La loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 pose une définition légale de la notion de plateforme en ligne.
Les plateformes en ligne : un marché en pleine croissance
Les plateformes en ligne participent pleinement à l’économie numérique moderne. En l’espace de deux décennies les plateformes ont accumulé un pouvoir croissant. Les parts de marché et la latitude d’actions de certains acteurs interrogent depuis lors sur les nécessités d’une régulation.
L’obstacle à la création d’un statut juridique pour les plateformes en ligne trouve sa source dans l’absence de définition d’une notion vaste et hétérogène.
Le terme de « plateforme » est communément utilisé pour désigner, à la fois, les places de marché, les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, les sites collaboratifs et de rencontres, les comparateurs, les applications mobiles et de nombreux autres intervenants.
Cependant aucune définition légale n’offrait la possibilité de dégager un ensemble commun d’acteurs bénéficiant d’un régime unique.
Des tentatives de définitions
L’utilisation courante du terme « plateforme » a contraint les intervenants du secteur et les institutions à esquisser progressivement une définition de la notion.
D’une définition terminologique vers une définition numérique de la plateforme
Le terme plateforme est utilisé pour désigner plusieurs domaines et objets.
Le terme plateforme dans la vie courante recouvre plusieurs définitions. Il peut s’entendre tout d’abord, comme une étendue de terrain relativement plane, située en hauteur par rapport à son environnement. Concernant les transports publics, la plateforme constitue la partie servant d’accès aux voyageurs. Il peut aussi désigner un support plat sur lequel divers matériaux sont installés.
De ces définitions, il est possible de considérer que la plateforme s’entend d’une surface physique pouvant servir aux interactions.
Dans l’univers de l’Internet, la plateforme est comprise comme l’espace par lequel transite l’ensemble des informations ou des services.
Au fil du temps, l’expression « plateforme » a servi à désigner tout lieu d’échanges ou se rencontrent l’offre et la demande de façon dématérialisée. Nombreux acteurs identifiants les plateformes en ligne par les effets provoqués, tels que les effets de réseau, de réduction des coûts et d’incitation à l’innovation.
Des propositions de définition des institutions
La création d’une définition légale pour les « plateformes en ligne » trouve sa source dans la prise de conscience des intervenants sur l’incompatibilité des concepts d’hébergeurs et d’éditeurs avec le caractère hybride de la plateforme.
De cette réflexion est apparue la volonté de soumettre les plateformes à des exigences spécifiques.
Le Conseil National du Numérique s’est tout d’abord saisi de la question dans un rapport consacré à leur neutralité publié en mai 2014 (1).
Il définit la plateforme comme « un service occupant une fonction d’intermédiaire dans l’accès aux informations, contenus, services ou biens, le plus souvent édités ou fournis par des tiers. Ces services d’accès organisent et hiérarchisent les contenus en vue de leur présentation et de la mise en relation des utilisateurs finaux ».
La définition s’attache à l’intermédiation proposée entre deux groupes d’utilisateurs. La plateforme s’appuie sur un réseau croisé qui se traduit par un marché biface ou multiface. Elle permet la mise en relation de plusieurs types d’agents au sein d’un même espace.
Le Conseil d’Etat s’est également penché sur cette notion controversée dans une étude annuelle portant sur le numérique et les droits fondamentaux publiée en septembre 2014.
Selon ce rapport, « les acteurs offrant des services de classement ou de référencement de contenus, biens ou services mis en ligne par des tiers » devraient être soumis à une qualification juridique distincte de celle d’hébergeur ou d’éditeur, celle de plateforme (2).
Les deux études ne différencient pas les plateformes transactionnelles, des plateformes non-transactionnelles. Il convient de préciser qu’il arrive régulièrement que les services proposés paraissent gratuits pour les utilisateurs mais trouvent une rémunération sur un marché subsidiaire.
L’introduction d’obligations légales pour les plateformes en ligne
La loi Macron, sans insérer une qualification précise pour les plateformes en ligne, a prévu, pour la première fois des obligations supplémentaires pour les services d’intermédiation en ligne.
L’article L. 111-5-1. du Code de la consommation (abrogé) imposait à ces services une obligation d’information renforcée en considérant que le principe « de mise en relation » était un élément clef de différenciation.
La création d’une nouvelle qualification dans la loi pour une République numérique
La loi pour une République numérique a franchi un nouveau cap en instaurant au sein de l’article 49 une définition des opérateurs de plateforme en ligne.
« Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
« 1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
« 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service » (3).
Le législateur consacre une définition large intégrant la majorité des services de mise en relation et évitant, par ce biais, les dérives de définitions sectorielles.
Lexing Alain Bensoussan Avocats
Lexing Propriété intellectuelle
(1) Rapport du Conseil national du numérique sur la neutralité des plateformes, 5-2014
(2) Etude annuelle 2014 du Conseil d’Etat, le numérique et les droits fondamentaux, 9-2014
(3) Article 49 de loi pour une République numérique, codifié à l’article L. 111-7-I du Code de la consommation ; Post du 17-10-2016