Vers une taxation du « travail gratuit » de l’internaute ? La mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique, commandée par le gouvernement l’été dernier, vient de s’achever, le rapport établi par Messieurs Collin et Colin ayant été publié mi-janvier.
Partant du « diagnostic » selon lequel les entreprises du numérique ont plus de facilité à pratiquer l’optimisation fiscale, notamment du fait des difficultés d’adaptation du droit fiscal à la révolution du numérique, et que les gains de productivité générés par l’économie numérique ne se traduisent donc pas par des recettes fiscales complémentaires pour les Etats, le rapport émet une série de propositions pour remédier à cette problématique.
Le « travail gratuit » des internautes : le constat
Le constat de départ de ces propositions se fonde sur l’intensité de l’exploitation par les entreprises du numérique des données issues de l’activité des utilisateurs : le rapport relève en effet que les données, notamment les données à caractère personnel, sont la ressource essentielle de l’économie numérique et doivent être considérées comme issues du « travail gratuit » des internautes.
Forts de ce constat, les auteurs du rapport listent un certain nombre de recommandations dont les lignes directrices peuvent être résumées comme suit :
- réformer le droit fiscal pour recouvrer le pouvoir d’imposer les bénéfices qui sont réalisés sur le territoire par les entreprises du numérique, cette réforme devant être menée à l’échelon européen et en tenant compte des contraintes internationales ;
- créer un environnement fiscal favorable à l’émergence d’entreprises nouvelles en réformant la fiscalité de la R&D et du financement par le marché pour la rendre plus incitative ;
- mettre en place une fiscalité liée à l’exploitation des données issues du suivi régulier et systématique de l’activité des utilisateurs sur le territoire.
Le « travail gratuit » des internautes : les propositions
Sur ce dernier point, la conception générale de cette imposition, telle que proposée dans le rapport, serait la suivante :
- un champ d’application territorial incluant toutes les entreprises, quel que soit leur Etat d’établissement, qui exploitent des données qu’elles collectent auprès d’un grand nombre d’utilisateurs localisés en France ;
- un champ d’application matériel limité aux données dont la collecte traduit un « travail gratuit » de l’utilisateur, c’est-à-dire les seules données issues du « suivi régulier et systématique de l’activité des utilisateurs » au sens de la proposition de règlement européen relatif à la protection des données personnelles ;
- une imposition sous la forme d’un tarif unitaire par utilisateur « suivi » (à partir d’un certain nombre d’utilisateurs), tarif unitaire qui serait déterminé en fonction du positionnement de l’entreprise sur une grille de comportement au regard des objectifs poursuivis par l’imposition : plus le redevable adopterait des comportements qualifiés de « conformes » dans sa pratique de collecte, moins le tarif unitaire serait élevé ;
- une application de cette taxe sur le fondement d’une double base déclarative pour ce qui concerne tant le nombre d’utilisateurs que la qualification du comportement.
En tout état de cause, le rapport insiste sur le fait que la fiscalité des données doit impérativement, tout en ne dissuadant pas la collecte de données et en protégeant les potentialités de développement économique fondées sur ces données, inciter à l’adoption de pratiques conformes et maîtrisées d’exploitation de ces données.
Ce rapport, présenté à la commission des finances du Sénat le 22 janvier dernier, doit encore être soumis à différents organismes, notamment au Conseil National du numérique, pour être analysé avant que les propositions susvisées puissent éventuellement être intégrées, le cas échéant, dans une future loi de finance.