La responsabilité des éditeurs de blog peut être engagée sauf à bénéficier du régime de responsabilité allégée de l’hébergeur de contenus de tiers.
Déçues de la franchise qu’elles avaient conclue, deux franchisées ont créé un blog dont l’objectif était de permettre aux autres franchisées du réseau de raconter leur propre expérience.
Les publications tendaient à imputer au franchiseur la responsabilité de leur échec commercial.
Le franchiseur déposait une plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation et d’injure publiques envers un particulier. Les deux franchisées étaient renvoyées devant le tribunal correctionnel de ces chefs, l’une en qualité d’auteur principal puisqu’elle était la directrice de la publication du blog, l’autre comme complice, ayant été identifiée comme étant l’auteur de certains des propos poursuivis.
La directrice de la publication (et éditeur du blog) a plaidé la relaxe en faisant valoir :
- le défaut de preuve de la réalité des propos, puisque certains n’avaient pas été constatés par un huissier de justice ;
- son défaut de responsabilité, « sur le fondement des dispositions de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, le blog en cause s’assimilant à un forum de discussion dont [elle] n’avait pas la maîtrise éditoriale, n’exerçant aucune modération a priori, de sorte qu’elle ne pouvait voir sa responsabilité engagée qu’à la condition d’avoir eu connaissance des propos incriminés, ce qui n’est pas le cas, ou d’avoir refusé de retirer les propos en cause, ce qui n’est pas non plus le cas dès lors qu’elle n’a pas été saisie d’une demande de retrait des propos incriminés mais d’une demande, non assimilable, de suppression du blog tout entier ».
Le jugement de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris apporte des précisions sur deux points : la qualité d’hébergeur de contenus de tiers et le régime de responsabilité qui y est attaché et sur la preuve des propos diffamatoires.
Concernant la preuve des propos diffamatoires sur internet, le tribunal a ainsi précisé que la preuve des propos diffamatoires est suffisamment rapportée :
- par l’établissement d’un procès-verbal de constat sur internet par un huissier de justice ;
- mais également par « la production de captures d’écran corroborées par les investigations qui ont été menées lors de l’information judiciaire par les policiers (…) qui ont constaté (…) que tous les propos diffamatoires poursuivis étaient toujours en ligne ;
- ou encore par « la production d’une capture d’écran corroborée par la reconnaissance de leur émission ».
Le tribunal confirme en revanche que les seules captures d’écran ne peuvent permettre d’établir la matérialité des propos.
Concernant la responsabilité de l’éditrice au titre de la responsabilité des éditeurs de blog, le tribunal a considéré que cette dernière, qui « n’avait pas au moment de la publication des propos incriminés la maîtrise éditoriale de ce blog participatif dont elle avait communiqué les identifiants et mots de passe à de nombreuses personnes qui y accédaient librement, sans qu’elle exerce aucun contrôle a priori mais un simple contrôle a posteriori, épisodique et purement formel », était soumise aux dispositions de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (2).
Ainsi, l’éditeur du blog a pu bénéficier du régime de responsabilité allégée de l’hébergeur de contenus de tiers, qui « ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».
Le tribunal a donc prononcé la relaxe de l’éditrice du blog, considérant que celle-ci « n’avait pas effectivement connaissance des messages incriminés avant leur mise en ligne [et] qu’elle n’a été saisie par [la partie civile] d’aucune demande de retrait des propos poursuivis mais d’une demande de suppression du blog, qui n’est pas équivalente et à laquelle elle s’est légitimement opposée ».
Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Contentieux numérique
(1) TGI Paris, Ch. correc., 18-2-2016, Procureur de la République, Mme S. c/ Mme R. et Mme B.
(2) Loi 82-652 du 29-7-1982, art. 93-3.