Le développement des modalités d’utilisation de la signature électronique dans les marchés publics est incontestablement le sujet de cet été 2012.
La signature électronique dans les marchés publics
Abondamment commentée, la publication au Journal officiel du 3 juillet dernier de l’arrêté du 15 juin 2012 relatif à la signature électronique dans les marchés publics (1) a été suivie de la diffusion de plusieurs documents émanant de la Direction des affaires juridiques des ministères financiers (DAJ).
Deux fiches techniques traitant de la signature électronique dans les marchés publics ont ainsi été rendues publiques, l’une intitulée « mode d’emploi », l’autre relative aux actions que les acheteurs devaient entreprendre d’ici le 1er octobre 2012, date d’entrée en vigueur du dispositif. A ces fiches s’ajoute l’éditorial de Catherine Bergeal, Conseiller d’Etat et directrice de la DAJ depuis 2007, paru dans le numéro de juillet de la lettre de l’Observatoire Economique de l’Achat Public (OEAP) présentant les modalités et les enjeux de cette réforme.
Le contenu des deux fiches est essentiellement technique puisqu’elles traitent de la mise en conformité des profils acheteurs et explicitent le contenu de l’arrêté tel que l’obligation faite aux pouvoirs adjudicateurs d’accepter non seulement les certificats de signature expressément visés mais également tous les certificats dont le niveau de sécurité est équivalent au standard défini par le référentiel général de sécurité (RGS).
La signature électronique dans les marchés publics : fiche mode d’emploi
Comme on peut l’attendre d’un « mode d’emploi », cette fiche explicite les conditions d’utilisation du système de signature électronique (2). Elle détaille les conditions dans lesquelles les acheteurs doivent vérifier la conformité du certificat électronique de signature utilisé par le candidat.
Concrètement, la fiche distingue deux opérations de vérifications que les acheteurs devront effectuer. Ceux-ci devront, d’une part, s’assurer de la conformité du certificat de signature au RGS. Ils devront, d’autre part, vérifier que le niveau de sécurité du certificat (*, ** ou ***) est adapté au marché concerné et conforme aux documents de consultation.
Consciente que la réalisation de ces vérifications pourrait s’avérer malaisées, la DAJ rappelle que ces contrôles seront partie intégrante des fonctionnalités du profil acheteur. Cette opération ne devrait donc être effectuée par l’acheteur qu’en cas d’utilisation par le candidat de certificats de signature peu courants. On peut penser que cette situation ne sera pas fréquente dans la mesure où l’arrêté vise les formats de signature généralement utilisés et que, dans leur choix de certificat de signature électronique, les candidats choisiront probablement les formats de signature les plus courants.
En revanche, on ne peut que recommander aux acheteurs publics la plus grande vigilance en cas de rejet d’une candidature pour défaut de conformité du certificat de signature électronique. En effet, la fiche mode d’emploi précise bien que l’examen automatique de la signature électronique n’exonère par l’acheteur de sa responsabilité dans le cas où la candidature ou l’offre serait rejetée à tort pour des raisons techniques. En définitive, en cas d’erreur ou de dysfonctionnement, le dispositif est conçu pour retenir la responsabilité résiduelle de l’acheteur, ce qui justifie la plus grande vigilance de la part de ces derniers.
La signature électronique dans les marchés publics : Que faire d’ici le 1er octobre ?
Cette seconde fiche est, encore davantage que la première, orientée vers les acheteurs. Visant à leur permettre d’assurer une transition correcte vers la généralisation de la signature électronique dans les marchés publics, la fiche liste les actions à mettre en œuvre pour assurer la transition de manière satisfaisante (3).
Dans cette optique, la DAJ conseille aux acheteurs de procéder au recensement des marchés concernés, de préparer un avertissement à apposer sur la page d’accueil du profil acheteur, de s’assurer dès maintenant que les certificats conformes au RGS seront bien acceptés par leur profil acheteur et de procéder à un affichage suffisamment visible des niveaux de sécurité requis pour les produits de sécurité sur celui-ci et dans le règlement de consultation. La fiche leur recommande également de porter une attention toute particulière aux certificats non visés par l’arrêté comportant des niveaux de sécurité équivalents.
Editorial du numéro de juillet de l’OEAP. Contrairement à ces fiches dont l’aspect pratique et le contenu technique les destinent davantage aux acheteurs publics qu’aux juristes, l’éditorial de Madame Bergeal retiendra l’attention de ces derniers dans la mesure où celle-ci lève un coin du voile sur la perspective d’évolution du processus de dématérialisation. Madame Bergeal mentionne à plusieurs reprises l’objectif du décret, généraliser, faciliter et sécuriser l’usage de la signature électronique dans les marchés publics.
Elle insiste également sur la réduction des contraintes pour les candidats que permet la dématérialisation, ces derniers ne se voyant plus contraints d’utiliser l’outil de signature du profil acheteur, pourront choisir entre les trois formats de signature les plus courants et même utiliser l’outil de signature électronique de leur choix dès lors que celui-ci remplit des standards de sécurité équivalents.
Toutefois, comme on a déjà pu le regretter sur ce blog, ce décret ne fait qu’accompagner une évolution émanant de de la Commission européenne sans qu’il ne soit mené au niveau français de réflexion d’ampleur sur l’utilisation de la dématérialisation pour améliorer et rendre plus efficientes les procédures d’achat. Au vu des propos de Madame Bergeal, c’est véritablement à accompagner une évolution menée à l’échelle communautaire qu’il convient de se résigner, il n’il y aura pas de réflexion d’ampleur sur le sujet.
La généralisation de la signature électronique n’est pas conçue comme une véritable réforme, seulement comme la transposition électronique du mécanisme de la signature physique qui sera désormais effectuée informatiquement dans des conditions équivalentes. Le Ministère semble considérer les procédures existantes optimales et comme ne nécessitant qu’une adaptation pour fonctionner de manière dématérialisée.
Sur des sujets voisins comme en ce qui concerne la commission d’appel d’offre menée à distance, on a pu constater la réserve du Ministère dès lors qu’il s’agissait d’interpréter le Code des marchés publics dans le sens de davantage de dématérialisation.
A défaut d’autres orientations, ces dispositions sur la signature électronique dans les marchés publics vont, davantage qu’une réforme, se résumer en une évolution.
La signature électronique dans les marchés publics : Evolution ou réforme ?
Les dispositions de l’arrêté du 15 juin 2012 n’entreront pas en vigueur avant le 1er octobre prochain, en remplacement de l’arrêté du 28 août 2006, abrogé à compter de la même date. L’arrêté organise les modalités de recours à la signature électronique lors de la procédure de passation dans des conditions visant à en assurer la sécurité, l’interopérabilité et la validité.
Au-delà de son contenu assez technique, cet arrêté qui vise à dématérialiser la procédure de passation dans le prolongement de la création de l’article 56 du Code ne pourra être accueilli sans une certaine résignation par les praticiens qui souhaitent significativement voir évoluer les procédures dont la complexité se caractérise actuellement moins par l’apposition de la signature électronique en elle-même que par le fait de répondre de manière entièrement dématérialisée.
L’arrêté illustre l’extrême prudence avec laquelle le ministère accompagne cette évolution, ce qui est pourrait apparaître comme fort regrettable car une amplification de la dématérialisation constituerait un gain considérable en terme de temps et de sécurité juridique. Cela aurait pu être l’occasion de simplifier les procédures en instaurant, par exemple, un référentiel de signature.
En rapprochant cet arrêté d’une réponse la réponse du Ministre d’il y a quelques semaines à propos d’une question d’un parlementaire l’interrogeant sur la faculté de tenir des CAO dématérialisées (4), on peine à saisir la vision du ministère qui oscille entre avancées et réticences.
(1) Arrêté du 15 06 2012 relatif à la signature électronique dans les marchés publics
(2) Fiche Mode d’emploi de l’arrêté du 15-6-2012
(3) Fiche Signature électronique : que faire d’ici le 1er octobre ?
(4) QPF AN n° 122566, Réponse du 22-5-2012