Une société n’ayant pu obtenir de son ancienne partenaire commerciale, filiale d’un groupe, le règlement de factures impayées, avait assigné en paiement la société mère du groupe et avait obtenu en appel la condamnation de cette dernière à lui régler la somme due par la filiale.
Le principe de l’autonomie d’une personne morale au sein d’un groupe. La Cour d’appel avait souverainement apprécié que l’immixtion de la société mère, au stade pré-contentieux, avait été de nature à créer une apparence propre à faire croire qu’elle se substituait à sa filiale et qu’elle devait par là même répondre des dettes de cette dernière. En effet, outre le fait que les deux sociétés du groupe possédaient une adresse électronique similaire, le même domicile ainsi que le même dirigeant, la société mère avait émis une lettre dans laquelle elle répondait à la mise en demeure de régler des factures impayées, adressée par la société cocontractante de sa filiale, ce qui avait convaincu la Cour d’appel que la société mère avait entretenu une confusion avec les intérêts de sa filiale.
Le pourvoi formé par la société mère reprochait à l’arrêt d’appel de l’avoir condamnée à régler les dettes de sa filiale alors qu’en vertu du principe de l’autonomie de la personne morale, une société ne saurait être tenue des dettes d’une autre société du même groupe. La Haute juridiction confirme l’arrêt d’appel.
Dans le cas présent la société mère ne s’était immiscée ni dans la conclusion, ni dans l’exécution du contrat, jusqu’à la mise en demeure délivrée par la société défenderesse. De cette intervention au stade pré-contentieux « lorsque le créancier s’apprêtait à saisir la juridiction en paiement de la créance, à plusieurs reprises, pour discuter le montant de l’obligation, en proposant notamment d’obtenir un montant moindre tiré de remises consenties à l’occasion de commandes précédentes, et tenter d’obtenir un paiement amiable, la société mère a laissé ainsi croire à la société » créancière, à un moment où la société filiale avait encore des actifs, qu’elle se substituait à cette dernière dans l’exécution du contrat.
Les contours de la notion d’ « immixtion » dans les relations contractuelles. En principe, une société mère ne sera pas tenue pour responsable des engagements contractés par sa filiale fût elle intégralement contrôlée. Il en résulte que le contractant de la filiale ne saurait agir directement contre la société mère afin d’obtenir le paiement des commandes passées pour le compte de la filiale (2).
Il en va néanmoins différemment lorsque la société mère s’immisce dans les affaires de la filiale, créant ainsi une apparence fautive d’unicité d’entreprise.
Pour apprécier cette apparence, les juridictions se fondent sur un faisceau d’indices. Des éléments tels que l’identité d’adresse électronique, de domicile ou de dirigeant, couplés au fait, pour une société mère, d’intervenir au stade pré-contentieux opposent sa filiale et le cocontractant de cette dernière.
Pour la Cour de cassation, si le principe reste l’indépendance entre une maison mère et ses filiales, l’apparence d’une immixtion de la maison mère dans les affaires de sa filiale entraîne la responsabilité contractuelle de la maison mère, peu important que cette immixtion ne soit jamais intervenue au stade de l’exécution du contrat, mais uniquement au niveau pré-contentieux. Ainsi en principe, une société mère ne sera pas tenue pour responsable des engagements contractés par sa filiale fût elle intégralement contrôlée. Il en résulte que le contractant de la filiale ne saurait agir directement contre la société mère afin d’obtenir le paiement des commandes passées pour le compte de la filiale.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
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(1) Cass. com. 3-2-2015, n°13-24895.
(2) Cass. com., 8-12-1997, Bull. Joly Sociétés 1998, p. 472, § 162, note J.-J. Daigre.