Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, s’est prononcé sur la responsabilité pénale du « producteur d’un service de communication en ligne ». L’article 93?3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle définit un régime de responsabilité « en cascade » des acteurs de la communication par voie électronique.
Ainsi, en cas d’infraction réprimée par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, est d’abord mis en cause le directeur de la publication, puis à défaut, l’auteur du message et enfin, à défaut de l’auteur, le « producteur ».
La Cour de cassation, dans deux arrêts du 16 février 2010, avait interprété cette disposition dans le sens où la personne qui a pris l’initiative de créer un « service de communication au public en ligne en vue d’échanger des opinions sur des thèmes définis à l’avance » peut être poursuivie en sa qualité de producteur, comme auteur principal de l’infraction.
Le requérant soutenait que l’article 93?3 avait ainsi pour effet de créer à l’encontre du producteur une présomption de culpabilité en le rendant responsable de plein droit du contenu des messages diffusés dans un espace de contributions personnelles dont il est « l’animateur », même s’il en ignore le contenu et était, en conséquence, contraire à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel estime que le producteur ne peut s’exonérer des sanctions pénales qu’il encourt qu’en désignant l’auteur du message ou en démontrant que la responsabilité pénale du directeur de la publication est encourue et que cette responsabilité l’expose à des peines privatives ou restrictives de droits et affecte l’exercice de la liberté d’expression et de communication protégée par l’article 11 de la Déclaration de 1789.
Par conséquent, l’article 93?3 est assorti d’une réserve d’interprétation, selon laquelle « le créateur ou l’animateur d’un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes » ne peut voir sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur « à raison du seul contenu d’un message dont il n’avait pas connaissance avant la mise en ligne ».
Cette décision pourrait donc signifier que l’éditeur d’un site internet comprenant un espace de contributions personnelles et ayant mis en place un système de modération a priori peut voir sa responsabilité pénale engagée à raison des messages qui y sont publiés, sauf à désigner l’auteur du message ou en démontrant que le directeur de la publication est responsable.
Conseil constitutionnel, Décision n°2011-164 QPC du 16-9-2011