Dans un arrêt du 23 avril 2023, la Cour d’appel de Paris a élargi l’application de la présomption de professionnalité aux messages échangés via des services de messagerie instantanée tels que WhatsApp, dans le cadre d’une affaire de concurrence déloyale.
Le cadre général sur le respect au droit à la vie privée du salarié au travail
L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, et l’article 9 du Code civil garantissent le droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances. Ces protections s’étendent aux salariés dans le cadre de leur activité professionnelle, mais ne sont pas absolues.
L’article L. 1121-1 du Code du travail dispose que :
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
L’ingérence de l’employeur dans la vie privée du salarié doit donc répondre à un besoin social impérieux. Elle doit en outre, avoir un caractère proportionné à la protection des droits de l’employeur.
De la présomption de professionnalité des SMS à celle des messages WhatsApp
Jusqu’à présent, la jurisprudence présumait professionnels les SMS émis ou reçus à partir d’un téléphone professionnel sauf identification explicite « personnels » (1).
L’arrêt d’appel du 23 avril 2023, la Cour d’appel de Paris étend cette présomption aux messages échangés sur WhatsApp.
Pour justifier sa décision, la Cour précise notamment que :
« l‘installation et l’accès à l’application WhatsApp ne sont pas subordonnés à l’utilisation d’une adresse email personnelle, mais seulement à un numéro de téléphone, en l’occurrence le numéro de téléphone professionnel (…) en sorte qu’est ici applicable, par analogie, la présomption du caractère professionnel posée par la Cour de cassation pour les « short message service » (SMS), aux termes de laquelle « Les messages écrits, « short message service » (SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ».
Enjeux pour l’utilisation des messageries instantanées en milieu professionnel
Cet arrêt peut potentiellement redéfinir l’accès des employeurs aux messages échangés sur les messageries instantanées dans le contexte professionnel. Il devrait donc être le support d’une évolution des politiques en matière de communication professionnelle.
Il forme, en toutes hypothèses, un rappel de l’importance d’une distinction claire entre communications professionnelles et communications privées.
Cette distinction est, en pratique, principalement opérée au travers des règles de nommage prévues par la charte informatique (2).
Virginie Bensoussan-Brulé
Raphaël Liotier
Lexing pôle contentieux numérique
Jade Banchereau, Stagiaire
Étudiante en L3 Droit franco-allemand
(1) Cass com 10-02-2015 n° 13-14.779
(2) Voir Virginie Bensoussan-Brulé et Raphaël Liotier, « Charte informatique et ingérence dans la vie privée du salarié », Alain-Bensoussan.com, 10-05-2018.