Ace Manager, Safran-Esailing Team, Brandstorm ou bien encore Energy Task force, derrière ces noms sibyllins se cachent les serious game (ou jeux sérieux) dédiés au recrutement de quatre entreprises du CAC 40 à savoir respectivement BNP Paribas, Safran, l’Oréal et EDF.
Dès ses débuts le serious game a été perçu par les grandes entreprises comme un moyen supplémentaire et innovant à leur disposition pour recruter les meilleurs candidats.
Avec la mutualisation des coûts de développement, les applications de recrutement ne sont plus aujourd’hui l’apanage des grandes entreprises et se sont généralisées au point de former aujourd’hui une part importante des serious games actuellement en circulation.
Se présentant souvent comme un véritable pré-entretien d’embauche, l’aspect ludique de cet outil de recrutement ne doit pas faire oublier sa réelle vocation ni la réglementation susceptible de s’y appliquer.
Ainsi, les entreprises qui recourent à cette catégorie de jeux sérieux doivent prendre garde aux informations qu’elle demande pour l’inscription à leur jeu.
En effet, quel que soit le jeu envisagé, les joueurs doivent fournir un certain nombre d’informations pour pouvoir s’inscrire ce qui est de nature à soulever bien des difficultés juridiques, ne serait-ce qu’au regard de la collecte des données, de la durée conservation de celles-ci ou bien des personnes autorisées à y accéder.
Ainsi, dans le cadre d’un recrutement, les données collectées ne doivent servir qu’à évaluer la capacité du candidat à occuper l’emploi proposé (qualification, expérience, etc.) (1).
Comme le rappel la Cnil (2), il est interdit de collecter des informations étrangères à cet objectif telles que des informations sur la famille du candidat, ses opinions politiques, religieuse voir son appartenance syndicale.
Or, dans le cadre ludique du serious game les entreprises peuvent être tentées de demander au joueur des informations qu’elles s’interdiraient de demander dans le cadre d’un entretien d’embauche.
A y regarder de plus près, la création d’un compte dans un serious game dédié au recrutement s’apparente fortement à un questionnaire d’embauche et il est donc recommandé pour cette raison de respecter la réglementation en vigueur.
De même, si le jeu sérieux est utilisé par l’entreprise comme un outil d’évaluation des candidats il semble que les dispositions de l’article L.1221-7 du Code du travail doivent être respectées , à savoir :
- Informé expressément les candidats que le jeu auquel ils participent constitue une méthode ou technique d’aide au recrutement ;
- garantir la confidentialité des résultats obtenus ;
- assurer la pertinence du jeu au regard de la finalité poursuivie, notamment les postes proposés.
Autre problématique soulevée par la Cnil (2), en cas de rejet d’un dossier de candidature, l’entreprise doit informer le candidat qu’il souhaite conserver le dossier, afin de lui laisser la possibilité d’en demander le cas échéant la destruction. La durée de conservation étant de 2 ans sauf accord du candidat pour une durée plus longue.
Qu’en est-il du compte créé par le joueur ? Il ne semble pas que l’entreprise puisse garder les informations issues des comptes des joueurs au-delà de cette limite de 2 ans.
L’ensemble de ces problématiques juridiques montre que dès lors que le serious game devient une étape dans le processus de recrutement d’un salarié les entreprises doivent prendre garde à ce que leur application respecte la réglementation en vigueur.
La réalisation d’un audit de conformité juridique du jeu sérieux déployé apparaît donc comme une mesure de prévention nécessaire contre de potentiels recours contentieux de candidats éconduits.
Emmanuel Walle,
Lexing Droit Travail numérique
Arnaud Marc,
Lexing Contentieux informatique
(1) C. trav. L. 1221-6
(2) Cnil, Fiche de Travail « le recrutement et la gestion du personnel », janvier 2013.