Preuve pénale. La Chambre criminelle juge de manière constante qu’aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale.
Il leur appartient seulement, en application de l’article 427 du Code de procédure pénale, d’en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire.
Ainsi ont été admis :
- la pratique du « testing » pour les discriminations appliquées à l’entrée de certaines discothèques (1) ;
- les écoutes téléphoniques policières (2) ;
- les enregistrements de conversations privées réalisés à l’insu des personnes concernées (3).
Dans l’affaire des fichiers informatiques volés par un salarié de la banque suisse HSBC et utilisés par l’administration fiscale française dans le cadre de perquisitions, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, par arrêt du 27 novembre 2013, que « les fichiers informatiques contestés ne constituent pas, au sens de l’article 170 du Code de procédure pénale, des actes ou pièces de l’information susceptibles d’être annulés, mais des moyens de preuve soumis à discussion contradictoire, d’autre part, les juges ont, par des motifs pertinents, estimé que l’autorité publique n’était pas intervenue dans la confection ou l’obtention des pièces litigieuses, qui proviennent d’une perquisition régulièrement effectuée ».
Le cadre légal. L’article 6-2 de la Convention européenne des droits de l’homme énonce que « toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente, jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».
Toutefois, l’article 427 du Code de procédure pénale dispose que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui », faisant ainsi prévaloir le souci de vérité sur la loyauté.
Preuve civile. En matière civile, s’applique un principe général de loyauté fondé sur trois textes essentiellement :
- l’article 9 du Code de procédure civile, selon lequel « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ;
- l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement » et l’article 6-2 précité ;
- l’article 1134, alinéa 3, du Code civil, selon lequel « les conventions doivent être exécutées de bonne foi ».
Les Chambres civiles, sociales et commerciales de la Cour de cassation imposent la loyauté dans la confection de la preuve des faits essentiellement pour garantir le respect de la vie privée des parties.
Ainsi, il n’est pas possible d’établir l’adultère ou la faute professionnelle à partir d’enregistrements volés ou d’une caméra de vidéosurveillance clandestine.
La portée probatoire des courriers électroniques reçus sur la messagerie professionnelle d’un salarié a été réduite mais la Chambre sociale s’est montrée plus souple pour les SMS et messages vocaux « adressés » par le salarié.
L’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l’insu de l’auteur des propos incriminés, a été considéré comme un procédé déloyal.
Position de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation. L’assemblée plénière s’est prononcé aux termes d’un arrêt du 7 janvier 2011.
Des dirigeants de Philips et Sony avaient été mis en cause devant l’Autorité de la concurrence dans une affaire d’entente illicite qu’ils avaient reconnue dans une conversation téléphonique privée. Sur appel, la cour de Paris avait admis cette preuve. L’assemblée plénière casse.
Mais surtout, dans le communiqué de presse, il est indiqué que le principe de loyauté de la preuve « participe pleinement à la réalisation du droit fondamental de toute partie à un procès équitable et s’applique en tout domaine ».
Virginie Bensoussan-Brulé
Lexing Droit pénal numérique
(1) Cass. crim. 11-6-2002 n° 01-85559
(2) Cass. crim. 13-10-2004 n° 00-86726, 00-86727, 01-83943, 01-83944, 01-83945 et 03-81763
(3) Cass. crim. 31-1-2012 n° 11-85464