Le titre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux pratiques prohibées a été refondu par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 (1).
Les deux apports majeurs de l’ordonnance consistent dans une :
- simplification de la liste des pratiques restrictives de concurrence ;
- l’indication d’une durée suffisante de préavis dans l’hypothèse d’une rupture des relations non justifiées par une inexécution contractuelle de l’une des parties ou un cas de force majeure.
Simplification des pratiques restrictives de concurrence
L’article L.442-6 du Code de commerce (avant l’ordonnance n° 2019-359) listait treize pratiques considérées comme restrictives de concurrence et notamment :
- le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ;
- de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
- d’obtenir ou tenter d’obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l’assortir d’un engagement écrit sur un volume d’achat proportionné et, le cas échéant, d’un service demandé par le fournisseur et ayant fait l’objet d’un accord écrit ;
- d’obtenir ou tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services, ne relevant pas des obligations d’achat et de vente ;
- de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;
- de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure.
Cet article est désormais remplacé par l’article L.442-1 qui se limite à trois pratiques restrictives de concurrence engageant la responsabilité de leur auteur et l’obligeant à réparer le préjudice induit. Ces pratiques sont les suivantes :
- obtenir ou tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
- soumettre ou tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
- rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
Pourquoi une telle simplification ?
Elle se justifie par deux éléments :
- le premier, la jurisprudence atteste que ces trois pratiques sont celles qui sont le plus souvent reprochées dans le cadre du contentieux des relations commerciales ;
- le second, les trois pratiques retenues et listées sont suffisamment « larges » pour intégrer les dix autres pratiques qui ne sont plus expressément libellées dans les dispositions du Code de commerce.
Durée de préavis en cas de rupture brutale des relations commerciales établies
Le second apport majeur de l’ordonnance du 24 avril 2019 réside dans l’indication d’une durée plafonnée de préavis dans l’hypothèse d’une rupture des relations commerciales établies.
Précisons que la notion de rupture brutale des relations commerciales établies ne s’applique pas dans le cadre de ruptures justifiées par l’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Dans ces circonstances, il est possible de résilier le contrat sans préavis, sous réserve d’être en mesure de justifier soit de l’inexécution, soit de la force majeure.
Ainsi, les nouvelles dispositions précisent qu’en cas de litige entre les parties sur la durée de préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.
La question de la suffisance de la durée du préavis est une question centrale qui a donné lieu à un important contentieux judiciaire. Ces nouvelles dispositions visent à clarifier et simplifier la situation.
Toutefois, une telle durée, si elle est « sécurisée » juridiquement, reste longue dans la pratique.
Préalablement à ces dispositions, la jurisprudence avait mis en place un calcul fondé sur l’équation suivante : un mois de préavis par année d’ancienneté.
Sur la base de cette équation, l’application des nouvelles dispositions équivaudrait à une relation commerciale de dix-huit années, ce qui ne correspond pas nécessairement à la durée des relations commerciales ayant abouti à un contentieux judiciaire.
Il est certain que la jurisprudence à venir nous donnera de précieux outils d’interprétation de ces nouvelles dispositions.
Eve Renaud-Chouraqui
Lexing Concurrence Propriété intellectuelle Contentieux
(1) Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.