Une nouvelle illustration de pratiques commerciales trompeuses à propos du service de transport Uberpop.
En effet, dans un arrêt en date du 7 décembre 2015 (1), la Cour d’appel de Paris est venue apporter une nouvelle pierre à la construction de l’édifice jurisprudentiel sur cette notion .
Pour mémoire, une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service (2).
Parmi ces pratiques commerciales déloyales, il convient de distinguer les pratiques commerciales trompeuses (3) et les pratiques commerciales agressives (4). C’est de la première catégorie qu’il s’agit en l’espèce, catégorie qui regroupe, sous le terme de pratiques commerciales trompeuses, les principales pratiques suivantes :
- les pratiques créant une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;
- les pratiques reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’existence et la disponibilité d’un bien ou d’un service, ses caractéristiques essentielles, son prix, etc. ;
- les pratiques visant à omettre, dissimuler ou fournir de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou qui n’indiquent par leur véritable intention commerciale.
Outre ces éléments de définition, la Code de la consommation vise également une liste de pratiques réputées par principe trompeuses. A titre d’exemple, doit être considérée comme trompeuse la pratique d’un professionnel visant à se présenter faussement comme un consommateur. Pour une autre illustration, est constitutive d’une pratique commerciale trompeuse le fait de déclarer ou de donner l’impression que la vente d’un produit ou la fourniture d’un service est licite alors qu’elle ne l’est pas.
Ces pratiques sont interdites et sont pénalement sanctionnées, un emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000 euros (amende portée au quintuple si la personne responsable est une personne morale) étant encourus. Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. Des peines complémentaires peuvent également être prononcées (5).
Dans cette affaire, la société Uber avait fait l’objet d’une plainte par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), avec constitution de partie civile de trois syndicats de taxis, portant sur son service UberPop, service permettant à des particuliers de proposer des services de chauffeur avec leur propre véhicule sans formation particulière ni licence.
A l’appui de cette plainte, il était reproché à la société Uber d’avoir commis des pratiques commerciales trompeuses du fait de la diffusion de communications commerciales incitant les consommateurs, conducteurs ou utilisateurs à participer au service UberPop :
- en leur fournissant de façon ambiguë des informations substantielles sur les caractéristiques essentielles du service, notamment sur leur statut de particulier ou de professionnel, ainsi que sur le type d’assurance, particulier, covoiturage ou professionnel, nécessaire pour garantir leur responsabilité civile ;
- en omettant ou en dissimulant une information substantielle sur les caractéristiques essentielles du service, en l’espèce l’absence d’assurance adaptée garantissant leur indemnisation en cas d’accident ;
- en donnant l’impression que ce service est licite, alors qu’il ne l’est pas.
Les juges de première instance avaient rejeté les deux premiers motifs, mais avaient retenu l’existence d’une pratique déloyale sur le fondement de la présentation du service par la société Uber comme licite alors qu’il ne l’était pas.
La société Uber avait alors été condamnée au paiement d’une amende de 100 000 euros et, à titre de peine complémentaire, à la diffusion de la décision de justice sur divers sites internet édités par cette dernière. Des dommages-intérêts avaient également, dans une moindre mesure, été accordés aux syndicats de taxis qui s’étaient constitués partie civile.
La société Uber ayant interjeté appel de cette décision, la Cour d’appel de Paris non seulement confirme le jugement de première instance mais retient également les deux autres motifs précités sur les conditions d’assurance des chauffeurs et sur le statut de particulier ou de professionnel des conducteurs.
L’arrêt d’appel vient en conséquence aggraver la condamnation prononcée par les juges de première instance et porte le montant de l’amende pénale à 150 000 euros. Elle confirme également les condamnations prononcées par le jugement s’agissant de la peine complémentaire de publication de la décision de justice sur les sites internet www.uber.com et www.blog.uber.com et de l’indemnisation des parties civiles.
Cet arrêt, qui s’inscrit dans la tendance actuelle de multiplication des condamnations sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses, vient rappeler aux annonceurs l’importance de tenir compte de ce risque et de l’anticiper dans le cadre de l’élaboration de toute campagne de communication, notamment la nécessité de faire valider juridiquement la rédaction et la présentation desdites campagnes préalablement à leur diffusion.
Alain Bensoussan
Lexing Droit Marketing électronique
(1) CA Paris, pôle 4, ch.10, 7-12-2015.
(2) C. consom., art.L.120-1.
(3) C. consom., art.L.121-1 et L.121-1-1.
(4) C. consom., art.L.122-11 et L.122-11-1.
(5) C. consom., art.L.121-6.