Suite à la diffusion, par voie d’affichage, lors de la campagne cantonale, de propos diffamants, un maire avait déposé plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, sur le fondement des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les propos étaient les suivants : « Notre pays, à travers un système de détournements de fonds et de passe-droits mis en place depuis des décennies par l’oligarchie mafieuse UMPS est devenu un havre de corruption stigmatisé par les études internationales en la matière. Et ceci à tous les échelons ! Fausses voies communales. La moitié de nos voies communales sont en réalité des voies privées créées et entretenues par la commune et le département aux frais du contribuable. De telles anomalies ne peuvent perdurer sans l’aval des échelons supérieurs. A la DDE, c’est le fait de François Y…, maire de Mazan L’Abbaye et crapule finie. Ce goujat pousse le bouchon jusqu’à refuser de fournir copie du tableau de classement des voies communales établi par ses services, et qui est un faux grossier ».
Condamné par le tribunal correctionnel, le prévenu avait fait appel de la décision. L’arrêt d’appel avait confirmé le jugement entrepris et le prévenu avait alors formé un pourvoi en cassation.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel sur deux des moyens de cassation et a rappelé que :
- conformément à l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 octobre 2011, la prescription de l’action publique est suspendue à partir du moment où le juge d’instruction estime que l’information est achevée et pendant les délais prévus par l’article 175 du Code de procédure pénale, et que par conséquent l’action publique ne pouvait être prescrite du fait que plus de trois mois s’étaient écoulés entre le réquisitoire définitif du procureur de la République et l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, « en raison de l’impossibilité de droit, pour la partie poursuivante, de se substituer au juge d’instruction pour prendre un tel acte juridictionnel relevant de la seule compétence de ce dernier » ;
- la cour d’appel a justifié sa décision en écartant « l’exception de nullité de la plainte, prise du non-paiement par la partie civile du montant de la consignation fixée par le juge d’instruction, l’arrêt énon[çant] notamment qu’il n’appartient pas à ce dernier de vérifier l’origine des fonds consignés ; que les juges relèvent qu’en l’espèce, la consignation a été versée dans les délais impartis par la partie civile ».
Par arrêt du 8 avril 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel sur le dernier moyen. Elle a en effet fait une stricte application de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le principe de l’intangibilité des poursuites en matière de presse en énonçant « qu’en matière de délits de presse, l’acte initial de poursuite fixant définitivement et irrévocablement la nature et l’étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification, la juridiction de jugement ne peut prononcer aucun changement de qualification sur le rapport de la loi sur la presse, et doit statuer sur la prévention telle qu’elle résulte de cet acte ».
En l’espèce, la plainte avec constitution du maire était fondée sur les articles 29, alinéa 1er, et 31, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, qui vise la diffamation publique envers un particulier. Or, la diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public est prévue et réprimée par les articles 29, alinéa 2, et 33, alinéa 1er, de la loi.
Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Droit pénal numérique