Les logiciels de communication audiovisuelle, tel que le logiciel Skype, permettent de passer des appels téléphoniques et vidéo via Internet.
Pour lutter contre la criminalité et notamment contre le terrorisme, l’écoute de ces conversations audiovisuelles est devenue un enjeu majeur au même titre que l’interception des appels téléphoniques ou des courriers électroniques des internautes.
Encore impossible il y a quelques mois, une évolution des textes en vigueur a progressivement permis aux services de police, sous le contrôle du juge d’instruction, de surveiller ces « conversations Skype » dans le cadre de l’enquête, grâce à l’installation de logiciels mouchards.
La possibilité de surveiller les conversations échangées par les internautes via le logiciel Skype a été le fruit de plusieurs textes successifs dont un arrêté du 17 juillet 2015 (1). Cet arrêté élargit la définition des dispositifs offerts aux officiers et agents de police judiciaire pour capter les données informatiques émises et reçues par les utilisateurs. Cet arrêté permet désormais d’espionner les conversations audiovisuelles sur des ordinateurs privés grâce à l’installation de logiciels mouchards.
Cet arrêté a ainsi pour objectif de renforcer le dispositif de lutte contre le terrorisme, de faciliter le renseignement et d’accroître les moyens de surveillance sur internet.
Il était déjà possible de capter les données saisies au clavier ou affichées sur l’écran, depuis l’entrée en vigueur de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 14 mars 2011 (LOPPSI) (2). Cette mesure ne peut toutefois être décidée que dans le cadre d’une procédure judiciaire, sur autorisation du juge d’instruction.
Cette disposition présentait des lacunes, dans la mesure où elle ne permettait d’intercepter que les conversations écrites, à l’exclusion des données émises oralement par des logiciels de communication type « Skype ».
Dans un second temps, la loi de programmation militaire (LPM) (3) a autorisé diverses agences de l’Etat à avoir accès au détail des données relatives aux communications des internautes. Cette loi permet notamment de savoir qui appelle ou écrit, à qui, à quelle heure, quels sites sont visités et permet de géolocaliser, en temps réel, les utilisateurs hors de toute procédure judiciaire.
La loi anti-terroriste du 13 novembre 2014 (4) a multiplié les procédures, alourdi les peines pour les délits d’apologie de terrorisme commis sur internet et a autorisé le blocage de sites internet « provoquant à des actes terroristes ou en faisant l’apologie ».
Cette loi a également permis d’intercepter les données « reçues et émises par des périphériques audiovisuels », notamment via le logiciel Skype, toujours sous le contrôle du juge d’instruction. Elle a ainsi complété l’article 706-102-1 du Code de procédure pénale. Toutefois un article du Code pénal faisait obstacle à la mise en œuvre du dispositif.
En effet, l’article 226-3 du Code pénal punit la fabrication, l’importation, la détention, l’exposition, l’offre, la location ou la vente d’appareils ou de dispositifs techniques ayant pour objet la captation de données informatiques prévue par l’article 706-102-1 du Code de procédure pénale et figurant sur une liste dressée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, en l’absence d’autorisation ministérielle.
Or l’arrêté du 4 juillet 2012 (5) listant des outils sensibles prévus à l’article 226-3 du Code pénal n’avait pas été adapté à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 13 novembre 2014. En effet, les logiciels mouchards n’étaient pas listés au titre des outils autorisés par le texte. L’arrêté n’autorisait que l’utilisation d’outils permettant de capter les données obtenues par saisie de caractère. Par l’arrêté du 17 juillet 2015, le Premier ministre a modifié la liste prévue par l’arrêté du 4 juillet 2012 et l’a complétée par la formulation suivante : les données « reçues et émises par des périphériques audiovisuels ».
Les logiciels mouchards permettant d’espionner les données échangées par le biais d’outils de communication tel que le logiciel Skype peuvent donc désormais être commercialisés en France et être utilisés par les services de police.
Virginie Bensoussan-Brulé
Caroline Gilles
Lexing Droit pénal numérique
(1) Arrêté du 17-7-2015 modifiant l’arrêté du 4 juillet 2012 fixant la liste d’appareils et de dispositifs techniques prévue par l’article 226-3 du code pénal.
(2) Loi 2011-267 du 14-3-2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
(3) Loi 2013-1168 du 18-12-2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
(4) Loi 2014-1353 du 13-11-2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
(5) Arrêté du 4-7-2012 fixant la liste d’appareils et de dispositifs techniques prévue par l’article 226-3 du Code pénal.