La rupture abusive et brutale des relations contractuelles donne toujours lieu à de nombreux contentieux quant aux conditions dans lesquelles elle intervient.
Pour juger du caractère brutal ou abusif, les juges prennent en compte la réalité des relations contractuelles entre les parties.
Rupture abusive et brutale : rôle de la clause préambule
Dans une décision du 25 septembre 2012 (pourvoi n°11-24301) la chambre commerciale de la Cour de cassation se fonde sur un paragraphe contenu dans la clause préambule d’un contrat pour retenir que la rupture contractuelle intervenue entre les parties, conformément aux dispositions du contrat, doit être pour autant qualifiée d’abusive et de brutale.
Dans cette affaire, la société Nestlé Maroc était en relation d’affaires depuis 1991 avec la société Charles pour importer des potages. Le 4 juillet 2003 la société Charles a conclu non pas avec la société Nestlé Maroc, mais avec la société Nestlé France un contrat concédant l’exclusivité de la distribution en France des potages.
Rupture abusive et brutale : durée des relations
Ce contrat a été conclu pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction, chacune des parties pouvant y mettre fin avec un préavis de douze mois. Le 11 janvier 2008, soit à peine cinq ans après la conclusion du contrat, la société Nestlé France a entendu se prévaloir de cette clause de résiliation en dénonçant le contrat pour le 16 janvier 2009, donc en respectant le préavis de douze mois contractuellement prévu.
Cependant la cour d’appel a condamné la société Nestlé France à des dommages et intérêts pour rupture abusive et brutale ce qui a été confirmé en cassation. En effet, les juges n’ont pas uniquement pris en compte la réalité des relations contractuelles entre les parties (2003 à 2008) mais ont procédé à une analyse de la clause préambule du contrat dans lequel la société Nestlé France faisait expressément référence aux relations antérieures qui existaient avec la société Nestlé Maroc et son cocontractant, et ce alors même que les deux sociétés Nestlé sont des personnes juridiques distinctes.
En raison de la mention des relations antérieures existant Nestlé Maroc et la société Charles, les juges ont considéré que la société Nestlé France avait entendu reprendre la relation contractuelle précédemment nouée avec la société Nestlé Maroc et qu’en conséquence de quoi le préavis de douze mois pour mettre fin à cette relation contractuelle était insuffisant et qu’il aurait fallu un préavis de deux ans, qualifiant en conséquence la rupture abusive et brutale.
Rupture abusive et brutale : attention à la mauvaise foi
Dans cette décision, il était relevé qu’il n’y avait eu aucun abus de droit ni aucune mauvaise foi de la part de Nestlé France quant à la décision de mettre fin aux relations commerciales mais les juges ont apprécié la durée du préavis en fonction des réalités économiques spécifiques à la relation commerciale concernée qui ont prévalues sur la circonstance selon laquelle l’entité Nestlé Maroc qui était en relation d’affaire depuis 1991 était une personne juridique distincte de la société Nestlé France qui avait conclu le contrat de 2003.
Cette décision doit faire prendre conscience de l’importance de la clause préambule figurant dans tout contrat qui peut atténuer les effets des autres clauses contractuelles. Il est donc recommandé d’accorder une attention toute particulière aux clauses préambule contenues dans les contrats et ce si les parties entendent se prévaloir de l’intégralité du contenu des autres clauses du contrat.