Prix du livre – En juin dernier, des députés ont déposé une proposition de loi visant à » ne pas intégrer la prestation de la livraison à domicile dans le prix du livre « .
Le prix du livre fait en effet l’objet d’une réglementation stricte fixée par la « loi Lang » qui prévoit notamment que les livres, sauf exceptions, doivent être vendus à un prix unique (minoré éventuellement d’une remise de 5 %) en France par tous les détaillants (art. 1er), le non-respect de cette disposition étant sanctionné par une contravention de 3e classe (450 €) (1).
Elle prévoit aussi que les ventes à prime sur les livres doivent être proposées par l’éditeur ou l’importateur simultanément et dans les mêmes conditions à l’ensemble des détaillants, ce qui empêche toute opération promotionnelle isolée.
Mais comme l’ont noté les députés dans l’exposé des motifs, la question des frais de port était absente de la loi, car la vente via internet n’existait pas lors de son adoption.
Depuis les débuts du commerce en ligne, la question des frais de port s’est posée de façon récurrente, opposant les libraires indépendants aux libraires uniquement présents en ligne. Ces derniers proposent en effet la plupart du temps, outre une réduction de 5 % sur le prix du livre vendu au public des livres, les frais de port gratuits, ce qui a provoqué des accusations de concurrence déloyale de la part des libraires » traditionnels « .
La Cour de cassation s’est prononcée sur la pratique licite des frais de port gratuits en 2008 en jugeant que » la prise en charge par le vendeur du coût afférent à l’exécution de son obligation de délivrance du produit vendu ne constitue pas une prime au sens des dispositions du code de la consommation » (2).
La proposition de loi initiale prévoyait ainsi d’insérer une précision dans l’article 1er de la loi Lang qui définit le prix effectif de vente au public des livres. Suite à la définition de celui-ci (« les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l’éditeur ou l’importateur »), il aurait été inséré : « la prestation de livraison à domicile ne peut pas être incluse dans le prix ainsi fixé ».
Cette version laissait ainsi la possibilité aux opérateurs en ligne de continuer à pratiquer la remise de 5 % sur le prix du livre.
Néanmoins, les discussions à l’Assemblée nationale ont quelque peu modifié le texte, qui spécifiait, dans la version transmise au Sénat, que les libraires en ligne ne peuvent pratiquer la remise de 5 % sur le prix du livre, mais leur laisse la possibilité d’imputer cette réduction sur les frais de livraison. Dans ce cadre, les frais de port pouvaient ainsi continuer à être gratuits si la réduction de 5 % était égale à ces derniers.
C’est sur cette possibilité que le Sénat est revenu en ajoutant la précision selon laquelle les frais de livraison ne peuvent pas être gratuits. En l’état actuel de la proposition de loi, il est donc impossible pour les commerçants en ligne de pratiquer la remise de 5 % sur le prix de vente du livre, pratique qui reste possible pour les libraires traditionnels, et de proposer des frais de port gratuits, ce qui va causer un enchérissement de leurs prix.
Par ailleurs, les sénateurs ont introduit un délai de trois mois après la publication de la loi afin de permettre aux opérateurs en ligne de se mettre en conformité avec cette disposition.
Il convient de suivre l’adoption définitive de la loi afin de répercuter ces nouvelles dispositions sur ses pratiques.
Cette proposition devra encore être adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat en deuxième lecture pour que sa portée exacte puisse être précisément déterminée.
Céline Avignon
Mathilde Alzamora
Lexing Droit Marketing électronique
(1) Décr. 85-556 du 29-5-1985 sur les infractions à la loi 81-776.
(2) Cass. com., 6-5-2008, n°07-16381.