La Cour d’appel de Paris considère qu’une photographie célèbre de Jimi Hendrix est protégée par le droit d’auteur.
Comme le disait Jimi Hendrix, le blues est facile à jouer mais difficile à ressentir. Il en serait de même de la notion d’originalité en matière de droit d’auteur, dont l’appréciation par les tribunaux pourrait confiner, en l’apparence, à un exercice divinatoire.
Photographie célèbre et notion d’originalité
C’est dans ce contexte qu’un arrêt récent du 13 juin 2017 de la Cour d’appel de Paris permet de mieux comprendre la démarche appliquée par la jurisprudence pour apprécier l’originalité des photographies de portrait.
La Cour d’appel de Paris vient en effet d’infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris dans le cadre d’une action en contrefaçon ayant pour objet une photographie célèbre de Jimi Hendrix.
La querelle portait essentiellement sur l’originalité de cette photographie célèbre, condition sine qua non de la protection par le droit d’auteur.
L’originalité est traditionnellement définie comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Aussi, une œuvre est originale lorsqu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Seules les œuvres originales sont admises à la protection conférée par le droit d’auteur, de sorte que toute action en contrefaçon de droits d’auteur nécessite l’examen préalable de l’originalité de l’œuvre revendiquée.
Une photographie célèbre réutilisée à des fins publicitaires
En l’espèce, une société de vente de cigarettes électroniques a, dans le cadre de sa publicité, utilisé une célèbre photographie représentant Jimmy Hendrix en train de fumer et a remplacé la cigarette de celui-ci par une version électronique.
L’auteur de la photographie et la société britannique à qui les droits d’auteur ont été cédés ont alors intenté une action en contrefaçon à l’encontre de cette société, invoquant l’atteinte portée à leurs droits patrimoniaux et moraux sur la photographie.
Dans le cadre de cette instance, le photographe faisait valoir, pour établir le caractère original de la photographie, que celle-ci « réussit à capter, le temps d’un instant fugace, le saisissant contraste entre la légèreté du sourire de l’artiste et de la volute de fumée et de noirceur et la rigueur géométrique du reste de l’image, créées notamment par les lignes et les angles droits du buste et des bras ». Il poursuivait en indiquant que « La capture de cet instant unique et sa mise en valeur par la lumière les contrastes et par le cadrage étroit de la photographie sur le buste et la tête de Jimi Hendrix révèlent toute l’ambivalence et les contradictions de cette légende de la musique et font de cette photographie une œuvre fascinante et d’une grande beauté qui porte l’empreinte de la personnalité et du talent de son auteur ».
Le Tribunal de grande instance de Paris, saisi en première instance, a estimé que le photographe « se contente de mettre en exergue des caractéristiques esthétiques de la photographie qui sont distinctes de son originalité qui est indifférente au mérite de l’œuvre et n’explique pas qui est l’auteur des choix relatifs à la pose du sujet, à son costume et à son attitude générale ». En conséquence, le Tribunal a conclu que rien ne permettait de déterminer si ces derniers éléments étaient le fruit d’une réflexion du photographe ou de Monsieur Hendrix et ainsi, si la photographie portait l’empreinte de la personnalité du photographe ou de Monsieur Hendrix.
Le Tribunal a par ailleurs relevé que « le cadrage, le noir et blanc, le décor clair destiné à mettre en valeur le sujet et l’éclairage » étaient pour leur part banals pour une photographie de portrait de pleine taille de face.
En conséquence, il a été jugé que cette photographie célèbre ne présentait pas de caractère original. L’action en contrefaçon a donc échoué.
Photographie célèbre protégée par le droit d’auteur
Dans le cadre de l’appel interjeté par le photographe et la société détenant des droits patrimoniaux sur la photographie, ceux-ci ont fait valoir que c’était le photographe qui a organisé la séance au cours de laquelle la photographie dont il s’agit a été prise. Il a par ailleurs été soutenu que le photographe a guidé et dirigé Monsieur Hendrix lors de la prise de vue et que c’était lui qui a demandé de prendre la pose reproduite sur la photographie en cause. Les appelants ont par ailleurs apporté davantage d’explications sur les choix techniques faits par le photographe : il a ainsi été soutenu que le photographe a choisi de prendre la photographie en noir et blanc et opté pour un appareil photo en particulier en vue de créer un effet esthétique particulier. De même, il a été soutenu que le photographe a choisi le décor, l’éclairage, l’angle de vue de le cadrage de la photographie.
La Cour d’appel de Paris a estimé que ces précisions, outre le fait que le photographe était reconnu au plan international et jouissait d’une forte notoriété, suffisaient à établit que la photographie en cause était le résultat de choix libres et créatifs opérés par le photographe et traduisant l’expression de sa personnalité. Il a donc été jugé que l’originalité de la photographie était établie et que celle-ci pouvait bénéficier de la protection accordée par le droit d’auteur.
Poursuivant son analyse, la Cour d’appel de Paris a considéré que les actes de contrefaçon reprochés à la société de vente de cigarettes électroniques étaient établis et a alloué en conséquence les appelants la somme de 50.000 euros et 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice patrimonial et du préjudice moral respectivement.
Marie Soulez
Viraj Bhide
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