La Cnil peut prendre, sur le fondement de la réglementation Informatique et libertés, diverses décisions à l’encontre de responsables de traitement qui ne respecteraient pas leurs obligations.
Quels sont les recours ouverts contre ces décisions et quels en sont leurs modalités ?
La Cnil fait partie des autorités dont les décisions font l’objet d’un recours devant le Conseil d’État en premier et dernier ressort (le recours est dirigé directement devant le Conseil d’État sans passer par la hiérarchie juridictionnelle classique, ce dernier n’étant pas dans un rôle de cassation mais de juge unique), sur le fondement de l’article R.311-1, 4°) du Code de la justice administrative.
Plus précisément, les décisions prises par sa formation restreinte, au titre de l’article 45 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978 disposant des questions pouvant être prononcées par la Cnil, sont susceptibles de recours en pleine juridiction devant le Conseil d’État (1).
C’est dans le recours en pleine juridiction que le juge administratif a les pouvoirs les plus étendus. Aussi, l’effet escompté d’un tel recours peut être aussi bien l’annulation de la décision, que sa réformation (modification) ou son remplacement.
Ce recours doit être formé dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision de la Cnil (2). Néanmoins, la décision attaquée est exécutoire dès sa notification et le recours formé devant le Conseil d’État n’a pas d’effet suspensif : le responsable du traitement doit se conformer aux prescriptions de la décision ou à la sanction qu’elle prononce dans l’attente d’un éventuel aboutissement de son recours administratif.
L’inconvénient d’un tel recours est le suivant : la procédure peut être longue car elle n’est pas fondée sur l’urgence, alors même que la décision continue de devoir être exécutée –voire est toujours publiée- pendant la durée de la procédure. Aussi, existe-t-il des procédés utilisables en cas d’urgence, les référés, et notamment le référé-suspension et le référé-liberté.
Le référé-suspension, dont les conditions et les effets procèdent de l’article L.521-1 du Code de la justice administrative, permet de demander au juge des référés de suspendre l’exécution de la décision administrative en cause, ou de certains de ses effets, dans l’attente d’un verdict au fond.
Pour cela, il faut que la décision fasse l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, que l’urgence justifie cette procédure (par exemple parce que la Cnil a décidé de rendre publique la sanction prononcée), que la décision ne soit pas déjà intégralement exécutée et qu’il existe un doute sérieux quant à sa légalité.
La mesure de suspension prononcée par le juge des référés est provisoire et cesse de produire son effet dès que le juge au fond, en l’espèce le Conseil d’État, s’est prononcé sur la demande d’annulation ou de réformation de la décision de la Cnil.
Selon le degré d’urgence, la décision de suspendre l’exécution de la décision peut être prise dans un délai allant de 48 heures à 1 mois. La décision du juge des référés est susceptible d’appel ou de cassation.
Le référé-liberté (article L.521-2 du Code de la justice administrative) permet, quant à lui, d’obtenir du juge des référés toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle la Cnil aurait porté atteinte de manière grave et manifestement illégale. La juge se prononce alors dans un délai de 48 heures.
Il faut justifier d’une urgence rendant nécessaire une intervention très rapide du juge, démontrer qu’une liberté fondamentale est en cause et que l’atteinte qui lui est portée est grave et manifestement illégale.
Certains éléments du contentieux Cnil échappent cependant à la compétence du juge administratif. Ainsi, l’ordonnance rendue par le juge de la liberté et de la détention ayant autorisé une visite dans des locaux, dans le cadre d’un contrôle de la Cnil après opposition à la visite par le responsable, est susceptible d’un appel devant le premier président de la cour d’appel. Ce dernier est également compétent pour connaître des recours contre le déroulement des opérations de visite (3).
Virginie Bensoussan-Brulé
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(1) Loi 78-17 du 6-1-1978, art. 46 in fine et Décret 2005-1309 du 20-10-2005, art. 78
(2) Code de la justice administrative, art. R421-1
(3) Loi 78-17 du 6-1-1978, art. 44 et Décret 2005-1309 du 20-10-2005, art. 62-3