Le décret du 6 mai 2017 précise les règles procédurales de l’action de groupe et en reconnaissance de droits (1). Ce décret définit les règles procédurales applicables, devant le juge judiciaire, d’une part, et devant le juge administratif, d’autre part, aux actions de groupe régies par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
1. Règles procédurales de l’action de groupe
Concernant les règles procédurales de l’action de groupe, le décret distingue selon que ses dispositions modifient :
- le Code de procédure civile (1.1) ;
- le Code de la justice administrative (1.2) ;
- le Code de l’environnement (1.3).
1.1 Les règles modifiant le Code de procédure civile
Au sein d’un premier chapitre, il est rappelé qu’en matière de règles procédurales de l’action de groupe (CPC art. 826-2 et s.) :
- c’est le TGI du lieu où réside le défendeur qui est compétent et que dans le cas où le défendeur réside à l’étranger, c’est le TGI de Paris qui est compétent (CPC art. 826-3) ;
- à peine de nullité de l’assignation, chacun des cas individuels doit être présenté par le demandeur (CPC art. 826-4) ;
- les règles de la procédure ordinaire en matière contentieuse s’appliquent (CPC art.826-5).
1.1.1 Cessation du manquement
Le chapitre II du décret prévoit les cas de désignation par le juge d’un tiers aux fins de faire cesser le manquement (CPC art. 826-6 et s.).
Le tiers, s’il accepte la mission qui lui est attribuée, commence ses opérations dès que l’auteur du manquement a consigné la provision au greffe (provision dont le montant est fixé par le juge et qui est en principe aussi proche que possible de la rémunération définitive prévisible qui sera attribuée au tiers) (CPC art. 826-7).
Durant sa mission, le tiers peut faire état au juge et aux parties des difficultés qu’il rencontre (CPC art. 826-11) et peut, sur autorisation du juge, être autorisé à prélever un acompte sur les sommes consignées si la complexité de l’affaire le requiert (CPC art. 826-12).
A l’issue du délai fixé par le juge, le tiers remet son rapport accompagné de sa demande de rémunération.
Le juge se prononce alors sur le montant de cette rémunération, au regard notamment des diligences accomplies et de la qualité du travail fourni et autorise le tiers à se faire remettre, à due concurrence, les sommes consignées au greffe (CPC art. 826-13).
1.1.2 Réparation du préjudice
Le jugement qui reconnait la responsabilité du défendeur (CPC art. 826-14 et s.) précise s’il est fait application de la procédure :
- individuelle de réparation : au sein du groupe, chaque membre peut adresser directement ses demandes au défendeur ;
- ou collective de liquidation des préjudices : les demandeurs doivent passer par le représentant du groupe qui se chargera de la négociation au nom du groupe (CPC art. 826-15).
Les mesures d’information ordonnées par le juge (CPC art. 826-16) comportent, outre les mentions éventuellement prescrites par le jugement :
- le dispositif de la décision (sans préciser la nature du support de cette reproduction) ;
- les cordonnées de la personne à qui adresser sa demande de réparation (soit le représentant du groupe, soit le défendeur) ;
- l’indication de la forme, du contenu de la demande de réparation, ainsi que du délai pour adresser sa demande ;
- l’indication du fait que la demande de réparation adressée au demandeur à l’action lui confère un mandat aux fins d’indemnisation ;
- l’indication qu’à défaut de demande de réparation reçue selon les modalités et dans les délais prévus par le jugement, la personne ne pourra plus agir via l’action de groupe mais pourra toujours agir en indemnisation de ses préjudices à titre individuel ;
- l’indication qu’en cas d’adhésion au groupe la personne intéressée ne pourra plus agir individuellement à l’encontre du responsable en réparation du préjudice déjà indemnisé via l’action de groupe mais pourra toujours agir en indemnisation de ses autres préjudices.
L’adhésion au groupe (CPC art. 826-17 et s.) prend la forme d’une demande de réparation auprès :
- de l’une des parties à l’instance quand il est fait application de la procédure individuelle ;
- du demandeur à l’action quand il est fait application de la procédure collective.
Si la personne adresse directement sa demande au responsable, elle doit malgré tout en informer le(s) demandeur(s) (CPC art. 826-18).
Le mandat donné au demandeur à l’action par l’effet de l’adhésion lui permet d’accomplir tous les actes de procédure et diligences en vue d’obtenir réparation du préjudice subi (CPC art. 826-20).
Chaque « adhérent » peut à tout moment retirer le mandat, ce qui vaut renonciation à l’adhésion au groupe (CPC art. 826-20, al. 3).
Le demandeur à l’action ayant reçu mandat aux fins d’indemnisation est réputé créancier pour l’exécution forcée du jugement au sens du Code de procédure civile (CPC art. 826-21 et s.).
1.2 Les règles modifiant le Code de justice administrative
Un certain nombre de règles procédurales de l’action de groupe propre au contentieux administratif ont également été prévues par ce décret (CJA art. R.77-10-1 et s.).
1.2.1 Dispositions générales
Concernant la juridiction compétente (CJA art. R.77-10-2), lorsque :
- les requêtes individuelles qu’auraient pu introduire les personnes auxquelles l’action de groupe est susceptible de bénéficier auraient relevé de la compétence d’une seule juridiction, cette juridiction est compétente pour connaître de cette action ;
- ces requêtes auraient relevé de la compétence de plusieurs juridictions, l’action de groupe est adressée au Conseil d’Etat.
Le président de la formation de jugement informe les auteurs de requêtes individuelles de l’existence de l’action de groupe et de leur droit de s’y rattacher et les met en demeure de confirmer, dans un délai fixé par le juge qui ne peut toutefois être inférieur à un mois, s’ils désirent ou non poursuivre l’action de leur côté (CJA art. R.77-10-3).
A défaut de confirmation, ils seront réputés s’être désistés de leur instance individuelle.
Dans tous les cas, il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête jusqu’à ce que la décision rendue sur l’action de groupe soit devenue irrévocable.
La requête porte la mention « action de groupe » (CJA art. R.77-10-4) et précise, à peine d’irrecevabilité, la personne morale visée par l’action, la nature du manquement invoqué et les éléments permettant d’apprécier la similarité des situations (CJA art. R.77-10-5).
En dehors des cas mentionnés aux articles R.77-10-6 et R.77-10-7 du CJA, les requêtes devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel doivent être présentées par un avocat ou par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation (CJA art. R.77-10-6 et s.).
Cette représentation ne souffre en revanche aucune exception devant le Conseil d’Etat.
Les actions de groupe en cours font l’objet d’une information sur le site internet du Conseil d’Etat, de même que les décisions statuant sur ces actions de groupe et devenues irrévocables (CJA art. R.77-10-10 et s.).
1.2.2 Réparation des préjudices
Le jugement qui reconnait la responsabilité du défendeur (CJA art. R.77-10-13 et s.) :
- fixe le délai dans lequel celui-ci doit mettre en œuvre les mesures de publicité ;
- précise s’il est fait application de la procédure individuelle ou collective.
Les règles relatives aux mesures d’information ordonnées par le juge, à l’adhésion au groupe et au mandat donné au demandeur à l’action sont les mêmes qu’en matière de procédure civile (CJA art. R.77-10-15).
1.3 Dispositions modifiant le Code de l’environnement
Une section 2 est ajoutée au chapitre II du titre IV du livre 1er du Code de l’environnement (articles R. 142-1 et suivants).
Cette section précise notamment que certaines associations, autres que celles agréées pour la protection de l’environnement, peuvent exercer l’action de groupe en matière environnementale : il s’agit notamment des associations de défense des consommateurs et des associations visées par l’article 2-15 du Code de procédure pénale.
Une association dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou la défense des intérêts économiques de ses membres peut être agréée si elle justifie depuis au moins trois ans à compter de sa déclaration (C. env. art. R.142-11) :
- d’une activité effective et publique ;
- d’une représentativité suffisante ;
- de l’exercice d’une activité non lucrative et d’une gestion désintéressée ;
- d’un fonctionnement conforme à ses statuts ;
- de garanties de régularité en matière financière et comptable.
Le décret détaille ensuite la procédure de délivrance de l’agrément (C. env. R.142-12 et s.) : demande adressée au préfet du département si l’agrément est sollicité dans un cadre départemental ou régional ou au ministre chargé de l’Environnement si l’agrément est sollicité dans un cadre national.
La décision est notifiée à l’association dans les six mois et une liste est mise à la disposition du public concernant les associations ayant reçu l’agrément (C. env. R.142-16 et s.).
2. Dispositions relatives à l’action en reconnaissance de droits
Au-delà des règles procédurales de l’action de groupe, le décret prévoit également un certain nombre de dispositions relatives à l’action en reconnaissance de droit.
L’article 93 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice administrative crée une action en reconnaissance de droits (CJA L.77-12-1 et s.) qui permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l’application de la loi ou du règlement en faveur d’un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt.
Elle peut tendre au bénéfice d’une somme d’argent légalement due ou à la décharge d’une somme d’argent illégalement réclamée mais ne peut tendre à la reconnaissance d’un préjudice.
Le décret du 6 mai 2017 insère un chapitre XII dans le titre VII du livre VII du Code de justice administrative pour préciser les modalités procédurales de ce type d’action (CJA art. R.77-12-1 et s.).
En matière de compétence (CJA art. R.77-12-2), comme pour les actions de groupe, lorsque :
- les requêtes individuelles qu’auraient pu introduire les membres du groupe d’intérêt en faveur duquel l’action en reconnaissance de droits est présentée auraient relevé de la compétence d’une seule juridiction, cette juridiction est compétente pour connaître de cette action ;
- ces requêtes auraient relevé de la compétence de plusieurs juridictions, l’action de groupe est adressée au Conseil d’Etat.
Concernant le concours entre actions en reconnaissance de droits et actions individuelles, le président de la formation de jugement informe les auteurs de requêtes individuelles de l’existence d’une action en reconnaissance de droits et de leur droit de s’y rattacher et le met en demeure de confirmer dans un délai d’un mois minimum qu’il désire, le cas échéant, poursuivre l’action de son côté. A défaut de confirmation, il sera réputé s’être désisté de l’instance (CJA art. R.77-12-3).
Concernant la présentation de la requête, la décision attaquée est la décision explicite ou implicite de rejet opposée par l’autorité compétente à la réclamation préalable formée par le demandeur à l’action, étant entendu que le silence gardé pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet (CJA art. R.77-12-4 et s.).
La requête porte la mention « action en reconnaissance de droits » et précise, à peine d’irrecevabilité, les éléments de fait et de droit qui caractérisent le groupe d’intérêt en faveur duquel elle est présentée.
Avec les mêmes exceptions que pour l’action de groupe, la représentation par un avocat ou par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation est obligatoire (CJA art. R.77-12-7 et s.).
Les actions en reconnaissance de droits en cours font l’objet d’une information sur le site internet du Conseil d’Etat, de même que les décisions statuant sur ces actions de groupe et devenues irrévocables (CJA art. R.77-12-11 et s.).
Concernant l’exécution des décisions (CJA art. R.77-12-13 et s.), toute personne qui demande pour son compte le bénéfice de droits reconnus par une décision rendue sur une action en reconnaissance de droits passée en force de chose jugée présente une demande d’exécution individuelle à l’autorité administrative compétente.
Seule une décision expresse de rejet fait courir le délai de deux mois pour contester la décision.
Les demandes d’exécution individuelles peuvent être présentées sans le ministère d’un avocat.
Ces règles procédurales de l’action de groupe prévues par ce décret sont également applicables dans les iles Wallis et Futuna.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Pierre Guynot de Boismenu
Lexing Contentieux informatique
(1) Décret 2017-888 du 6-5-2017 relatif à l’action de groupe et à l’action en reconnaissance de droits prévues aux titres V et VI de la loi 2016-1547 du 18-11-2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.