Le décret du 20 mai 2016 permet l’application de la réforme de la procédure en matière prud’homale.
Publié au Journal officiel le 25 mai 2016, le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail introduit des mesures visant à accélérer la procédure et à désengorger les conseils de prud’hommes. Issues de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ces mesures de réforme de la procédure en matière prud’homale trouvent enfin application.
Renforcement du rôle du bureau de conciliation.
Le bureau de conciliation qui devient le bureau de conciliation et d’orientation, voit ses pouvoirs accrus, avec comme objectif sous-jacent de raccourcir les procédures qui, en matière sociale, sont régulièrement montrées du doigt pour leurs délais excessifs. La phase devant le bureau de conciliation était jusqu’alors quasi stérile puisque dans 95 % des cas, les parties ne parvenaient pas à se concilier, ce qui rendait cette première étape presqu’inutile.
Le bureau de conciliation et d’orientation dispose désormais davantage de marge de manœuvre car il oriente les parties vers la formation de jugement adéquate, en cas d’échec de la conciliation. En outre, le bureau de conciliation et d’orientation assure une véritable mise en état de l’affaire par la fixation des délais et conditions de communication des conclusions et pièces entre les parties (Décr. 2016-660, art. 13, 1° : art. R. 1454-1 du Code du travail). Le non-respect par les parties du calendrier de procédure fixé par le bureau de conciliation et d’orientation octroie à ce dernier le pouvoir de radier l’affaire ou de la renvoyer à la première date utile devant le bureau de jugement (Décr. 2016-660, art. 13, 2° : art. R. 1454-2 du Code du travail). L’accroissement des pouvoirs du bureau de conciliation et d’orientation relève également de sa participation à la manifestation de la vérité en ce qu’il peut dorénavant auditionner toute personne et faire procéder à toutes mesures d’instruction qu’il juge utiles (Décr. 2016-660, art. 13 4° : art. R. 1454-4 du Code du travail).
Favoriser la résolution amiable des litiges.
En vue de désengorger les conseils de prud’hommes, le décret du 20 mai 2016 encourage la résolution amiable des différends. Le bureau de conciliation et d’orientation, le bureau de jugement ou la formation de référé peuvent, à n’importe quel stade de la procédure, enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur. En cas de succès de la médiation, l’accord des parties est homologué par le juge qui a enjoint la procédure de médiation (Décr. 2016-660, art. 31: Code du travail, Titre VII : Résolution amiable des différends, art. R.1471-1 et R.1471-2). Visant à favoriser le désencombrement rapide des conseils de prud’hommes, ces règles sont applicables dès la publication du décret.
Nouvelles modalités de saisine du conseil de prud’hommes.
A compter du 1er août 2016, le conseil de prud’hommes sera saisi soit par requête, soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation et d’orientation (Décr. 2016-660, art. 8 : Code du travail, Chapitre II : Saisine du conseil de prud’hommes). Sous peine de nullité, la requête devra comporter les mentions obligatoires de l’article 58 du Code de procédure civile, ainsi qu’un exposé sommaire des motifs de la demande. Elle devra aussi être accompagnée des pièces invoquées à l’appui des prétentions, et du bordereau correspondant.
Ces conditions de saisine plus sévères révèlent la volonté de désengorger les conseils de prud’hommes en limitant les saisines aux demandes déjà prêtes à être examinées.
La représentation obligatoire en appel.
Le chapitre III du décret du 20 mai 2016 consacre la représentation obligatoire des parties en appel en matière prud’homale, à compter du 1er août 2016. Certes, la procédure en matière sociale se rapproche ainsi de la procédure civile de droit commun. Elle conserve néanmoins une particularité. Les parties auront le choix d’être représentées soit par un avocat, soit par un défenseur syndical, créé par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (art. 258 : Code du travail, Chapitre III : Assistance et représentation des parties, art. L.1453-4 et s., seulement à compter du 1er août 2016 (1)). Le défenseur syndical pourra même intervenir en première instance, sous réserve d’être doté d’un pouvoir spécial. Le décret du 20 mai 2016 intègre donc un nouvel acteur potentiel dans les contentieux prud’homaux, incarné par le défenseur syndical.
Notons que la représentation obligatoire en appel supposera de recourir à un avocat postulant dès lors que la cour d’appel compétente sera située en-dehors du ressort territorial de l’avocat plaidant.
La confirmation de la compétence exclusive de l’ordre judiciaire en matière préélectorale.
Le tribunal d’instance demeure seul compétent pour juger des contestations relatives aux décisions administratives en matière de protocole préélectoral. Il doit être saisi dans les quinze jours à compter de la notification de la décision (Décr. 2016-660, art. 34 à 40). Le juge judiciaire reste le seul juge de la validité des élections et des accords préélectoraux.
Avis de la Cour de cassation quant à l’interprétation des accords collectifs.
Le titre III du décret du 20 mai 2016 consacre la possibilité de saisir la Cour de cassation d’une demande d’avis sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif. La Cour doit rendre un avis dans les trois mois de la réception du dossier.
Au regard de la primauté accordée aux accords collectifs par la loi Travail, il est fort à parier que cette procédure d’avis, applicable dès la publication du décret de réforme de la procédure en matière prud’homale, connaîtra un franc succès.
Emmanuel Walle
Clémentine Joachim
Lexing Département Social Numérique
(1) Aux termes du V de l’article 259 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les 19° à 21° du I et le II de l’article 258, entrent en vigueur au plus tard le premier jour du douzième mois suivant la publication de la dite loi, soit le 1er août 2016.