Remboursement des apps et des objets connectés de santé

Remboursement des apps et des objets connectés de santéLe remboursement des apps et objets connectés de santé ? Où en est-on : chez nos voisins ? En France ? En Europe ?

En Belgique, l’Etat vient d’allouer une enveloppe de 3,5 millions d’euros pour permettre le remboursement de 24 applications et objets connectés de santé, au cours d’une phase de test devant durer 6 mois, tout en travaillant à leur encadrement juridique et sur un label de qualité (1).

Si cette initiative pourra permettre d’enrichir les réflexions françaises sur le sujet, elle est l’occasion de faire le point sur le positionnement de la France concernant la question de la prise en charge des applications et objets connectés de santé par l’Assurance Maladie.

Populations fragiles ou à risque

En France, le rapport d’information du 10 janvier 2017 sur les objets connectés (2), issu de la mission d’information sur les objets connectés auprès de la Commission des affaires économique de l’Assemblée nationale, prévoit dans sa recommandation n°13, de :

« Développer une stratégie e-santé de prévention à destination des populations fragiles ou particulièrement exposées à des risques sanitaires. Les objets connectés qui participent de cette politique de prévention pourraient être au moins partiellement pris en charge par la Sécurité sociale ».

Cette recommandation vise les populations fragiles ou à risque, car « les personnes qui s’emparent des potentialités des objets connectés, (…) sont celles qui en ont le moins besoin : catégories socio-professionnelles supérieures, jeunes, urbains. Cette fracture des usages du numériques serait d’autant plus grave si, demain, les services publics recourant aux objets connectés pour améliorer leur efficacité ne parvenaient pas à toucher toute la population ».

Cette première approche démontre, a minima, une volonté politique de prise en charge, au bénéfice des personnes qui sont le moins à même de bénéficier de ces apps et objets.

De ce point de vue, réduire la fracture numérique reviendrait à réduire la fracture sanitaire, ce qui ajoute à l’argument, plus classique, de l’efficacité sanitaire et économique de la prévention par la santé mobile.

Promotion et évaluation du bénéfice avéré

L’examen du « pourquoi ? » doit faire place à celui du « comment ? ».

Récemment, le Comité Stratégique de filières (CSF) Santé constitué en Groupe 28 (GT28) travaillant sur les thématiques de la santé mobile ou « m-santé », a exposé les conclusions des travaux qu’il a menés entre septembre 2015 et août 2016, dans un rapport publié en janvier 2017, « Créer les conditions d’un développement vertueux des objets connectés et des applications mobiles de santé » (3). Ces travaux portent notamment sur les modalités  de remboursement des applications et objets connectés en santé.

Le rapport rappelle à cet égard, que dans le cadre des démarches d’évaluation par la HAS (Haute Autorité de Santé), le fabricant ou l’éditeur souhaitant obtenir un remboursement doit faire la preuve d’un « bénéfice avéré » qui n’est pas le même selon le produit/acte en cause.

Le GT28 considère qu’il peut être tenu compte des éléments suivants pour déterminer ce bénéfice :

  • par analogie avec un dispositif médical, il peut s’agir d’un bénéfice médical démontré par le service médical rendu ou l’amélioration du service médical rendu, prouvé par des études cliniques coûteuses ;
  • par analogie avec la télémédecine, il peut s’agir d’un bénéfice économique démontré par des études médicoéconomiques encore plus complexes ;
  • la prise en compte de la valeur d’usage : la qualité de vie et le confort du patient et/ou des aidants, la qualité de l’utilisateur (patient, aidant, ou professionnel de santé) et de l’organisation des soins (amélioration du parcours ou de l’organisation) ou de diagnostic.

Pour le GT28, il conviendrait donc de s’inspirer de la matrice d’impact élaborée par la HAS pour la télémédecine (7), avec une typologie spécifique des bénéfices des objets et application et la spécification « de ce qu’on entend par bénéfice avéré dans chaque cas, et la méthode à mettre en œuvre permettant d’en faire la preuve ».

Attendre la réglementation européenne ?

Le GT28 ne recommande pas la mise en place d’un nouveau parcours d’accès au remboursement, mais d’attendre une éventuelle réglementation européenne, afin de ne pas pénaliser le marché français par une réglementation plus exigeante.

Il évoque une possible réglementation européenne suite à la consultation publique lancée par la Commission européenne sur la santé mobile.

Pourtant, les résultats de cette consultation, qui porte notamment sur les modalités de remboursement, ont été rendus publics depuis janvier 2015 (4), sans que la Commission Européenne n’ait communiqué ou fait part d’initiatives depuis.

Dispositif de type « Forfait Innovation »

Dans cette attente, le GT28 propose la mise en place d’un dispositif similaire au « Forfait Innovation ».

Pour rappel, le « Forfait Innovation » prévu par l’article L. 165-1-1 (5) du Code de la sécurité sociale permet la prise en charge précoce, dérogatoire et temporaire par l’assurance maladie d’une technique innovante : dispositifs médicaux (DM ou DMDIV) et/ou actes innovants. Les mesures de prise en charge et critères d’éligibilité ont été définies par le décret du 16 février 2015 (6).

Dans ce cadre :

  • le produit ou acte n’a pas à justifier un service attendu suffisant compte tenu des données cliniques ou médicoéconomiques disponibles ;
  • des études cliniques ou médicoéconomiques disponibles à la date de la demande peuvent établir que l’utilisation du produit de santé ou de l’acte est susceptible de remplir l’un des objectifs relatifs au bénéfice clinique ou à la réduction des dépenses de santé.

Rappelons qu’en l’état, ce dispositif ne concerne que les innovations de rupture et non incrémentales.

Pour le GT28, une prise en charge dans le cadre d’un dispositif similaire devrait être complétée par des études et la démonstration des bénéfices atteints, afin d’estimer le niveau de remboursement associé.

Dans ce cadre, le groupe de travail propose de prendre en compte la temporalité des études et leur coût pour moduler le tarif et la période de révision des prises en charge.

Conclusion

La question du remboursement des objets connectés et applications de santé reste centrale, tant pour les fabricants et éditeurs, que pour la maîtrise des politiques et des dépenses de santé.

Aller trop vite risque de créer une contradiction avec la règlementation européenne future éventuellement plus souple, et trop lentement, la perte du bénéficie de ces solutions au sein des politiques de santé actuelles.

Un juste milieu semble l’adaptation des dispositifs actuels de prise en charge ou remboursement :

  • un forfait innovation santé mobile ?
  • un remboursement conditionné au bénéfice avéré redéfini et adapté à la santé mobile ?

Telles semblent-être les pistes des travaux actuels.

Marguerite Brac de La Perrière
Benjamin-Victor Labyod
Lexing Droit Santé numérique

(1) L’Echo, Article « L’État rembourse 24 applis santé, un premier pas », 28-12-2016
(2) AN, Rapport d’information n°4362 du 10-1-2017
(3) GT28 CSF, Rapport du 28-10-2016
(4) European Commission, Article ‘Public consultation on the Green Paper on mobile Health’, 3-5-2016
(5) CSS, art. L.165-1-1
(6) CSS, art. R.165-63
(7) Haute Autorité de Santé, Rapport d’évaluation médico-économique

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