La proposition de taxe sur les activités numériques applicable aux GAFA était attendue par certains Etats membres. C’est le 21 mars 2018 que la Commission européenne a présenté ses propositions pour garantir que toutes les entreprises paient leur juste part d’impôt dans l’Union européenne, et notamment les entreprises du numérique, parmi lesquelles les GAFA, dont les politiques d’optimisation fiscale suscitent de vifs débats au sein de l’Union européenne et à l’international.
La Commission européenne formule deux propositions, l’une consistant en une refondation commune des règles de l’Union européenne relatives à l’impôt sur les sociétés applicables aux activités numériques et l’autre étant une taxe provisoire sur certains produits tirés d’activités numériques.
La réforme commune des règles de l’Union européenne relatives à l’impôt sur les sociétés applicable aux activités numériques
La présence numérique
Pour ce qui est de la première proposition, il s’agit de permettre « aux Etats membres de taxer les bénéfices qui sont réalisés sur leur territoire, même si une entreprise n’y est pas présente physiquement. Les nouvelles règles garantiraient que les entreprises en ligne contribuent autant aux finances publiques que les entreprises « physiques » traditionnelles ».
Pour ce faire, la Commission européenne s’appuie sur la notion de « présence numérique » notamment développée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son rapport de 2014 sur les défis fiscaux posés par l’économie numérique (1).
La Commission européenne reprend dans sa proposition les différents critères caractérisant cette présence numérique significative selon l’OCDE, en les précisant. D’après la Commission, « une plateforme numérique est considérée comme ayant une «présence numérique» imposable ou un établissement stable virtuel dans un État membre si elle satisfait à l’un des critères suivants :
- elle génère plus de 7 millions d’euros de produits annuels dans un Etat membre ;
- elle compte plus de 100 000 utilisateurs dans un Etat membre au cours d’un exercice fiscal ;
- plus de 3000 contrats commerciaux pour des services numériques sont créés entre l’entreprise et les utilisateurs actifs au cours d’un exercice fiscal ».
De nouvelles règles pour la détermination du lieu de réalisation des bénéfices
La Commission entend également modifier les règles d’attribution des bénéfices aux Etats membres « afin de mieux tenir compte de la façon dont les entreprises peuvent créer de la valeur en ligne : par exemple en fonction du lieu où se trouve l’utilisateur au moment de la consommation ».
Le lien concret entre le lieu de réalisation des bénéfices et le lieu de la taxation
La Commission prévoit en outre de modifier le système afin d’établir « un lien concret entre le lieu où les bénéfices du secteur numérique sont réalisés et le lieu où ils sont taxés ». A terme, la mesure pourrait être intégrée dans le champ d’application de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), que la Commission a proposée « pour l’affectation des bénéfices des grands groupes multinationaux d’une manière qui tienne mieux compte du lieu où la valeur est créée ».
Une taxe provisoire sur certains produits tirés d’activités numériques
Les finalités de la taxe sur les activités numériques provisoire
Cette taxe est la proposition qui a suscité le plus d’attentes. Il s’agit d’une taxe provisoire sur les services numériques visant « à générer immédiatement des recettes pour les Etats membres ».
Cette taxe sur les activités numériques provisoire a également un objectif d’harmonisation de la législation dans le cadre du marché unique numérique, axe central de la politique de l’Union européenne dans le domaine du numérique, et résorber le dumping fiscal, dans l’attente de « la réforme globale [qui prévoira] des mécanismes intégrés pour réduire la possibilité de double imposition ».
Une taxe sur le chiffre d’affaires
Selon la Commission européenne, cette taxe « s’appliquerait aux produits générés par certaines activités numériques qui échappent complètement au cadre fiscal en vigueur ».
Les activités numériques visées sont les « activités où les utilisateurs jouent un rôle majeur dans la création de valeur et qui sont les plus difficiles à prendre en compte par les règles fiscales actuelles, comme les produits :
– tirés de la vente d’espaces publicitaires en ligne ;
– générés par les activités intermédiaires numériques qui permettent aux utilisateurs d’interagir avec d’autres utilisateurs et qui facilitent la vente de biens et de services entre eux ;
– tirés de la vente de données générées à partir des informations fournies par les utilisateurs ».
D’après la Commission, « les recettes fiscales seraient perçues par les Etats membres dans lesquels se trouvent les utilisateurs ».
Néanmoins, toutes les entreprises du numérique ne seraient pas concernées par cette taxe. Seraient seules concernées les entreprises « dont le chiffre d’affaires brut annuel atteint au moins 750 millions d’euros au niveau mondial et 50 millions d’euros dans l’UE », pour éviter que ne soient pénalisées les start-up, et pour rétablir une forme d’égalité entre les plus grandes entreprises et les premières en allégeant les charges pesant sur celles-ci.
Sont donc visés par cette taxe les acteurs comme Google ou Facebook, qui tirent l’essentiel de leurs revenus de la publicité ou Airbnb, qui est une taxe intermédiaire numérique.
La Commission européenne estime que cette taxe pourrait rapporter 5 milliards d’euros de recettes par an aux Etats membres si la taxe est appliquée à un taux de 3 %.
Les prochaines étapes
Parmi les prochaines étapes, la Commission soumettra au Conseil et au Parlement européen ses propositions législatives.
Virginie Bensoussan-Brulé
Baptiste Martinez
Lexing Contentieux numérique
(1) OCDE (2014), Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE