La notion de « mort numérique » renvoie à la question du devenir des données numériques des défunts. La loi et la jurisprudence sont venues préciser les droits des héritiers ou des proches.
Les droits des héritiers ou des proches sur les données numériques des défunts
Qu’en est-il de l’accès aux profils sur les réseaux sociaux et aux comptes de messagerie d’une personne décédée ?
L’ouverture d’un compte de messagerie ou d’un compte sur un réseau social confère à son titulaire des droits personnels. Il s’agit du droit au respect de la vie privée avec notamment le droit au secret des correspondances et le droit à l’image.
Ces données étant, par nature, strictement personnelles, les proches du défunt ne peuvent, en principe, y avoir accès.
La jurisprudence du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a jugé en 2016, que « des personnes ne peuvent, en leur seule qualité d’ayants droit de la personne à laquelle se rapportent les données, être regardées comme des personnes concernées » au sens de la loi Informatique et libertés.
Dans une décision du 7 juin 2017, le Conseil d’Etat a précisé qu’il en va différemment lorsque la victime d’un dommage décède, son droit à la réparation d’un dommage étant transmis à ses héritiers.
En pareil cas, ils ont le statut de « personnes concernées » pour l’exercice du droit d’accès aux données personnelles du défunt ; mais uniquement « dans la mesure nécessaire à l’établissement du préjudice que ce dernier a subi en vue de sa réparation et pour les seuls besoins de l’instance engagée ».
Loi Informatique et libertés
Depuis sa modification en 2016 par la loi pour une République numérique, la loi Informatique et libertés prévoit, à son article 85, le droit d’organiser, de son vivant, par l’établissement de directives, la conservation l’effacement et la communication de ses données à caractère personnel après sa mort.
Ainsi, une personne peut être désignée pour exécuter ces directives. Celle-ci a alors qualité pour prendre connaissance des directives et demander leur mise en œuvre aux responsables de traitement concernés.
Ces directives sont :
- générales lorsqu’elles portent sur l’ensemble des données concernant une personne ;
- particulières lorsqu’elles ne concernent que certains traitements spécifiques.
Les directives générales peuvent être enregistrées auprès d’un tiers de confiance numérique certifié par la Cnil.
Les directives particulières sont enregistrées auprès des responsables de traitement concernés (réseaux sociaux, messageries en ligne). Elles font l’objet du consentement spécifique de la personne concernée et ne peuvent résulter de la seule approbation des conditions générales d’utilisation.
En l’absence de directives données de son vivant par la personne concernée, les héritiers qui justifient de leur identité ont la possibilité d’exercer certains droits, en particulier les droits :
- d’accès, dans la mesure nécessaire à l’organisation et au règlement de la succession du défunt ;
- d’opposition pour procéder à la clôture des comptes utilisateurs du défunt et s’opposer à la poursuite des traitements de données à caractère personnel le concernant ;
- de rectification pour demander au responsable de traitement de tenir compte du décès de la personne concernée et de procéder à la mise à jour de ses données.
Les fonctionnalités mises en place par les réseaux sociaux
Alors que près de 8.000 personnes inscrites sur Facebook décèdent chaque jour dans le monde et qu’à l’horizon 2069, Facebook pourrait comprendre plus de morts que de vivants, il est nécessaire de s’interroger sur la gestion post mortem des profils sur les réseaux sociaux.
La Cnil a fait un point sur le sort des données numériques des défunts.
La Cnil rappelle qu’actuellement, en l’absence d’une demande en ce sens de la part des héritiers ou des proches d’une personne décédée, un réseau social ne peut prendre l’initiative de supprimer un profil inactif. Les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter ou LinkedIn ont ainsi mis en place des outils de suppression ou de désactivation des profils des personnes décédées.
La Cnil liste, de manière non exhaustive, les liens permettant aux proches d’entamer une procédure de signalement de décès au site ou au réseau social concerné.
Par ailleurs, depuis quelques années, Facebook propose de transformer le compte d’une personne décédée en « compte de commémoration ». Cela permet aux proches de lui rendre hommage, de partager des souvenirs en lui offrant une sorte d’immortalité numérique. Les profils commémoratifs n’apparaissent pas dans les espaces publics de Facebook.
Ainsi, de leur vivant, les utilisateurs de Facebook ont la possibilité de :
- désigner un « contact légataire » qui gérera leur profil une fois celui-ci transformé en compte de commémoration ou ;
- demander à Facebook de fermer définitivement leur compte après leur décès.
Selon la politique d’utilisation et de confidentialité de Facebook, les informations de connexion au compte du défunt ne sont pas communicables.
Les recours pour faire respecter les données numériques des défunts
La Cnil rappelle que, lorsqu’une personne s’estime lésée par le traitement de données concernant un proche décédé, elle peut saisir les tribunaux pour demander réparation du préjudice subi.
De même, les héritiers peuvent saisir les tribunaux lorsque l’utilisation des données d’un défunt porte atteinte à sa mémoire, sa réputation ou à son honneur ou tout autre préjudice.
Virginie Bensoussan-Brulé
Alexandra Guermonprez
Lexing Contentieux numérique