Le serious game est un objet juridique, à propos duquel le droit et la jurisprudence vont devoir se saisir.
Qualification juridique du serious game
Il est en effet probable que, le nombre de commandes augmentant, des litiges vont naître entre les sociétés éditrices et les entreprises utilisatrices.
Dans ce cadre, la première question que les juridictions seront amenées à trancher sera sans nul doute celle de la qualification juridique.
Un logiciel ?
Lorsque l’on étudie les composants d’un serious game, on s’aperçoit que l’élément principal est logiciel, ce qui pousse naturellement à vouloir faire application des articles L 112-1, 13° (1) et L 122-6 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle (2).
Cependant, une telle qualification n’est possible que si l’on fait abstraction des autres composants qui forment le serious game.
Sur le composant logiciel viennent en effet se greffer d’autres éléments caractéristiques du serious game : une base de donnée, des sons (musique, voix), des images (photo, dessin, animation, vidéo) et un script, quand il ne s’agit pas d’un scénario.
Chacun de ces composants est susceptible de recevoir de manière autonome une protection au titre du droit d’auteur.
Ainsi la présence d’une base de données n’est pas exclusive de la qualification de logiciel et l’on se retrouve dès lors à considérer la possibilité que le serious game soit une œuvre complexe, c’est-à-dire une œuvre formée d’une variété d’éléments protégés par des droits d’auteur distinct.
Une œuvre complexe ?
La présence de composants, tels que des sons, images et scripts, plaide encore un peu plus en faveur de l’œuvre complexe.
Ils sont en effet l’héritage que le serious game retire de sa filiation avec le jeu vidéo, lequel est l’exemple type de l’œuvre complexe auquel est appliquée une protection juridique distributive (3).
Dès lors, plus que la qualification de logiciel, qui semble trop restrictive par rapport à la complexité du serious game, cette similitude de composition avec celle du jeu vidéo semble faire pencher la balance en faveur de la qualification d’œuvre complexe.
Un débat ouvert
Il ne faut pas pour autant sous-estimer les chances que le serious game puisse se voir appliquer le régime du logiciel dans les débats judiciaires à venir.
Il convient en effet de ne pas oublier la différence fondamentale qui existe entre le serious game et le jeu vidéo, laquelle réside dans la dimension culturelle et artistique qui fait majoritairement défaut au premier.
Un jeu vidéo est une œuvre de divertissement et un produit de grande consommation là où le serious game est un outil professionnel, un outil de marketing ou de formation.
La qualification de logiciel pourrait s’avérer mieux correspondre à la destination du serious game dès lors que le régime de propriété intellectuelle du logiciel a été conçu dans une optique commerciale, qui permet une cession des droits patrimoniaux sur l’œuvre plus facile, notamment en échange d’une rémunération forfaitaire.
En outre, les composantes musicale et graphique d’un serious game sont généralement assez basiques comparées à celles d’un jeu vidéo (certains rivalisant de nos jours avec de grandes productions cinématographiques).
De ce point de vue, retenir une qualification distributive n’aboutirait qu’à entraver les cessions de droits sur le serious game et freinerait donc son développement.
Précaution contractuelle
Dans l’attente des premières décisions de justice qui dessineront les contours du régime du serious game, il est recommandé tant aux éditeurs qu’aux entreprises utilisatrices d’apporter une attention toute particulière à l’article Propriété intellectuelle de leur contrat.
Benoit de Roquefeuil
Arnaud Marc
Lexing Contentieux informatique
(1) CPI, art. L 112-1, 13°.
(2) CPI, art. L 122-6 et suivants.
(3) Cass. 1e civ., 25-6-2009, n°07-20.387, M. X. c. Sté Sesam.