L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) vient de publier une communication intitulée « Produits virtuels, jetons non fongibles et métavers ».
Il y présente son approche sur la manière d’appréhender les produits virtuels et les NFT (Non Fungible Token) au regard de la classification de Nice, qui est le document de référence de classification des produits et des services pour les déposants de marques.
Lors d’une réunion d’information du 24 juin 2022, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) s’est également prononcé à ce sujet.
Quelles classes et quelles désignations ?
Le succès des produits virtuels et des NFT a conduit à l’émergence fulgurante et croissante de dépôts de marques se rapportant à de tels produits.
Or, la classification de Nice en vigueur ne contient pas de libellés officiels en relation avec les produits virtuels et les NFT.
Jusqu’à présent, ni l’EUIPO, ni l’INPI ne s’étaient exprimés officiellement sur les désignations adéquates conseillés et les classes auxquels rattacher les produits virtuels et les NFT.
Par conséquent, un flou persistait pour les déposants de marques qui risquaient de se heurter à des objections de l’EUIPO et de l’INPI.
Les dernières communications de l’EUIPO et de l’INPI sont donc les bienvenues.
La classification des produits virtuels et NFT selon l’EUIPO
L’EUIPO précise² d’abord que les produits virtuels et les jetons non fongibles (NFT) relèvent de la classe 9, dans la mesure où :
- Les produits virtuels sont analysés comme des « contenus ou images numériques »;
- Les NFT sont appréhendés comme des « certificats numériques uniques enregistrés dans une chaîne de blocs qui authentifient des éléments numériques mais qui sont distincts de ces derniers ».
En revanche, selon l’EUIPO, les désignations « produits virtuels » et « jetons non fongibles » manquent de clarté et de précision et doivent donc être davantage précisées selon les principes suivants.
S’agissant des produits virtuels, le contenu auquel ils se rapportent doit être explicité, comme dans l’exemple suivant : « produits virtuels téléchargeables, à savoir vêtements virtuels ».
Pour les NFT, l’EUIPO requiert que le type d’élément numérique authentifié par le NFT soit précisé, la seule expression « jetons non fongibles » étant insuffisamment claire et précise.
Enfin, l’EUIPO souligne que les services se rapportant aux produits virtuels et aux NFT « seront classés conformément aux principes établis de classification de services » d’ores et déjà établis.
La classification des produits virtuels et NFT selon l’INPI
A l’instar de l’EUIPO, l’INPI classe les produits virtuels et les NFT en classe 9, et estime que les seules désignations « produits virtuels » et « jetons non fongibles (NFT) » manquent de clarté et de précision.
Pour les produits virtuels, au regard des exemples fournis par l’INPI, le rattachement à une désignation officielle existante s’impose :
- Par exemple, la désignation « objets de collection téléchargeables ou non téléchargeables » est trop floue en raison de la diversité des « objets de collection » ;
- A l’inverse, la désignation « actifs numériques virtuels téléchargeables » est suffisamment précise, car les actifs numériques sont par ailleurs définis à l’article L.54-10-1 du Code monétaire et financier ;
- De même, le libellé « produits virtuels téléchargeables, à savoir, programmes informatiques en relation avec des parfums, des sacs, des chaussures, des jeux » est suffisamment clair.
S’agissant des NFT, l’INPI rappelle un principe énoncé par la décision n°2019-157 du Directeur général de l’INPI selon lequel un libellé de produits et services ne peut pas comprendre de termes :
- étrangers,
- de fantaisie, tels que des marques, ou
- vagues.
En conséquence, l’acronyme NFT ne peut pas constituer une désignation acceptable dans un dépôt de marque française.
De surcroît, la traduction française de NFT, « jetons non fongibles », n’est pas plus acceptable car une telle désignation est équivoque.
A titre de rappel, un NFT est un « fichier numérique auquel est attaché un certificat d’authenticité numérique c’est-à-dire un jeton cryptographique stocké sur une chaîne de blocs (blockchain) ». Or, si le fichier numérique contenant des vidéos est interchangeable (fongible), tel n’est pas le cas du NFT associé.
En conséquence, et en accord avec le comité d’experts pour la classification de Nice d’avril 2022, la désignation « jetons non fongibles [NFT] » est remplacée par « fichiers numériques téléchargeables authentifiés par des jetons non fongibles [NFT] ». Il est possible d’être encore plus précis, par exemple en retenant un libellé tel que « fichiers d’images téléchargeables contenant des œuvres d’art authentifiées par des jetons non fongibles (NFT) ».
Par ailleurs, conformément à la décision n° 2019-157 précitée, il convient de privilégier les termes « chaîne de blocs » en lieu et place du mot anglais « blockchain ».
La classification des services en lien avec les produits virtuels et NFT par l’INPI
L’INPI a apporté des précisions très utiles sur les libellés des services en relation avec les produits virtuels et NFT.
Par exemple, l’INPI considère les libellés suivants suffisamment clairs et précis :
- « services de magasin de vente au détail en ligne proposant des produits virtuels téléchargeables à savoir, programmes informatiques destinés à être utilisés en ligne et dans des environnements virtuels en ligne » ;
- « services de magasin de vente au détail en ligne proposant des produits virtuels téléchargeables à savoir, programmes informatiques contenant des parfums, des sacs, des chaussures » ;
- « services de divertissement, à savoir mise à disposition de jeux informatiques en ligne destinés à être utilisés dans des environnements virtuels » ;
- « recherche et développement de nouveaux fichiers numériques téléchargeables authentifiés par des jetons non fongibles [NFT] ».
En effet, les services correspondent à des désignations usuelles et se rapportent à des produits clairement identifiables.
Dans la logique de ce qui a été énoncé concernant la classification des produits, l’INPI rappelle que le libellé « vente de jetons non fongibles » n’est pas conforme à la classification de Nice. Il convient donc de privilégier le libellé « service de vente au détail de fichiers numériques téléchargeables authentifiés par des jetons non fongibles [NFT] ».
Par ailleurs, il convient de tenir compte de qu’un « jeton numérique » défini par l’article L.552-2 du Code monétaire et financier peut être fongible (crypto-actifs) ou non-fongible (NFT), sans être légalement considéré comme de la monnaie ou des devises (cf. art. L. 54-10-1 du Code monétaire et financier). Aussi, le rattachement à la classe 36 ne peut être réalisé que pour des services financiers se rapportant expressément à des services de cryptomonnaie.
Evolutions à venir
Les approches adoptées récemment par l’EUIPO et l’INPI sont susceptibles d’évolution.
A noter : Les parties prenantes peuvent soumettre leurs observations jusqu’au 3 octobre 2022 sur un projet de directives de l’EUIPO pour 2023. Affaire à suivre donc pour les déposants de marques mondes virtuels.