« Aimer son robot » c’est le débat auquel a participé Alain Bensoussan aux cotés de Laurence Devillers, sous la direction de Raphaël Enthoven, pour le programme Philosophie diffusé sur la chaîne Arte.
L’éthique de la faiblessse
Agnès Giard, anthropologiste et chercheuse rattachée au laboratoire Sophiapol de l’Université de Nanterre, explique que « l’on ne peut s’attacher à un robot que s’il est faible, vulnérable et est amené à mourir comme nous ».
C’est ce type de robots que les japonais sont en train de développer à l’heure actuelle.
La manipulation par l’affectif computing
Laurence Devillers, professeure d’informatique à l’Université Paris-Sorbonne, elle anime au CNRS une équipe de recherche. Travaillant elle-même sur l’interaction affective homme-robot, elle explique le danger qu’il y a à aimer un robot.
Selon Laurence Devillers, ces robots, qui peuvent répondre à toutes nos attentes, nous coupent en fait de la communauté des humains, nous isolant dans un monde virtuel, irréel et appauvri.
Le robot, une nouvelle espèce dotée d’émotions
Alain Bensoussan nous présente son robot Nao, une intelligence artificielle, en développement. Selon lui, « nous en sommes à la genèse de cette espèce, à la naissance d’un monde où les humains vont vivre avec les robots ».
Pour le moment, il ne s’agit que d’algorithmes qui permettent de gérer des séquences. Mais ils deviendront des systèmes auto-apprenants, « en passe demain d’acquérir une autonomie au plan énergétique, et deviendront inéluctablement une nouvelle espèce au sens darwinien du terme : l’espèce-robot. Bienvenue dans le néohumanisme artificiel » (1).
Psychiatres, psychanalystes, philosophes et cogniticiens travaillent actuellement sur les rapports émotionnels paradoxaux que nous entretiendrons avec ce que le psychiatre Serge Tisseron appelle les « robjets », à la fois robots et objets (2). A termes, ils pourront acquérir une forme d’empathie « artificielle » non par imitation -ce qui serait anxiogène pour un interlocuteur humain-, mais par acquisition au gré de leurs interactions avec les humains.
Ce faisant, les robots empathiques modifieront notre relation aux autres, remettant en cause notre conception même des émotions. Selon Luisa Damiano et Paul Dumouchel, tous les deux professeurs de philosophie auteurs d’un essai (3), l’empathie artificielle dont on cherche à doter les robots nous apprend beaucoup sur la dimension sociale de l’esprit et « son rapport à différents types de systèmes cognitifs, naturels ou artificiels ».
Il restera à déterminer la nature exacte de ces nouvelles relations sociales et en particulier si elles seront différentes des relations entre humains. Ces questions pourraient trouver une réponse dans la proposition de considérer l’existence d’un autre système cognitif, celui propre à la personne robot (4) avec des droits protecteurs à l’instar de ce que propose Kate Darling (5).
« Aimer son robot ? » (programme Philosophie de Arte).
(Disponible du 22/09/2018 au 27/11/2018)
Isabelle Pottier
Directrice Études et Publications
(1) A. Bensoussan, « Vivre avec les robots : vers un néohumanisme artificiel », Blog expert du Figaro.fr, 1 août 2018.
(2) S. Tisseron, Le jour où mon robot m’aimera : Vers l’empathie artificielle, Albin Michel, 2015.
(3) P. Dumouchel, L. Damiano, Vivre avec les robots. Essai sur l’empathie artificielle, Le Seuil, 2016.
(4) A. et J. Bensoussan, IA et droit des robots, Larcier, 2e éd., (à paraître 2019).
(5) K. Darling, A. Bensoussan, Y. Constantinides, J-C Ganascia, J. Mccarthy, O. Tesquet, En compagnie des robots, Premier Parallèle, 2016.