article L. 1115-1 du Code des transports (1), qu’il s’agisse de « services réguliers de transport public de personnes » (train, métro, bus) ou de « services de mobilité » (vélos en libre-service ou covoiturage), les entreprises de transport public sont tenues de diffuser « librement, immédiatement et gratuitement », dans un format ouvert, des informations relatives à :
- leurs arrêts ;
- leurs tarifs publics ;
- leurs horaires planifiés ;
- leurs horaires en temps réel ;
- l’accessibilité aux personnes handicapées ;
- la disponibilité de leurs services ;
- aux incidents constatés sur le réseau.
Un an après l’entrée en vigueur de ces dispositions, le constat est mitigé. En atteste le conflit qui a opposé depuis des mois la RATP et la start-up londonienne Citymapper sur l’accès aux données de trafic en temps réel détenues par la RATP. L’application britannique, spécialisée dans les déplacements urbains, convoitait impatiemment ces données dans le but d’améliorer son service de calcul d’itinéraire à destination des voyageurs.
La RATP ouvre un accès à ses données en temps réel
La RATP est depuis plusieurs années engagée dans l’open data, proposant en accès libre la liste des stations de métro et correspondances, et la liste des arrêts de bus.
En janvier 2017, elle a finalement décidé d’ouvrir ses données « temps réel » sur les horaires de passage des bus, métro et tramway aux différents arrêts et stations de l’Ile-de-France.
Cette ouverture a nécessité la mise en œuvre de moyens informatiques importants pour doubler le parc de serveurs de la RATP afin de répondre techniquement aux requêtes massives de données. Par ce biais, la RATP entend écarter les ralentissements et les pannes auxquelles elle avait été confrontée en 2016, du fait notamment d’un volume trop important de requêtes envoyées par l’application Citymapper.
Les réutilisateurs désireux d’exploiter les données de la RATP n’ont qu’à s’inscrire sur le portail open data en fournissant leur adresse IP. Pour les données en temps réel, la RATP propose une API (Application Programming Interface) qui permet d’accéder aux horaires des prochains passages pour les bus, tramways, métros et RER de son réseau. L’accès à titre gratuit est limité à 30 millions de requêtes par mois, ce qui permet tout de même à une application de calcul d’itinéraires d’interroger les bases toutes les 5 minutes. Au-delà de cette limite, la RATP proposera une offre payante basée sur un barème de prix établi en fonction du volume de data supplémentaire demandé.
La RATP prévoit déjà d’ouvrir d’autres types de données dynamiques telles que les informations en direct sur les perturbations du réseau.
Des données intelligentes pour une ville intelligente
L’ouverture des données constitue un enjeu majeur dans le contexte de la smart city. De nombreux services urbains reposent désormais sur la data, ce qui ne va pas sans soulever des questions cruciales sur leur maîtrise d’usage et leur gouvernance (2). Comment stimuler l’innovation sans perdre de vue l’intérêt général ? Comment faire de la smart city un laboratoire des politiques publiques ?
Pour les acteurs privés, il semble que la réponse réside dans l’open data, seule à même d’éviter le piège d’une position dominante des géants américains. Le syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) partage cet avis et Olivier Vacheret, responsable des informations numériques au STIF, affirme que « si l’on n’ouvre pas nos données, Google les reconstituera »(3).
A titre d’exemple, le cas de l’application Waze apparaît comme l’un des modèles les plus aboutis de service urbain de nouvelle génération. Pourtant, sa réussite interroge sur la question du contrôle de la data. Produites par des millions d’automobilistes, les données ainsi collectées en temps réel permettent à l’application de fournir un service prédictif d’itinéraire en temps réel. Mais l’application va plus loin puisque, aux Etats-Unis, Waze collabore, par exemple, avec la ville de Boston qui lui fournit des informations sur la circulation en temps réel (recueillies au moyen de caméras, de capteurs de flux, etc. dans le but de la réguler.
Application et ville semblent donc trouver un terrain d’entente sur le partage des données, la première améliorant la qualité de son service et la seconde profitant d’un désengorgement des artères les plus empruntées par les automobilistes.
Au Brésil, Waze va encore plus loin en collaborant avec la ville de Rio de Janeiro dans le cadre d’un système de pilotage des véhicules de collecte des déchets.
L’ouverture des données n’est pas sans risque pour les acteurs publics
En France, les services publics sont réticents à collaborer avec l’application Waze, rachetée par Google en juin 2013, dans la mesure où « son flux de données participe ainsi à l’indexation du monde par Google » (4).
La métropole du Grand Lyon, classée 10e ville intelligente sur 468 par le Parlement européen (5), refuse pour le moment de communiquer ses données à Google en raison de sa position dominante.
Le géant américain souhaite pourtant révolutionner le transport en ville et a lancé en 2016 le programme « Flow » (6), développé par Sidewalks Labs (7), la division de Google consacrée à la smart city. Ce programme ambitionne de transformer les déplacements en ville et est déjà testé aux Etats-Unis sur plusieurs territoires pilotes sur lesquels il recueille des données de plusieurs sources : transports publics, capteurs bornes Wi-Fi, applications diverses (Waze, Google maps, etc.).
Selon le journal The Guardian qui s’est procuré le détail de l’offre « Flow », Sidewalks Labs proposerait de réorienter les usagers vers de nouvelles formes de transport (VTC ou covoiturage par exemple) plutôt que vers les transports publics.
Ce positionnement peut s’avérer problématique et dangereux pour l’avenir des transports publics dans la mesure où il pourrait entrainer leur démantèlement progressif au profit d’offres de mobilité entre particuliers ou d’offres privées.
Pas sûr donc que les services publics ouvrent grand les bras à des offres comme celle de Google, leurs propres services risquant d’être concurrencés et menacés d’extinction.
Lexing Alain Bensoussan Avocats
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(1) Introduit par l’article 4 de la loi n° 2015-990 du 6-8-2015.
(2) Bruno Marzloff, La gazette des communes « Datacités : inventer l’intérêt général de la smart city, 21-11-2016.
(3) Cahier du Monde n°22353 du 25-11-2016, Villes intelligentes.
(4) Bruno Marzloff, La gazette des communes, « Datacités : inventer l’intérêt général de la smart city, 21-11-2016 .
(5) Onizuka, Article « Les « smart cities », ou l’usage des TIC au service du développement urbain », 7-1-2017.
(6) Site web Flowmobility.
(7) Site web de Sidewalks Labs.