Dans les projets marétiques, comme souvent dans les technologies avancées, les acteurs contractuels sont hétérogènes.
La marétique mène les acteurs de l’informatique et du numérique à rencontrer ceux du domaine maritime. Les développeurs, intégrateurs, mainteneurs, hébergeurs de données, rencontrent les navigateurs, les navigants, les affréteurs, les transporteurs maritimes, fréteurs…
Juridiquement, dans le cadre des contrats informatiques, la diversité des acteurs marétiques peut être un obstacle à la bonne mise en œuvre des projets marétiques. D’une part, lors de la conclusion du contrat, lorsque les clients expriment un besoin difficile à comprendre pour un profane du domaine maritime et, d’autre part, lors de l’exécution des contrats, pour gérer ces projets selon l’organisation spécifique et le fonctionnement propre aux acteurs maritimes.
Projets marétiques : exprimer son besoin
Lorsqu’un professionnel du domaine maritime fait appel à un professionnel du domaine informatique, par exemple pour commander le développement d’un logiciel spécifique, il attend un résultat fonctionnel précis. Pour l’obtenir, le client doit s’efforcer d’exprimer son besoin clairement et précisément afin que le prestataire informatique puisse réaliser sa prestation conformément à ce besoin [1].
En l’absence d’une telle expression de besoin claire et précise, le prestataire pourrait réaliser une prestation qui ne reflète pas précisément le besoin marétique du client.
Informatique et spécificités maritimes
Cependant, tous les prestataires informatiques ne sont pas spécialisés dans le domaine maritime qui dispose de ses propres spécificités. Les grands espaces portuaires sont, par exemple, la source de perte de productivité pour les sociétés de transports maritimes par conteneurs. Les manutentionnaires doivent vider les conteneurs puis les remplir de nouveau souvent sans savoir immédiatement sur quel navire les conteneurs nouvellement remplis doivent embarquer. Selon l’emplacement du navire et le délai pour obtenir cette information, une perte de productivité se produit, notamment en cas d’urgence.
Un logiciel doit donc pouvoir prendre en compte cette spécificité en gérant ces situations de « flux tendus », par exemple en affectant les manutentionnaires, en transmettant rapidement après calcul les informations utiles. Les équipages sont, de plus, rarement des spécialistes informatiques dans le domaine maritime, même si certains de leurs membres souhaitent s’inscrire dans une politique de transformation digitale.
Le prestataire professionnel doit donc pouvoir évaluer la précision et la clarté de l’expression de besoin du client selon certains critères qui sont, notamment, la complexité des projets marétiques et la compétence informatique du client marétique.
Projets marétiques : une spécialité
Il appartiendra donc pour le client de s’assurer que le prestataire est spécialisé dans le domaine maritime et qu’il en comprend a minima les enjeux, tels que ceux de la sécurité de la navigation ou de l’ergonomie d’utilisation.
Le prestataire doit prendre la mesure de l’importance qu’il doit accorder à la connaissance, la compréhension, la bonne analyse des besoins définis dans le dossier d’expression des besoins, afin de mettre à profit son expertise informatique et ses expériences de projets marétiques et permettre la bonne exécution de ses prestations.
Ainsi, le prestataire s’assurera notamment que le cahier des charges ou le dossier d’expression de besoin est précis, complet et que le vocabulaire utilisé lui est compréhensible.
Pourront notamment être organisés des ateliers, pour partager les idées propres à la marétique et s’assurer de la bonne compréhension du besoin marétique. Les causes techniques des retards des transporteurs maritimes peuvent être partagées afin que le prestataire puisse proposer une réponse fonctionnelle en relation avec des fonctions météorologiques pour anticiper a minima, le cas échéant, ces retards.
Gérer les projets marétiques
Dans le même sens et pour s’assurer de la bonne gestion des projets marétiques, les échanges d’information et la collaboration entre les parties devront être constantes dans le cadre de ces projets.
Cette collaboration dans la gestion de projets marétiques se concrétise par la mise en place contractuelle de comités de pilotage et de direction notamment. Cette organisation permet de coordonner les actions des acteurs du projet en mettant en place, selon une fréquence décidée par les parties, une gestion de la prise de décision relative au projet et de discussion sur les points complexes ou bloquants des projets marétiques.
Lors de ces réunions de comité, les clients peuvent partager leurs inquiétudes notamment en matière d’insécurité. Les dangers de la navigation maritime, l’obligation de vigilance de l’officier de quart, du timonier ou du capitaine, par exemple, qui doivent prendre en compte les facteurs météorologiques, de vitesse, de directions et s’adapter, dans le même temps, aux écrans et logiciels font partie des points complexes qu’il faut partager lors de ces comités.
L’expression de besoin et l’ensemble des difficultés liées à la pluralité des acteurs peuvent donc y être débattues et des solutions y sont souvent déterminantes pour les perspectives du projet.
Comités de pilotage et de direction de projets marétiques
Lorsque de tels comités sont prévus au contrat, il faut que les conditions suivantes y soient définies de sorte que leur organisation soit efficace :
- les missions du comité, notamment en termes de précision du besoin marétique ;
- la fréquence de réunion des comités, en prenant en considération la durée du projet et le calendrier de réalisation ;
- le nombre et la fonction des acteurs, en s’assurant par exemple qu’un utilisateur pilote spécialiste du domaine maritime soit présent pour spécifier ses besoins et transmettre son avis ;
- le mode de rédaction de l’ordre du jour et son délai de transmission avant la réunion du comité ;
- les modalités de rédaction et de validation du compte rendu du comité ;
- la mise en œuvre des actions décidées dans le cadre de ces comités.
En prenant en compte la gestion des relations hétérogènes telles qu’elles existent en marétique, les comités de projet et de direction sont des outils efficaces, pour maintenir les différents acteurs en bonne intelligence.
Eric Le Quellenec
Daniel Korabelnikov
Lexing Informatique conseil
(1) Cass. com. 6-10-1998, n°96-13685.