La requalification de contrats non successifs en CDI pose des problématiques liées à l’appréciation de l’ancienneté.
La Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 3 mai 2016, publié au bulletin, le point de départ de l’ancienneté en matière de requalification en CDI de CDD non successifs.
Une société de nettoyage avait conclu avec un salarié, à partir du 13 décembre 2004, plusieurs CDD non successifs, puis avait embauché ce dernier en CDI à compter du 26 août 2009. Licencié pour faute grave ce dernier a saisi les juridictions compétentes au titre de diverses demandes en réparation.
La Cour d’appel de Versailles a requalifié les différents CDD en CDI, mais a débouté le salarié de sa demande concernant la prime d’expérience (substituant l’indemnité d’ancienneté) aux motifs « qu’en l’absence de tout élément de preuve concernant l’exécution d’une prestation de travail entre novembre 2007 et le 26 août 2009 date de la signature d’un nouveau contrat [CDI], ni même d’aucun élément visant à démontrer que le salarié se serait maintenu à la disposition de son employeur, il convient de constater l’absence de relations contractuelles sur cette période, de sorte que l’ancienneté ne sera pas reprise au 13 décembre 2004 » (1).
La Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt au visa de l’article L. 1245-1 du Code du travail, en indiquant que par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié était réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier.
Le recours au CDD est très encadré par le Code du travail. Qualifié régulièrement de contrat « précaire », il doit répondre à un certain formalisme. L’article L. 1245-1 du Code du travail sanctionne le non-respect de ce formalisme par la requalification des CDD en CDI (2).
La Cour de cassation a décidé que lorsque des CDD n’ont pas été successifs, la seule requalification en CDI, autorise le salarié à se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier jour de la relation contractuelle.
Cette position est à rapprocher de la jurisprudence relative à l’impact de la requalification de CDD en CDI sur la reconstitution de carrière d’un salarié et sur la régularisation de son salaire (3).
Dans cette espèce, la cour d’appel avait débouté le salarié de sa demande de rappel de salaires aux motifs qu’il n’avait pas rapporté la preuve d’une quelconque relation contractuelle.
La Cour de cassation avait infirmé cette position aux motifs que par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié était réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche au sein de la société et qu’il était en droit d’obtenir la reconstitution de sa carrière, ainsi que la régularisation de sa rémunération.
Le salarié n’a donc pas à rapporter la preuve de la relation contractuelle au cours des périodes non couvertes par un CDD. La seule requalification en CDI justifie que l’ancienneté soit appréciée dès le premier jour de la relation contractuelle.
Emmanuel Walle
Céline Chapman
Lexing Droit Travail numérique
(1) Cass. soc. 3-5-2016, n°15-12.256.
(2) C. trav., art. L. 1245-1.
(3) Cass. soc. 24-4-2013, n°12-12.273.