Parmi les multiples enjeux de cette question figure la notion de publicité clandestine, qui est traitée de manière différente selon les médias pris en considération, l’époque où les textes qui la définissent ont été édictés, et les objectifs poursuivis par les auteurs de ces textes.
Un régime unique serait désormais souhaitable, compte tenu de l’évolution des modes de diffusion de contenus qui ne sont plus réservés à leur média d’origine, mais qui ont souvent vocation à être diffusés sur plusieurs d’entre eux, simultanément ou de manière différée dans le temps.
Il est donc difficilement concevable que ces contenus puissent être qualifiés de manière différente selon leur mode de diffusion, sauf à accepter de voir diffuser sur Internet des articles ou des programmes interdits sur d’autres supports, notamment télévisés.
Les prérequis de la publicité clandestine dans le secteur audiovisuel.
La publicité clandestine ne peut exister en tant que telle qu’en présence d’une obligation d’identification de la publicité par rapport à la partie éditoriale d’une publication, ou d’un programme faite au diffuseur et/ou au fournisseur responsable, à quelque titre que ce soit, de tout ou partie du contenu de ces publications et / ou programmes : producteurs, directeurs de la publication, journalistes, annonceurs, animateurs d’émissions télévisées ou radiophoniques. Cette obligation est prévue par des textes différents pour les principaux médias que sont la télévision, la radio et la presse et internet, ainsi que pour les annonceurs.
Elle concerne en effet les services visés par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication – Télévision, Radio, et Smad – les services de communication en ligne, tels que définis à l’article 1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, comme incluant « toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas le caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur »et la presse écrite .
L’article 14 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 prévoit « que les messages publicitaires ou les séquences de messages publicitaires doivent être aisément identifiables comme tels et nettement séparés du reste du programme, avant comme après leur diffusion, par des écrans reconnaissables à leurs caractéristiques optiques et acoustiques.
Lorsque les caractéristiques du service de télévision ne permettent pas que la publicité soit clairement identifiée comme telle par les moyens prévus à l’alinéa précédent, les conventions et cahiers des charges peuvent définir les conditions dans lesquelles il est satisfait à cette obligation. » (1)
Les prérequis de la publicité clandestine dans le secteur de la presse traditionnelle. Dans le secteur de la presse écrite, la publicité rédactionnelle doit également être distinguée des articles qui ne poursuivent aucun but commercial. L’article 10 alinéa 2 de la loi n°86-897 du 1er aout 1986 prévoit que ‘’Tout article de publicité à présentation rédactionnelle doit être précédé de la mention « Publicité » ou « Communiqué ».‘’
Les prérequis de la publicité clandestine dans le secteur des services de communication en ligne.
Pour ce qui concerne la publicité électronique l’article 20 de la LCEN (2) prévoit que « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. (…) »
Les règles de la publicité clandestine dans le secteur audiovisuel.
La publicité clandestine est définie et interdite par le décret précité du 27 mars 1992 pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication :
« La publicité clandestine est interdite.
Pour l’application du présent décret, constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d’un producteur de marchandises ou d’un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire ». (Art.9)
Une telle définition invite au procès d’intention, et à se perdre en conjectures dans une grande majorité de cas. Elle présente néanmoins l’intérêt d’être la seule définition réglementaire donnée à cette notion et de constituer une référence inique qui s’impose dans tous les cas où elle a vocation à être mise en œuvre, c’est-à-dire à tous les contenus diffusés par voie radiophonique et télévisée.
Elle s’inscrit dans un ensemble structuré par la loi précitée du 30 septembre 1986 qui confère au CSA le pouvoir d’intervenir auprès des diffuseurs de contenus répondant à cette définition pour les mettre en demeure de respecter la distinction devant être opérée entre l’information et /ou le divertissement et la publicité , de les sanctionner s’ils ne défèrent pas à cette mise en demeure.
Les médias surveillés par le CSA sont ainsi passibles de sanctions qui vont de la suspension pendant une durée maximale d’un mois de la diffusion de l’émission critiquée , à une sanction financière plafonnée à 3% du chiffre d’affaire réalisé au cours du dernier exercice clos , pour aboutir à la résiliation de la convention ou au retrait de l’autorisation d’utilisation des fréquences octroyée au média en cause par le CSA.
Le CSA va rarement au-delà de la mise en demeure, mais le pouvoir qui lui est conféré de la rendre publique, et de prononcer les sanctions précitées dans l’hypothèse où le média ne défèrerait pas à la mise en demeure le concernant, doit normalement présenter un caractère dissuasif.
La dernière mise en demeure rendue publique le 4 février 2013 par le CSA a été adressée à la chaine d’information BFM TV, et concerne une émission intitulée « une semaine avec » diffusée du 22 au 28 juillet 2012, critiquée pour avoir mis en scène son animatrice montrant la vie au quotidien sur un bateau à plusieurs reprises désigné comme appartenant à la compagnie Costa Croisières.
Le communiqué du CSA du 4 février 2013 précise que cette mise en demeure a pour objet « une série de reportages sur un paquebot au cours desquels le nom de ce paquebot a été cité dix fois et visualisé neuf fois, accompagné à l’image du logo de la compagnie, le contenu de la majorité des reportages revêtant un aspect promotionnel (commentaires complaisants des croisiéristes ou des journalistes, quasi absence de regard critique, indication du prix des prestations, etc.) ».
La Chaine M6 a également été mise en demeure le de respecter l’article 9 du décret du 27 mars 1992 à la suite de la diffusion, le 12 mai 2009, d’une émission de la série « La Nouvelle Star » qui a été considérée par le CSA comme faisait la promotion de la marque Jean Paul Gautier, en raison des circonstances suivantes.
« Dans cette émission, les candidats et la présentatrice étaient habillés par le couturier Jean Paul Gautier ; ces tenues ont été visibles tout au long du programme ; les candidats, l’animatrice et les membres du jury ont fait référence au couturier en le mentionnant et en le remerciant à de nombreuses reprises ; deux reportages ont présenté une séance d’essayage des participants dans les ateliers de Jean Paul Gaultier, en présence du couturier ; enfin celui-ci était sur le plateau de l’émission, parmi le public , et a été filmé plusieurs fois .Une telle exposition de la marque Jean Paul Gaultier, à l’exception de toute autre, et de la présentation complaisante de ses produits relèvent de la publicité clandestine, proscrite par l’article 9 du décret du 27 mars 1992. »
Il résulte de l’exposé des motifs retenus par le CSA que les deux facteurs qui retiennent son attention sont l’accent mis sur une marque en particulier dans une émission d’information ou de divertissement, et sur l’insistance avec laquelle cette marque est citée et mise en valeur tout au long de ladite émission.
Ces deux critères sont cohérents avec la démonstration de l’objectif publicitaire poursuivi, et leur réunion peut être constatée dans de nombreux autres cas, qui ne donnent pas lieu pour autant à des interventions du type de celles du CSA auprès des diffuseurs.
Les règles de la publicité clandestine dans le secteur de la presse écrite.
La presse écrite bénéficie d’un régime apparemment moins contraignant, en l’absence d’une instance de régulation dotée du pouvoir de sanction à son égard, et d’une définition de la notion de publicité par la Commission Paritaire des Publications et des Agences de Presse qui réduit en pratique sa portée de façon significative.
« Constitue une publicité toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but direct de promouvoir la fourniture de biens ou de services.
Sont présumés être de la publicité les articles relatifs à un bien ou à un service lorsqu’ils comportent l’indication de l’adresse, du numéro de téléphone ou de tout élément permettant au lecteur de contacter la personne physique ou morale qui lui propose le bien ou le service. La présomption prévue à l’article précédent ne s’applique pas dans les cas suivants :
- Lorsque l’article indique l’adresse ou tout autre élément permettant l’identification d’une personne physique ou morale qui ne poursuit pas un but lucratif et notamment une personne de droit public à l’exception des établissements publics à caractère industriel et commercial, une association, une ambassade ou un consulat à condition qu’ils n’agissent pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale ;
- Lorsque l’article fait état de l’adresse ou de tout autre élément d’identification d’une personne physique ou morale qui organise une manifestation culturelle, sportive ou artistique, ou bien le lieu où elle se déroule.
Seule est décomptée comme de la publicité la partie de l’article ou figure la mention du bien ou du service, avec l’identification de l’adresse ou de toute autre indication permettant de contacter la personne physique ou morale qui élabore ou propose le bien ou le service. Toutefois, lorsque par son contenu, un article a manifestement pour finalité de promouvoir un produit ou un service, ou de favoriser une transaction commerciale, il doit être considéré comme de la publicité ». (3)
Cette définition donne la base à partir de laquelle se situe l’obligation légale précitée de distinguer par la mention « publicité » ou « communiqué » la publicité rédactionnelle des articles qui ne poursuivent aucun but commercial, édictée à l’article 10 alinéa 2 précité de la loi du 1er août 1986. Le directeur de la publication encourt une peine d’amende de 6 000 euros, qui peut être multipliée par le nombre d’infractions constatées, assortie d’une mesure ordonnant la publication de la décision de condamnation sur les supports choisis par le Tribunal, en cas d’infraction à ce texte.
Les poursuites engagées sur le fondement de ce texte sont rarissimes, car la presse en respecte généralement aisément les dispositions qui correspondent à la distinction entre les articles rédactionnels et ceux qui leur sont fournis de l’extérieur à leur équipe de journalistes, et dont la diffusion est subordonnée à un achat d’espace publicitaire. La zone intermédiaire entre l’information et la publicité se situe à un autre niveau, et ce qui donne lieu à des mises en garde dans le secteur audiovisuel est monnaie courante dans la presse magazine.
Les règles de la publicité clandestine dans le secteur des services de communication en ligne.
La notion de publicité clandestine n’est pas appréhendée dans ce secteur sous la forme d’une définition et / ou d’une interdiction assortie de sanctions spécifiques. En dehors de l’obligation d’identifier toute forme de publicité accessible par un service de communication en ligne, qui incombe à priori à son éditeur, à défaut de précision sur ce point qui n’est pas abordé par l’article 20 précité de la LCEN, la question de la publicité clandestine n’a pas donné lieu à une quelconque réflexion ,visant à définir clairement les règles du jeu , et à mettre en place une organisation destinée à en faire assurer le respect dans des conditions adaptées à ce secteur particulier.
Cette situation génère des disparités puisqu’une fois encore, ce qui donne lieu à des mises en garde dans le secteur audiovisuel ne suscite aucune réaction dans celui de l‘internet. Cette absence de peur du gendarme, à défaut de gendarme dans le domaine des communications en ligne, se traduit par une différence de marge de manœuvre accrue au profit des acteurs de ce secteur par rapport à ceux du domaine plus traditionnel de l’audiovisuel, qui est critiquable, comme toute différence de traitement entre opérateurs économiques non justifiée par des motifs évidents.
Cette différence est d’autant plus critiquable que les contenus en provenance de service de communication en ligne ont vocation à être diffusés par le biais des télévisions connectées, ce qui est de nature à engendrer des cas d’espèce particulièrement intéressants, si un alignement des situations précédemment exposées n’intervient pas dans des délais relativement brefs.
(1) Décret 92-280 du 27-3-1992 (version consolidée au 20-2-2013)
(2) Loi 2004-575 du 21-6-2004
(3) www.cppap.fr, Commission Paritaire des Publications et Agences de Presse, Guide juridique, Ligne directrice sur la publicité