L’Observatoire-forum des chaînes de blocs de l’UE a publié son rapport sur l’innovation blockchain en Europe.
L’Observatoire-forum des chaînes de blocs de l’Union européenne a été lancé par la Commission européenne, avec le soutien du Parlement européen, le 1er février 2018. A l’occasion de son lancement, la Commission européenne énonçait que l’Observatoire-forum mettrait en lumière les grandes évolutions de la blockchain, encouragerait les acteurs européens dans ce secteur et permettrait de renforcer l’engagement européen auprès de plusieurs parties prenantes actives dans ce domaine.
C’est dans cette optique que l’Observatoire-forum des chaînes de blocs de l’Union européenne a publié son rapport sur l’innovation blockchain en Europe le 27 juillet 2018. Ainsi, ce rapport fait état de la situation actuelle de l’innovation blockchain en Europe, en soulignant ses forces, faiblesses et en formulant des recommandations.
L’impulsion de l’Union européenne en faveur de la blockchain
En matière de recherche, la Commission européenne a accordé 80 millions d’euros à des projets européens relatifs à la blockchain. Une grande diversité de projets européens dans divers secteurs existe, dont un quart en Union européenne avec la majorité au Royaume-Uni. Près de 60% des grandes entreprises développent une technologie blockchain ou souhaitent développer une telle technologie. Les services financiers et bancaires sont parmi les premiers à avoir compris le potentiel que pouvait offrir la blockchain. En nombre de projets débutés, Paris se positionne en 6ème place du top 10 des villes pour le développement de la blockchain.
L’Union européenne a une communauté forte en matière de blockchain, aussi bien au niveau des ingénieurs et développeurs que des entrepreneurs. Les gouvernements encouragent le développement de la technologie blockchain tant au niveau européen qu’au niveau national.
Nécessité de clarification légale et réglementaire de la blockchain
L’Observatoire-forum des chaînes de blocs de l’Union européenne souligne le fait que toute nouvelle technologie est susceptible de conduire à des questions légales et règlementaires et nécessite un cadre légal et règlementaire clair pour parvenir à s’étendre à grande échelle. Or, la blockchain ne bénéficie pas d’une telle clarté pour le moment. Toutefois, l’avantage de l’Europe est d’avoir un cadre législatif et règlementaire général très développé et pouvant être utilisé pour y intégrer de nouveaux développements technologiques.
Il existe en droit européen un principe de neutralité technologique en vertu duquel les lois doivent être neutres sur le plan technologique, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas être spécifiques à une technologie en particulier. A ce titre, il ne devrait donc pas falloir s’attendre à une législation spécifique à la blockchain au niveau européen. Cependant, la question se pose de savoir comment appliquer la législation existante aux nouvelles réalités de la blockchain.
L’un des principaux challenges pour la blockchain est une nécessité de clarification légale et règlementaire
Pour le moment, dans de nombreux secteurs concernés par la blockchain, une telle clarification n’existe pas. Or, un manque de clarification risque de freiner l’innovation, dans la mesure où les entrepreneurs pourraient craindre d’investir dans la technologie blockchain, de peur que celle-ci ne soit pas conforme à une législation à venir. En outre, le rapport fait état d’un urgent besoin de clarification en matière de classification des tokens.
Conciliation de la blockchain et du Règlement général sur la protection des données (RGPD)
Un autre challenge que rencontre la blockchain est la conciliation avec le Règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD). De prime abord, la logique de la blockchain semble être totalement éloignée de celle du RGPD. En effet, alors que le RGPD envisage une base de données comme un mécanisme centralisé de collecte, stockage et traitement de données, la blockchain est décentralisée. En matière de droit des individus, la blockchain est en constante évolution et des données peuvent y être ajoutées mais jamais supprimées. Cette possibilité semble opposée au droit conféré par le RGPD aux individus de voir leurs données modifiées pour permettre de garantir leur exactitude. Concernant la conformité du transfert de données hors de l’Union européenne, le RGPD exige que les pays vers lesquels ces données sont transférées présentent un niveau de protection des données adéquat. Or, dans les blockchain publiques, il n’est pas possible de sélectionner de façon limitative où les données vont.
Néanmoins, l’Observatoire-forum des chaînes de blocs de l’Union européenne atténue cette apparente incompatibilité en soulignant certains points de convergence entre le RGPD et la blockchain. La blockchain et le RGPD partagent un même objectif de souveraineté des données. La blockchain pourrait alors devenir un outil permettant d’atteindre cet objectif. Il convient de garder à l’esprit que la blockchain est encore une technologie immature et qu’il est donc toujours possible de trouver des moyens de la mettre en conformité avec le RGPD. En théorie, la blockchain devrait permettre d’encourager le principe de protection dès la conception en favorisant la mise en conformité des applications et des plateformes en l’intégrant dans leur code.
Les priorités émergentes de la blockchain dans l’Union européenne
L’Observatoire-forum des chaînes de blocs dans l’Union européenne conclut sur les priorités émergentes de la blockchain dans l’Union européenne.
La première priorité est la clarification du cadre législatif et règlementaire. Cette clarification permettra de résoudre les tensions entre la blockchain et le RGPD, de clarifier le statut légal, fiscal et comptable des tokens et de s’assurer que les projets légitimes relatifs à la blockchain sont dotés de comptes bancaires.
La deuxième priorité est de continuer à se concentrer sur l’éducation et la recherche. La recherche est un avantage indéniable pour l’Europe. Le fait de favoriser l’éducation permettra de trouver un moyen pour remédier à la pénurie de talents en matière de blockchain, concernant les développeurs ainsi que d’autres métiers.
La troisième priorité est de continuer à mener à l’adoption de la technologie blockchain par les secteurs privés et publics. Le financement de 80 millions d’euros par la Commission européenne pour les projets européens en relation avec la blockchain en constitue un bon exemple.
La quatrième priorité consiste à continuer à promouvoir la collaboration dans l’espace blockchain.
Enfin, la cinquième priorité est de favoriser l’innovation blockchain en continuant à étudier son écosystème et à fournir des données sur sa croissance et sa condition, comme le font l’Observatoire-forum des chaînes de blocs de l’Union européenne et d’autres initiatives.
Marie Soulez
Solène Gérardin
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