Requalification du délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne

administration illicite d’une plateforme en ligne
Le Tribunal de Paris requalifie le délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne dans une affaire de vente de kits de hameçonnage, dont le délibéré a été rendu le 20 septembre 2024 par la 13e chambre du Tribunal correctionnel de Paris. 

la vente des kits d’hameçonnage

Requalification du délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne

La décision n’est pas publiée à ce jour et l’affaire a fait l’objet d’un appel interjeté par le parquet. L’information a été publiée sous la plume de Gabriel Thierry pour Dalloz Actualité

Les faits concernaient un individu qui administrait un canal de discussion sur Telegram. Ce canal proposait à la vente des kits de hameçonnage. Ces kits étaient destinés à créer de fausses pages web à des fins de phishing. Les fraudeurs les utilisaient ensuite pour commettre des escroqueries, notamment des fraudes aux faux conseillers bancaires.

Identifié lors d’une enquête menée par la brigade de lutte contre la cybercriminalité, l’individu a été arrêté en avril 2024. Il était notamment poursuivi pour le délit d’administration d’une plateforme illicite. Ce délit a été introduit par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) en janvier 2023.

Cadre du délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne

Requalification du délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne

  • Le délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne est prévu à l’article 323-3-2 du Code pénal, qui sanctionne le fait :
  • • pour une personne qui fournit un service de plateforme en ligne de, sciemment, permettre la cession de produits, de contenus ou de services, dont la cession, l’offre, l’acquisition ou la détention sont manifestement illicites, et, pour cela :
    • – soit restreindre l’accès à ce service aux personnes utilisant des techniques d’anonymisation des connexions ;
    • – soit ne détenir, ni ne conserver les données d’identification de ses utilisateurs ;
  • • pour tout individu de proposer, par l’intermédiaire d’un fournisseur de service de plateforme en ligne, des prestations d’intermédiation ou de séquestre qui ont pour objet unique ou principal de mettre en œuvre, de dissimuler ou de faciliter les opérations de cession de ces produits, contenus ou services.

Ce texte, créé par la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, dite LOPMI a été modifié par la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, dite SREN afin de cibler la définition de « plateforme en ligne » telle que prévue à l’article 6 I 4 de la LCEN, qui renvoie à la définition de l’article 3 i) du DSA :

« un service d’hébergement qui, à la demande d’un destinataire du service, stocke et diffuse au public des informations, à moins que cette activité ne soit une caractéristique mineure et purement accessoire d’un autre service ou une fonctionnalité mineure du service principal qui, pour des raisons objectives et techniques, ne peut être utilisée sans cet autre service, et pour autant que l’intégration de cette caractéristique ou de cette fonctionnalité à l’autre service ne soit pas un moyen de contourner l’applicabilité du présent règlement ».

Les peines prévues sont de cinq d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, et passent à dix ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende lorsque ces infractions sont commises en bande organisée.

Les raisons de la requalification

Requalification du délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne

  • Le premier alinéa de l’article 323-3-2 du code pénal vise les agissements de la personne qui fournit un service de plateforme en ligne.
  • • Le parquet soutenait, pour retenir cette qualification et l’imputer au prévenu, que ce dernier avait créé le canal Telegram, et qu’il avait, à ce titre, déterminé les conditions support de l’anonymisation de ses utilisateurs.
  • • La défense soutenait que le fait que les enquêteurs aient pu entrer sur le canal démontrait l’absence d’anonymisation, et que l’obligation de conservation des données d’identification, qui incombe à Telegram, ne pouvait être reproché au prévenu.

Une première analyse semble écarter l’applicabilité du deuxième alinéa du texte, les opérations de vente de kit d’hameçonnage ne paraissant pas consister en des « prestations d’intermédiation ou de séquestre ».

Le tribunal a décidé de ne pas reconnaitre la qualité de fournisseur un service de plateforme en ligne au prévenu.

Une requalification a toutefois été faite, et le prévenu a notamment été condamné au titre du délit prévu par l’article 323-3-1 du Code pénal, qui vise la détention, l’offre, la cession ou la mise à disposition d’un programme destiné à la commission d’une atteinte à un système de traitement automatisé de données.

  • Les peines prononcées vont au-delà des réquisitions.
  • Un appel a été interjeté par le parquet.

Raphaël Liotier

Avocat, Directeur d’activité au sein du pôle Contentieux numérique

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