Alain Bensoussan est intervenu sur France culture sur la décision invalidée par le Conseil constitutionnel concernant la saisie administrative de données informatiques
Au programme du Journal de 22 heures, présenté par Anne Fauquembergue :
- la décision rendue ce jour par le Conseil constitutionnel de censurer une partie de la loi sur l’état d’urgence concernant les saisies informatiques lors des perquisitions.
- les différences de traitement entre la France et les Etats-Unis en matière de décryptage des données informatiques.
Quelles sont les conséquences d’une telle décision ?
Le cadre de l’état d’urgence – Les « sages » du Conseil constitutionnel ont validé les interdictions de réunion (Décision n° 2016-535 QPC) et les perquisitions mais retoquent les copies de dossiers informatiques (Décision n° 2016-536 QPC) faites par les forces de l’Ordre lors des perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence.
La notion d’état de droit – Nous sommes en présence d’une décision extrêmement importante. Elle montre que malgré le moment très particulier de barbarie et en plein état d’urgence, la notion d’état de droit à un sens.
La saisie administrative de données informatiques – Le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2016-536 QPC, définit de nouveau le caractère d’inviolabilité du domicile et, dans ce cas, de la possibilité, de manière exceptionnelle, de pouvoir faire certaines des opérations telles que les perquisitions. Mais lorsqu’il s’agit de la saisie administrative de données informatiques et que les agents font des copies de données personnelles sans qu’aucune limite ne permette d’organiser la protection de la vie privée, alors le Conseil dit non.
La perquisition à domicile – Au domicile des « personnes dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics », s’il y a des ordinateurs qui peuvent contenir des données susceptibles d’intéresser la sécurité nationale, ceux-ci renferment aussi des données à caractère personnel, quant à la santé par exemple, relevant de la vie privée. Et non seulement des données sur la personne en ligne de mire des services de police mais aussi sur les autres personnes vivant à son domicile.
Accès aux données personnelles – Cette restriction va incontestablement gêner les forces de l’ordre dans leur travail mais la saisie administrative de données informatiques – possibilité offerte par l’état d’urgence – est beaucoup trop large, ouvrant la porte à un accès élargi aux données personnelles de toute la famille et des proches.
Équilibre entre démocratie et ordre public – L’état d’urgence permet la saisie sans l’autorisation d’une autorité judiciaire, d’un juge : c’est la « Saisie administrative ». Toutefois, il faut y mettre certaines limites. La sécurité de tous ne peut se faire au détriment de la liberté de chacun. Il faut trouver un équilibre entre démocratie et sécurité.
Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 – Ligue des droits de l’homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l’état d’urgence] – JORF n°0044 du 21 février 2016, texte n° 27 [Non conformité partielle]
Décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016 – Ligue des droits de l’homme [Police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l’état d’urgence] – JORF n°0044 du 21 février 2016, texte n° 26 [Conformité]
France culture, Journal de 22 heures, présenté par Anne Fauquembergue, vendredi 19 février 2016.