Le domoticien est inévitablement confronté aux problématiques actuelles de propriété des solutions domotiques.
Si la domotique est un concept à géométrie variable (1), celle-ci peut néanmoins être définie comme étant l’ensemble des techniques de l’électronique, de la physique, de l’automatisme, de l’informatique et des télécommunications visant à intégrer de l’intelligence au sein de l’habitat.
Actuellement, la question de la propriété des solutions domotiques n’appelle pas de réponses juridiques spécifiques.
Dans de telles conditions, le régime juridique de droit commun aura vocation à s’appliquer.
Dans un contexte de concurrence déloyale accrue en la matière, le domoticien doit pouvoir déterminer efficacement la protection juridique applicable à ses solutions.
En effet, le domoticien doit être en mesure de protéger les aspects corporels, logiciels mais également designs attachés à ses solutions.
Dès lors, la propriété des solutions domotiques sera ici envisagée selon l’actif susceptible de recevoir une protection juridique par le droit commun.
Propriété des solutions domotiques par le droit d’auteur
La domotique comprend inévitablement un aspect logiciel pour lequel le domoticien doit appréhender le mécanisme de protection par le droit d’auteur.
Pour bénéficier d’une protection, la solution domotique doit satisfaire aux critères d’originalité et de forme posés par la loi indépendamment du mérite et de la destination de celle-ci.
Adapté aux logiciels, la protection par le droit d’auteur revêt un aspect spécifique et un aspect de droit commun.
La protection spécifique accordée par le droit d’auteur concerne le code source, le code objet et le matériel de conception préparatoire. Bien entendu, cette protection ne concerne pas les algorithmes dans la mesure où ces derniers ne sont susceptibles d’aucune appropriation.
A l’inverse, sont soumis au régime de droit commun du droit d’auteur l’interface graphique, les icônes et autres effets audiovisuels.
Le législateur a donc opéré une distinction entre les éléments qui relèvent de la création logicielle à part entière et les éléments relatifs à la création artistique.
Dans la mesure où la domotique est susceptible d’intégrer des données de consommateurs, le droit d’auteur aura également vocation à s’appliquer. A ce titre, les bases de données bénéficient d’un système de protection juridique double, par le droit d’auteur et par le droit du producteur ou droit sui generis.
L’éligibilité au droit d’auteur permet au domoticien de bénéficier de droits patrimoniaux et de droit extrapatrimoniaux.
En tout état de cause, les protections précitées par le droit d’auteur et par le droit sui generis ne requièrent pas de dépôt quelconque de la part du domoticien.
Propriété des solutions domotiques par le droit des brevets
Le domoticien pourra déposer une demande auprès de l’INPI (2) ou de l’OEB (3) afin de pouvoir bénéficier d’un droit exclusif d’exploitation (4).
Pour pouvoir prétendre au droit exclusif d’exploitation, l’article 52 de la CBE (5) impose la réunion de quatre critères.
Ainsi, la demande doit entrer dans le champ des inventions brevetables, être nouvelle, impliquer une activité inventive et être susceptible d’application industrielle.
Appliqué au logiciel, l’article 52 semble exclure du domaine des inventions les programmes d’ordinateurs.
Toutefois, ce même article précise que cette exclusion n’est applicable qu’aux demandes de protection qui concernent les programmes d’ordinateurs en tant que tel.
Une lecture a contrario du texte permet de considérer qu’un logiciel qui n’est pas « en tant que tel » peut prétendre à une protection par le droit d’auteur, notamment lorsque celui-ci répond à une problématique spécifique.
A ce titre, la jurisprudence a pu estimer qu’ « procédé ne peut être privé de brevetabilité pour le seul motif qu’une ou plusieurs de ses étapes sont réalisées par un ordinateur devant être commandé par un programme » (5).
En conséquence, dans l’hypothèse où le domoticien peut se prévaloir d’un brevet déposé auprès de l’INPI ou de l’OEB, celui-ci dispose d’une action en saisie-contrefaçon pour défendre la propriété des solutions domotiques.
Propriété des solutions domotiques par le droit des marques
Dans le milieu des affaires, la titularité d’une marque est fondamentale.
A ce titre, l’enregistrement de la marque se fera auprès de l’INPI en application de l’article L.711-1 du Code de propriété intellectuelle.
Pour pouvoir bénéficier d’une protection effective par le droit des marques, le signe associé à la domotique doit être susceptible de représentation graphique et revêtir un caractère distinctif.
Outre l’impérieux respect de l’ordre public, le signe ne doit pas tromper le consommateur ni être indisponible au regard des droits antérieurs déposés à l’INPI.
En vertu du principe de spécialité issu de l’article L.713-1 du Code de propriété intellectuelle, le titulaire de la marque ne pourra conférer une protection qu’aux produits et services qui sont mentionnés dans la demande d’enregistrement.
En application de l’enregistrement, le titulaire d’une marque bénéficiera d’un monopole d’exploitation sur sa domotique. Les atteintes au monopole précité sont sanctionnées sur le fondement de la contrefaçon de marque.
Propriété des solutions domotiques par l’action en concurrence déloyale
La concurrence déloyale peut également s’avérer être un obstacle majeur pour le domoticien. Celui-ci n’est néanmoins pas dépourvu de moyens d’action.
En effet, l’action en concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, peut constituer un outil fondamental pour le domoticien afin d’engager la responsabilité d’un concurrent ayant la volonté de s’approprier des droits sur sa création.
Egalement, sur le fondement du même article, est ouverte une action fondée sur le parasitisme afin de faire cesser la volonté d’un tiers « de se placer dans le sillage » (6) du domoticien.
Ces actions sont ouvertes au domoticien indépendamment de la titularité d’un brevet.
En définitive, la propriété des solutions domotiques soulève de nombreuses questions juridiques qui sont liées aux nombreux éléments susceptibles de recevoir une protection à savoir l’aspect corporel de la domotique, son logiciel ou encore son design.
Face à cette pluralité de protections, plusieurs acteurs différents sont susceptibles de revendiquer un droit de propriété sur l’élément dont ils estiment être le créateur. Il peut s’agir du domoticien, du producteur de la base de données ou encore du designer.
Eric Le Quellenec
Arthur Benchetrit
Lexing Droit Informatique conseil
(1) Lire notre Post du 10-4-2017
(2) Institut national de la propriété industrielle
(3) Office européen des brevets
(4) CPI, art. L611-2
(5) CA Paris, 15-6-1981, PIBD 1981
(6) Cass. com. 10-5-2006, n°04-15612