Récemment, la Cour de cassation a précisé le statut du commissaire aux comptes par rapport à certaines sanctions encourues dans le cadre de ses fonctions.
Le commissaire aux comptes, en qualité d’organe de contrôle de la gestion des sociétés, occupe une place essentielle. Le commissaire aux comptes est une tierce personne à la société ayant pour mission principale de contrôler la sincérité et la régularité des comptes annuels établis par la société.
Dans le cadre de son activité, celui-ci dispose de droits et obligations qui lui confèrent un statut juridique particulier réglementé par le Code de commerce (C. com., art. L.820-1 et suivants).
A ce titre, pèsent sur le commissaire aux comptes plusieurs obligations dont notamment une obligation d’information envers les associés/actionnaires mais également envers les dirigeants sociaux. En contrepartie de ces obligations et de la nature de sa mission, certaines prérogatives lui sont accordées (droit d’être informé, droit de convoquer une assemblée d’associés/actionnaires, etc.).
Par deux arrêts en date du 15 mars 2017 (1 et 2), la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser le statut du commissaire aux comptes en se prononçant sur la nature de la sanction attachée à l’article L.225-204 du Code de commerce mais également sur l’étendue de l’immunité qui s’attache à ses fonctions.
La sanction précisée du défaut d’établissement du rapport du commissaire aux comptes en cas de réduction de capital
Exerçant notamment ses fonctions dans l’intérêt des associés/actionnaires, celui-ci est chargé d’une mission essentielle d’information à leur égard. Dans le cadre de cette obligation d’information, le commissaire aux comptes est amené à produire et à communiquer aux associés/actionnaires un rapport général sur l’accomplissement de sa mission, faisant état de ses conclusions relatives à la certification des comptes annuels, mais également des rapports spéciaux présentés à l’occasion d’opérations particulières comme notamment la modification du capital résultant d’une réduction de capital.
La jurisprudence est venue précisément statuer sur la sanction du défaut d’établissement et de communication d’un tel rapport aux actionnaires d’une société anonyme.
En l’espèce, une société anonyme a procédé à un « coup d’accordéon » consistant, dans une même décision collective des associés/actionnaires, à réduire puis augmenter le capital de la société.
Consécutivement à cette opération, plusieurs actionnaires de la société anonyme ont assigné la société en vue de voir annuler les décisions du conseil d’administration et de l’assemblée générale des actionnaires ayant permis de réaliser cette opération aux motifs qu’aucun rapport du commissaire aux comptes, comme l’ordonne l’article L.225-204 al.2 du Code de commerce, n’avait été établi et, par voie de conséquence, ne leur avait été communiqué.
Par cette défaillance, les actionnaires n’avaient pu être en mesure de connaitre l’appréciation du commissaire aux comptes sur les causes et conditions de la réduction du capital social et donc de donner leur consentement libre et éclairé sur l’opération en cause.
La Cour de cassation, venant confirmer l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 novembre 2014, n’a pas invalidé l’opération au motif que les dispositions de l’article L.225-204 alinéa 2 du Code de commerce ne sont pas prescrites à peine de nullité (1).
Par cette décision, qui n’a rien de révolutionnaire en ce qu’elle vient conforter une jurisprudence antérieure ayant refusé de sanctionner par la nullité les décisions prises sans consultation préalable d’un tel rapport, est toutefois intéressante en raison de l’importance croissante accordée par le pouvoir législatif au commissaire aux comptes et notamment à sa mission d’information des associés/actionnaires dont on aurait pu penser qu’elle infléchirait la position des Hauts magistrats.
L’étendue limitée de l’immunité du commissaire aux comptes
En vertu des articles L. 822-17 et L. 823-12, alinéa 2, du Code de commerce, le commissaire a l’obligation de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance, sous peine de sanctions pénales, sans que sa responsabilité puisse être engagée par cette révélation.
Ainsi, l’obligation de révélation des faits délictueux par le commissaire aux comptes s’accompagne d’une immunité : les personnes s’estimant lésées par cette révélation ne sauraient engager la responsabilité civile du commissaire aux comptes, cette révélation étant commandée par la loi.
Là encore, la Cour de cassation est venue apporter une précision importante sur l’étendue de l’immunité bénéficiant au commissaire aux comptes.
En l’espèce, un commissaire aux comptes avait révélé un fait répréhensible par la loi en raison du fait que la société dont il assurait le contrôle des comptes avait refusé de lui verser certains honoraires.
Face à un tel contexte, la Cour de cassation, confirmant la décision des juges du fond, est venue affirmer que l’immunité des commissaires aux comptes instituée par l’article L.823-12 al.2 du Code de commerce ne revêt pas un caractère absolu (2).
En effet, la Cour de cassation expose de manière très claire que l’immunité liée à la révélation de faits délictueux cède lorsque cette révélation procède d’une intention malveillante.
En conséquence, si le commissaire aux comptes peut se prévaloir d’une immunité largement étendue, englobant l’hypothèse de révélations inopportunes résultant d’une erreur commise de bonne foi, celle-ci connait sa limite : l’intention de nuire.
Nul doute que ces précisions jurisprudentielles du statut du commissaire aux comptes seront largement relayées dans les réseaux des affaires, et notamment dans les cabinets des professionnels du chiffre.
Pierre-Yves Fagot
Maxime Guinot
Lexing pôle Droit de l’entreprise
(1) Cass. com., 15-3-2017, n° 15-50021.
(2) Cass. com., 15-3-2017, n° 14-26970.