Audiovisuel : les décisions CSA LCI et Paris Première annulées
Le Conseil d’Etat a, par deux arrêts du 17 juin 2015, annulé les décisions « LCI » et « Paris Première » du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), par lesquelles l’autorité de régulation avait refusé le passage de ces chaînes en TNT gratuite (1). Par dérogation à la procédure d’autorisation (dite « procédure ouverte ») visée à l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA peut, depuis la loi n°2013-1028 du 15 novembre 2013, autoriser le passage de la TNT payante vers la TNT gratuite, en application de l’article 42-3 de cette même loi qui dispose en ses alinéas 1er et 4 : « L’autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement. Sous réserve du respect des articles 1er et 3-1, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, par décision motivée, donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu’elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers. Préalablement à sa décision, il procède à une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il procède aussi à l’audition publique du titulaire et entend les tiers qui le demandent. Cette modification de l’autorisation peut être agréée si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte ». Saisi sur le fondement de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 par la société La Chaîne Info (LCI) et les sociétés Métropole Télévision (M6) et Paris Première, le CSA avait refusé, par décisions du 29 juillet 2014, leurs demandes de passage en TNT gratuite estimant que : compte tenu de la conjoncture du marché publicitaire et de la baisse des recettes publicitaires des services de télévision, l’arrivée d’une ou plusieurs chaînes gratuites supplémentaires ne pourrait pas être portée par une croissance du marché publicitaire ; la situation financière de plusieurs chaînes gratuites était encore fragile ; l’arrivée d’une ou plusieurs chaînes gratuites supplémentaires, dans un paysage déjà composé de 25 chaînes constituant une large gamme, serait de nature à entraîner des phénomènes de transfert d’audience au détriment des chaînes gratuites existantes. Le CSA en avait conclu que l’arrivée de ces nouvelles chaînes dans le paysage de la TNT gratuite viendrait créer des difficultés et des déséquilibres, portant atteinte à la préservation de la diversité éditoriale des chaînes diffusant sur la TNT gratuite. Saisi par les sociétés La Chaîne Info, Métropole Télévision (M6) et Paris Première de deux recours en excès de pouvoir, le Conseil d’Etat a pu se prononcer tant sur la conventionalité de la procédure dérogatoire de l’article 42-3 que sur la légalité des décisions rendues par le CSA, sans toutefois se prononcer sur l’analyse économique ayant justifié les refus d’agrément. Le Conseil d’Etat a considéré que l’article 42-3 était bien conforme à la directive « autorisation » du 7 mars 2002 et à la directive « concurrence » du 16 septembre 2002, précisant toutefois qu’il appartenait au CSA d’apprécier si, « en raison notamment de l’absence de fréquence disponible, l’impératif de pluralisme et l’intérêt du public », il était justifié de ne pas recourir à une procédure ouverte. Quant à la légalité des décisions, le Conseil d’Etat a considéré qu’à défaut pour le CSA d’avoir rendue publique l’étude d’impact avant la date à laquelle il a été statué sur les demandes, ce qui aurait ainsi permis aux demandeurs et autres personnes intéressés de faire valoir leurs observations écrites ou d’être entendus sur les conclusions de l’étude, les décisions rendues le 29 juillet 2014 sont entachées d’irrégularité. En effet, en l’espèce, l’étude d’impact avait été rendue publique le jour de la décision du CSA. L’autorité de régulation devra, en conséquence, se prononcer une nouvelle fois sur les demandes des chaînes, et ce dans un délai de six mois, en se conformant aux exigences posées par le Conseil d’Etat. Lexing Alain Bensoussan Avocats Lexing Vie privée et Presse numérique (1) CE 17-6-2015, n°385474, Sociétés Métropole Télévision (M6) et Paris Première CE 17-6-2015, n°384826, Société La Chaîne Info (LCI) CSA 29-7-2014, n°2014-358, Sociétés Métropole Télévision (M6) et Paris Première CSA 29-7-2014, n°2014-357, société La Chaîne Info (LCI)