L’arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2016 revient sur l’usage de la signature électronique en ligne (1).
Assurance complémentaire dématérialisée
Une société d’assurance propose à ses clients de signer électroniquement les demandes d’adhésion à ses assurances complémentaires. Elle utilise la plateforme de signature Contraléo.
C’est à l’occasion d’une de ses actions en recouvrement de créance du prix d’une assurance complémentaire, qu’un de ses clients argue en défense qu’il n’avait signé aucun document de demande d’adhésion.
Vérification des exigences de la signature électronique
En effet, contester sa signature électronique constitue bel et bien le nouvel argument phare dans un contentieux de recouvrement.
Or dès lors qu’une contestation de signature est soulevée, les juges du fond doivent vérifier si la signature remplit les conditions exigées par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil relatives à l’écrit et la signature électroniques (2).
Le juge de proximité (3) prend alors soin de constater que :
- ladite plateforme permet d’établir et de conserver la demande d’adhésion tout en garantissant son intégrité ;
- la plateforme permet « une identification et une authentification précise des signataires en date du 25 mai 2011 » ;
- le procédé de signature électronique utilisé est fiable en ce qu’il garantit le lien entre la signature électronique du client et l’acte d’adhésion concerné.
Signature électronique simple, sécurisée ou présumée fiable ?
Le débiteur non content, porte l’affaire devant la Cour de Cassation. Il soutient cette fois-ci que la demande d’adhésion aurait dû être revêtue d’une signature électronique sécurisée créée grâce à un dispositif sécurisé et mettant en œuvre un certificat électronique qualifié. En d’autres termes, selon lui, le niveau de signature aurait dû être « présumé fiable » au sens du décret du 30 mars 2001, ce que le juge du fond n’a pas recherché.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis et confirme in fine que le contrat d’adhésion à une assurance complémentaire peut être signé en ligne par le client avec une signature électronique dite « simple » et de surcroît n’a pas à être signé d’une signature électronique de niveau ni sécurisé, ni présumé fiable.
Etude d’impact :
Le législateur avait récemment confirmé la tendance de la dématérialisation dans le Code des assurances en introduisant la lettre recommandée électronique entre assureurs pour résilier un contrat d’assurance (4).
Aujourd’hui, après quelques décisions des juridictions du fond, c’est la Cour de cassation qui confirme la tendance de faire rentrer tous les secteurs dans la transformation numérique en adoubant la signature électronique pour la conclusion même du contrat d’assurance.
L’impact juridique est grand puisqu’il permet à l’assureur de prouver techniquement non seulement l’accord sur la demande d’adhésion, mais surtout le consentement de son client aux éventuelles limitations et exclusions de garantie.
Tendance confirmée avec l’application directe en juillet 2016 du règlement eIDAS (5) qui standardise dans toute l’Europe les différents niveaux de signature électronique, en mettant un point d’honneur à la non-discrimination de l’électronique v/ l’analogique : « L’effet juridique et la recevabilité d’une signature électronique comme preuve en justice ne peuvent être refusés au seul motif que cette signature se présente sous la forme électronique ou qu’elle ne satisfait pas aux exigences de la signature qualifiée. » (6).
Quatre points essentiels
Cette problématique de signature électronique levée, restent maintenant quatre points essentiels à prendre en compte : l’identification certaine du client lorsqu’il est 100% à distance, la fourniture des informations précontractuelles et le respect de l’obligation de conseil, ainsi que la transmission et l’hébergement des données de santé des clients.
Ces points ne peuvent à ce jour être résolus, outre un niveau plus élevé de sécurité de la signature électronique, par un travail approfondi juridique et technique sur le parcours client, ainsi que par la réalisation de trois documents de gestion des preuves électroniques : convention de preuve, chemin de preuve et dossier de preuve.
Polyanna Bigle
Lexing Droit Sécurité des systèmes d’information
(1) Cass. 1ère civ. du 6-4-2016 n°15-10732.
(2) En application de l’article 287, al. 2, du Code de procédure civile.
(3) Juridiction de proximité de Montpellier, 11-2-2014 (décision attaquée).
(4) Voir le précédent article : « La lettre recommandée électronique en droit des assurances« , Polyanna Bigle.
(5) Règlement (UE) 910/2014 du Parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.
(6) Voir le précédent article sur le règlement eiDAS « La signature électronique : un renouveau dans l’Union Européenne« , Polyanna Bigle.