La loi pour une République numérique définit les obligations d’information des OPN, opérateurs de plateforme numérique, cette loi (2016-1321 du 7-10-2016) (1) recompose le régime juridique auquel sont soumis les opérateurs de plateformes en ligne, problématique déjà envisagée par la loi du 6 août 2015, dite loi « Macron », qui avait donné une première définition de cette activité et l’avait soumise à un principe de loyauté par le biais d’obligations d’information (2).
Obligations d’information des OPN : le principe de loyauté
L’article 49 de la loi pour une République numérique (3) qualifie d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
- Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers (C. consom. art. L111-7, I, 1°) ;
- Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service (C. consom. art. L111-7, I, 2°) ;
Le champ d’application du régime est ainsi élargi par rapport à l’ancienne version de l’article L111-7 du code de la consommation, permettant d’appréhender les opérateurs de plateforme en ligne dans toute leur diversité (moteurs de recherches, réseaux sociaux, plateformes collaboratives, site comparateurs, etc.).
La loi pour une République numérique a également étendu le principe de loyauté, concrétisé par une obligation d’information « loyale, claire et transparente » de l’opérateur de plateforme à l’égard du consommateur, concernant :
- Les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation, les modalités de référencement, classement, déréférencement ;
- L’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement ;
- La qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile, fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relations avec des professionnels ou des non-professionnels.
Un projet de décret présente les différentes obligations d’information des OPN
Le nouvel article renvoie au pouvoir réglementaire la charge d’établir ses conditions d’application, « en tenant compte de la nature de l’activité » en cause.
C’est désormais chose faite puisqu’un projet de décret vient de voir le jour, « relatif aux obligations d’information des opérateurs de plateformes numériques », dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er septembre 2017 (4). Il met en place une obligation d’information exigeante, détaillée, accentuée.
Plusieurs situations sont visées par le projet de décret, appelant à des obligations d’information distinctes.
Les obligations d’information des OPN communes à tous les opérateurs
Une première obligation d’information concerne la totalité des opérateurs de plateformes, tels que définis par l’article L111-7 modifié du code de la consommation (5).
- D’une part, leur est imposé la mise en place d’une rubrique spécifique, directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site et matérialisée par une mention ou un signe distinctif. Dans cette rubrique, devra figurer :
- Les conditions de (dé)référencement et notamment les règles applicables pour être référencés, les obligations des offreurs dont le non-respect peut conduire à être déréférencé et les recours possible contre le déréférencement ;
- Les critères de classement par défaut et leurs définitions ;
- L’existence d’une influence sur le référencement et le classement d’une relation contractuelle d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur et les offreurs ;
- D’autre part, sur chaque page de résultat de classement, doivent apparaître :
- L’existence de l’influence précitée, le cas échéant, par une mention ou un signe distinctif ;
- Le critère de classement utilisé par défaut et sa définition, de manière lisible et compréhensible, en haut de chaque page avant le résultat.
Les obligations d’information des OPN commerçants
Une seconde obligation d’information concerne, cette fois, les seuls opérateurs de plateformes visés à l’article L117-1, I, 2° du code de la consommation, id est dont les services reposent sur « la mise en relation de plusieurs parties en veut de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service » (6). Dans une rubrique spécifique directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site sans que l’utilisateur ait besoin de s’identifier, doivent figurer des informations relatives à la qualité des offreurs (professionnels ou consommateurs), au descriptif du service de mise en relation et des contrats dont il permet la conclusion, au prix (son mode de calcul, le prix d’éventuels services additionnels, les modalités de paiement), aux assurances et garanties éventuellement proposées par l’opérateur, et aux modalités de règlement des litiges.
Les obligations d’information des OPN entre professionnels
Enfin, la troisième situation visée par le projet de décret est celle de tout opérateur de plateforme en ligne, tel que défini par l’article L117-1 du code de la consommation à l’exclusion des plateformes dont les offreurs sont exclusivement des professionnels (7).
L’opérateur de telles plateformes doit alors préciser, outre les informations précitées, de manière lisible et compréhensible :
- la qualité de l’offreur : professionnel, consommateur, non-professionnel ;
- préalablement au dépôt de l’offre : les sanctions encourues par un offreur agissant à titre professionnel qui se présente comme un consommateur ou un non professionnel ainsi que la responsabilité de plein droit de l’offreur de la bonne exécution des obligations au titre du contrat à distance ;
- pour chaque offre : le prix total y compris les éventuels frais de mise en relation ou tous les frais supplémentaires exigibles ;
- préalablement au paiement lorsqu’il s’agit de relation entre consommateurs ou non-professionnels : le droit de rétractation contractuel ou légal, la garantie contractuelle ou légale, les dispositions du code civile relatives au droit des obligations applicables à la relation contractuelle (lien hypertexte).
Premières réactions aux obligations d’information des OPN
Un communiqué de presse des organisations professionnelles du numérique du 25 janvier 2017 (8) s’émeut de ce projet de décret qui, s’il venait à s’appliquer, serait non seulement douteux quant à sa légalité puisque le projet outrepasserait les exigences législatives (notamment à cause d’une « multitude d’informations non prévues par la loi ») mais aussi dangereux pour leurs activités.
En effet, toujours selon ces organisations professionnelles, certaines des informations requises relèveraient du secret des affaires (prix ou mode de calcul du prix de l’intermédiation) ou du droit de la propriété intellectuelle (les critères de classement par défaut qui sont des algorithmes). Par ailleurs, les exigences concernant la rubrique spécifique et la mention ou le signe distinctif serait « techniquement contraignantes pour les opérateurs et facteurs de confusion pour le consommateur », raison pour laquelle le Gouvernement avait, lors des débats parlementaires, soutenu la suppression de la notion de « signalisation explicite », qui revient pourtant dans le projet.
A quand la mise en œuvre des obligations d’information des OPN ?
Le projet doit maintenant être notifié à la Commission européenne, ce qui pourra être source de modifications. Par ailleurs, sa publication pourrait être retardée par le calendrier électoral ce qui laisse aux organisations professionnelles encore quelques mois pour se faire entendre.
Virginie Bensoussan-Brulé
Lexing Contentieux numérique
(1) Loi 2016-1321 du 7-10-2016 pour une République numérique, art. 49.
(2) Loi 2015-990 du 6-8-2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (ancien article L111-5-1 du code de la consommation)
(3) C. consom. art. L.111-7 modifié
(4) Projet décret relatif aux obligations d’information des opérateurs de plateformes numériques
(5) Art. D.111-7 du code de la consommation dans le projet de décret précité
(6) Art. D.111-8 I. du code de la consommation dans le projet de décret précité
(7) Art. D.111-8 II. du code de la consommation dans le projet de décret précité
(8) Communiqué de Presse du 25 janvier 2017 (FEVAD, Syntec Numérique, TECH IN France) « Les organisations professionnelles du numérique s’alarment du projet de décret relatif à la loyauté des plateformes qui va au-delà des intentions du législateur »