L’avant-projet de réforme (1) propose de faire évoluer la notion de garantie des vices cachés vers celle de garantie des vices de la chose vendue. Cette évolution concerne tant sa définition, que son contenu ou ses modalités de mise en œuvre.
Des vices cachés aux vices de la chose vendue : définitions et domaine
La nouvelle garantie des vices de la chose vendue est plus large que l’actuelle garantie des vices cachés. En effet, elle s’étend désormais aux défauts de conformité.
Les articles 1641 à 1649 du Code civil encadrent actuellement la garantie des vices cachés. L’avant-projet reprend cette numérotation pour la nouvelle garantie des vices de la chose. A la seule différence qu’il inscrit de nouveaux articles 1643-1, 1643-2 et 1650 au sein du Code civil (2).
Elle se différencie de l’actuelle garantie des vices cachés en ce qu’elle renforce les droits de l’acquéreur. D’autant plus, qu’elle ne lèse pas ceux du vendeur, en particulier, ceux du vendeur professionnel. Outre ces apports la nouvelle garantie des vices de la chose vendue s’écarte des solutions jurisprudentielles antérieures.
L’avant-projet de réforme précise le domaine d’application, les conditions, la mise en œuvre, les effets et les aménagements contractuels de la garantie des vices de la chose vendue. On retrouve ces apports aux articles 1641 à 1650 de l’avant-projet.
Toutefois, les auteurs de la réforme n’ont pas souhaité conserver l’application du régime spécial de la garantie des vices cachés. C’est-à-dire aux ventes aléatoires, aux ventes d’immeubles à construire ou encore aux ventes spécifiques telles que les ventes d’animaux. Se pose la question de savoir si celles-ci seront soumises au régime de droit commun, ou si leurs règles seront prochainement énoncées aux articles 1646 et 1647 du Code civil, qui sont en l’état réservés.
En revanche, l’avant-projet réaffirme l’exclusion de la garantie des vices quant aux ventes faites par autorité de justice (3).
En ce qui concerne les conditions de fond de cette garantie, l’avant-projet met en avant trois. Elles relèvent de la nature du vice, de son caractère non apparent et son antériorité.
La nature du vice
Tout d’abord, l’avant-projet ne reprend pas la distinction jurisprudentielle constante entre défaut de conformité et vice caché (4). Ainsi, la garantie des vices s’appliquerait que le bien vendu soit impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien similaire ou soit non conforme aux spécifications contractuellement convenues.
L’abandon de cette distinction simplifie la pratique en la matière, car on applique les mêmes règles à l’ensemble des défauts. Toutefois, une interrogation demeure quant au vice qui diminue tellement l’usage du bien que l’acheteur ne l’aurait pas acquis en connaissance de cause, ou pour une valeur moindre. En effet, l’avant-projet de réforme des contrats spéciaux garde le silence sur une telle hypothèse (2).
Ensuite, l’avant-projet de réforme reprend la règle selon laquelle la garantie ne trouve pas à s’appliquer pour les vices apparents. L’acheteur ne pourra s’en prévaloir que s’il accepte avec réserves le bien vendu.
Les rédacteurs de l’avant-projet des contrats spéciaux ont également précisé le cadre des réserves à l’article 1643 de l’avant-projet. Celui-ci dispose que « les réserves doivent être écrites, motivées et contradictoires ». Il impose la notification au vendeur des réserves non contradictoires dans les cinq jours ouvrés à compter de la remise.
Le caractère non-apparent du vice
Par ailleurs, l’avant-projet reprend les solutions jurisprudentielles tenant à la caractérisation des vices non apparents. L’article 1643-1 le définit comme celui « qu’un acheteur normalement diligent ne peut pas déceler au premier examen ». La qualité de profane ou de professionnel de l’acheteur doit être prise en compte pour qualifier le vice non apparent.
De plus, l’article 1643-1 de l’avant-projet reprend la présomption de connaissance des défauts par le vendeur professionnel. Toutefois, il ne s’agit que d’une présomption simple et non plus irréfragable. Le caractère simple de cette présomption protège ainsi le vendeur occasionnel.
A noter, que l’article 1643-2 définit le professionnel comme « tout vendeur ou tout acheteur qui se livre de manière habituelle à des ventes ou à des achats de biens semblables à celui qui est vendu ». L’avant-projet assimile également au professionnel toute personne possédant les compétences techniques nécessaires à la connaissance du vice invoqué. En revanche, l’avant-projet reste muet sur l’hypothèse dans laquelle l’acheteur aurait été informé par le vendeur de l’existence du vice ; de la sorte, il ne peut plus bénéficier de cette garantie.
L’antériorité du vice
Enfin, en ce qui concerne l’antériorité des vices, l’avant-projet des contrats spéciaux reprend encore la règle. Toutefois, il se veut moins précis sur cette notion par rapport à la jurisprudence actuelle. En effet, celle-ci précise que le vice doit être antérieur au transfert des risques. En revanche, le vendeur assumera la responsabilité des vices même s’il ne les connaissait pas, sauf stipulations contractuelles contraires.
Les modalités de la garantie des vices de la chose vendue
En ce qui concerne les conditions de mise en œuvre de l’action en garantie, elles sont doubles. En effet, l’avant-projet aborde d’une part les délais d’action et de garantie et d’autre part le concours d’actions.
L’avant-projet de réforme ne remet pas en cause le principe de la prescription biennale. Il reprend également le point de départ de l’action en garantie à la découverte du vice. Toutefois, il ne tranche pas l’incertitude jurisprudentielle quant à sa qualification de délai de prescription ou de forclusion.
Quant au délai butoir, l’avant-projet ne propose pas une solution unique. La Commission Stoffel-Munck a dégagé deux propositions :
- un délai butoir sui generis de 10 ans à compter de la vente. L’avant-projet de réforme des contrats spéciaux de l’association Henri Capitant de 2017 proposait déjà cette même solution.
- un délai butoir de 20 ans qui se calque sur celui de droit commun de l’article 2232 du Code civil. La jurisprudence actuelle retient ce délai (5).
En ce qui concerne le délai de prescription de droit commun de cinq ans de l’article 2224 du Code civil, l’avant-projet l’écarte (6). De même, en matière commerciale, il exclut les délais de prescriptions de l’article L. 110-4 du Code de commerce.
S’agissant du concours d’actions, l’avant-projet innove sur ce point. La jurisprudence actuelle estime que l’action en garantie des vices cachés n’est pas exclusive de l’action en nullité pour dol (7). Toutefois, elle n’autorise pas l’acheteur à agir en nullité sur le fondement de l’erreur (8).
La Commission donne le choix à l’acheteur. Il peut ainsi opter entre l’action en garantie des vices et l’action en nullité du contrat pour vices du consentement.
Les sanctions
Enfin, concernant les sanctions encourues par le vendeur, l’avant-projet affirme « la plénitude de la liberté de l’acheteur ». Ainsi, l’acheteur peut demander la mise en conformité du bien plutôt que la résolution de la vente ou la réduction du prix. L’acheteur n’a pas à justifier son choix auprès du vendeur. D’autant plus, conformément à l’article 1644 du Code civil, le vendeur ne peut pas lui imposer la mise en conformité.
Toutefois, l’avant-projet précise que l’exécution forcée ne peut être imposée au vendeur. Il s’écarte des solutions de l’article 1221 du Code civil et de l’article L. 217-12 du Code de la consommation. La mauvaise foi du vendeur entraîne en revanche la possibilité pour l’acheteur de réclamer des dommages et intérêts.
En conclusion, l’avant-projet opère quelques changements en matière de garantie des vices, tant pour le vendeur que pour l’acheteur. Toutefois, ces nouvelles règles ne sont pas toutes fixées et nécessitent d’être ajustées, avant qu’il n’appartienne au juge de trancher pour telle ou telle option.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot,
Jessica Pereira Quaresma
Laure Siciliano
Lexing Contentieux et expertise informatique
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Notes
(1) Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, textes.justice.gouv.fr, juillet 2022.
(2) « Fiche d’orientation : Vente – Vices cachés », Dalloz, janvier 2022.
(3) Article 1649 de l’avant-projet.
(4) Cass. 1e civ. 08-12-1993 n°91-19.627 ; Cass. com. 31-05-1994 n°91-18.546.
(5) Cass. 3e civ. 01-10-2020 n°19-16.986.
(6) Cass. com. 09-09-2020 n°19-12.728 ; Cass. 1e civ. 09-12-2020 n°19-14.772.
(7) Cass. 1e civ. 06-11-2002 n°00-10.192.
(8) Cass. 1e civ. 14-05-1996 n°94-13.921.