Les propos tenus par une salariée sur son compte Facebook dans un groupe fermé et restreint ne justifient pas un licenciement pour faute grave.
C’est en ce sens qu’a tranché la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 12 septembre 2018 (1).
Propos d’une salariée sur son compte Facebook : l’arrêt du 12 septembre 2018
Une salariée avait été licenciée pour faute grave en raison des propos injurieux et menaçants qu’elle avait formulés sur les réseaux sociaux à l’égard de sa supérieure hiérarchique.
Il résultait en effet d’un constat d’huissier que cette salariée avait adhéré au groupe «Extermination des directrices chieuses» et y avait formulé des propos injurieux. Ce groupe était fermé, accessible seulement à des personnes « agréées » et composé de 14 personnes.
Pour l’employeur, la seule diffusion de ces propos justifiait un licenciement pour faute grave.
Pour la Cour d’appel de Paris, les propos de la salariée auraient pu caractériser une faute grave s’ils avaient un caractère public.
Or, en l’espèce, les propos n’étaient accessibles « qu’à des personnes agréées par le titulaire du compte et fort peu nombreuses ».
La Cour d’appel de Paris a de ce fait jugé que les propos relevaient d’une «conversation de nature privée» et ne caractérisaient pas une faute grave justifiant un licenciement (CA Paris, 3 décembre 2015, n°13/01716).
La Cour de cassation a approuvé le raisonnement des juges d’appel :
ayant constaté que les propos avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site Facebook et qu’ils n’avaient été accessibles qu’à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de 14 personnes, de sorte qu’ils relevaient d’une conversation de nature privée, la cour d’appel a pu retenir que ces propos ne caractérisaient pas une faute grave.
La Cour de cassation valide ainsi également sur cette base le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement.
Propos d’une salariée sur son compte Facebook : le caractère public des propos
La chambre sociale s’aligne ici sur la position de la première chambre civile en matière d’injure publique.
Cette dernière avait jugé que l’injure publique n’était pas constituée dans la situation d’un salarié qui avait émis des propos injurieux accessibles seulement à des personnes agréées en nombre restreint et ayant une communauté d’intérêts (Cass. 1re civ., 10 avril 2013, n° 11-19.530).
A l’inverse, si le salarié utilisateur ne restreint pas l’accès de ses propos, ils peuvent être considérés comme publics et l’employeur peut, dans cette situation, faire usage de son pouvoir disciplinaire.
La faute sérieuse a ainsi été retenue pour des propos injurieux tenus sur un mur Facebook en libre accès (CA Lyon, 24 mars 2014, n° 13/03463).
De la même manière, les juges du fond ont considéré que la faute grave était caractérisée pour des insultes sur un mur Facebook dont l’accès n’avait pas été cantonné aux seuls « amis » acceptés, de sorte qu’elles étaient potentiellement visibles par la clientèle ou par d’autres salariés de l’entreprise (CA Aix-en-Provence, 27 mars 2015, n° 13/20847).
Le caractère public a également été retenu dès lors que, même si le profil du salarié n’était pas public, il comportait un nombre « d’amis » (179 en l’espèce) dont l’importance ne permettait pas de caractériser une sphère privée d’échanges (CA Aix-en-Provence, 5 février 2016, n° 14/13717).
Il ressort de ces éléments que, pour que le licenciement disciplinaire d’un salarié soit justifié pour des propos émis sur un réseau social, il est nécessaire d’apprécier le nombre de personnes ayant accès au compte.
Ce chiffrage peut être effectué en utilisant le faisceau d’indices suivant :
- le caractère ouvert ou non du compte ;
- le nombre de personnes ayant une visibilité sur les propos ;
- le contrôle des personnes ayant accès aux propos.
Emmanuel Walle
Philippine Lepicard
Lexing Droit du travail numérique
(1) Cass. soc., 12-9-2018, n°16-11690.