La loi 2019-759 du 24 juillet 2019 a institué une taxe annuelle de 3% sur le chiffre d’affaires encaissé par les grandes entreprises du secteur numérique, quel que soit leur lieu d’établissement, en contrepartie de la fourniture en France de certains services excédant, au cours d’une année civile, les deux seuils ci-après.
Cette loi codifiée aux articles 299 à 300 du CGI est destinée à introduire dans la législation française un dispositif permettant de pallier l’absence actuelle de solution internationale coordonnée et d’unanimité des Etats membres sur une taxe sur les services numériques.
Les services concernés par la nouvelle taxe
Les services taxables sont :
- d’une part, la mise à disposition, par voie de communications électroniques, d’une interface numérique qui permet aux utilisateurs d’entrer en contact avec d’autres utilisateurs et d’interagir avec eux, notamment en vue de la livraison de biens ou de la fourniture de services directement entre ces utilisateurs (ce premier service taxable comporte toutefois des exceptions ce qui est notamment le cas lorsque la personne qui réalise cette mise à disposition utilise l’interface numérique à titre principal pour fournir aux utilisateurs des contenus numériques, des services de communication ou des services de paiement) ;
- d’autre part, les services commercialisés auprès des annonceurs, ou de leurs mandataires, visant à placer sur une interface numérique des messages publicitaires ciblés (ces services peuvent notamment comprendre des services d’achat, de stockage et de diffusion de messages publicitaires, de contrôle publicitaire et de mesures de performance ainsi que des services de gestion et de transmission de données relatives aux utilisateurs).
La localisation des services concernés par la nouvelle taxe
Pour chacun des services taxables à cette nouvelle taxe sur les services numériques, la loi précise leur localisation.
C’est ainsi notamment que pour les services de mise à disposition d’une interface numérique, l’utilisateur de cette interface est localisée en France s’il la consulte au moyen d’un terminal situé en France (la localisation en France de ce terminal étant déterminé par tout moyen, y compris en fonction de son adresse IP).
Quant aux services taxables, ceux-ci sont fournis en France au cours d’une année civile si :
- une telle opération est conclue au cours de l’année par un utilisateur localisé en France lorsque l’interface numérique permet la réalisation, entre utilisateurs de l’interface, de livraisons de biens ou de prestations de services ;
- un de ses utilisateurs dispose au cours de l’année d’un compte ayant été ouvert depuis la France et peut accéder à tout ou partie des services disponibles sur cette interface lorsque l’interface ne permet pas la réalisation de livraisons de biens ou de prestations de services.
En ce qui concerne les encaissements versés en contrepartie de ces mêmes services, ceux-ci s’entendent de l’ensemble des sommes versées par les utilisateurs de cette interface, à l’exception de celles versées en contrepartie de livraisons de biens ou de fournitures de services qui constituent, sur le plan économique, des opérations indépendantes de l’accès et de l’utilisation du service taxable.
Pour les services commercialisés auprès des annonceurs ou de leurs mandataires, les services taxables à la nouvelle taxe sont fournis en France au cours d’une année civile si :
- pour les ventes de données qui ont été générées ou collectées à l’occasion de la consultation d’interfaces numériques par des utilisateurs, des données vendues au cours de cette année sont issues de la consultation d’une de ces interfaces par un utilisateur localisé en France ;
- pour les autres services, un message publicitaire est placé au cours de cette année sur une interface numérique en fonction de données relatives à un utilisateur qui consulte cette interface en étant localisé en France.
Quant aux encaissements versés au titre de ces derniers services, ceux-ci s’entendent de l’ensemble des sommes versées par les annonceurs, ou leurs mandataires, en contrepartie de la réalisation effective du placement des messages publicitaires ou de toute autre opération qui lui est étroitement liée sur le plan économique.
Les entreprises concernées par la nouvelle taxe
Les grandes entreprises du secteur numérique concernées par cette nouvelle taxe sont celles, quel que soit leur lieu d’établissement, pour lesquelles le montant des sommes encaissées en contrepartie des services taxables lors de l’année civile précédente excède les deux seuils suivants :
- 750 millions d’euros au titre des services taxables fournis au niveau mondial ;
- 25 millions d’euros au titre des services taxables fournis en France.
Pour les entreprises, quel que soit leur forme, qui sont liées directement ou indirectement, ces seuils s’apprécient au niveau du groupe qu’elles constituent.
Le taux et la base d’imposition de la nouvelle taxe
La nouvelle taxe est exigible dés l’achèvement de l’année civile au cours de laquelle l’entreprise a encaissé des sommes en contrepartie de la fourniture en France de services taxables.
Son taux de 3% est appliqué au montant HT des sommes encaissées par le redevable, lors de l’année au cours de laquelle la taxe devient exigible, en contrepartie d’un service taxable fourni en France.
La déclaration et le paiement de la nouvelle taxe
La nouvelle taxe sur les services numériques est déclarée et liquidée en même temps que la TVA.
En conséquence :
- Pour les redevables de la TVA soumis au régime réel normal, la nouvelle taxe doit être déclarée sur l’annexe à la déclaration déposée au titre du mois de mars ou du premier trimestre de l’année qui suit celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible ;
- Pour les redevables de la TVA soumis au régime réel simplifié d’imposition, la nouvelle taxe doit être déclarée sur la déclaration annuelle déposée au titre de l’exercice au cours duquel la taxe est devenue exigible ;
- Dans tous les autres cas, la nouvelle taxe doit être déclarée sur l’annexe à la déclaration déposée auprès du service de recouvrement dont relève le siège ou le principal établissement du redevable de la taxe, au plus tard le 25 avril de l’année qui suit celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible.
Lorsque le redevable de la nouvelle taxe n’est pas établi dans un Etat membre de l’UE ou dans tout autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement de l’impôt, il doit faire accréditer auprès du service des impôts compétent un représentant assujetti à la TVA établi en France, qui s’engage, le cas échéant, à remplir les formalités au nom et pour le compte du représenté et à acquitter la nouvelle taxe à sa place.
L’application de la nouvelle taxe sur les services numériques en 2019
Par dérogation au régime général décrit ci-dessus, la taxe due au titre de l’année 2019 donne lieu au paiement d’un acompte unique, acquitté dans les conditions suivantes :
- pour les redevables de la TVA soumis au régime réel normal d’imposition, lors du dépôt de l’annexe à la déclaration CA 3 déposée au titre du mois d’octobre 2019 ;
- dans les autres cas, au plus tard le 25 novembre 2019, lors du dépôt de l’annexe à la déclaration CA 3 déposée auprès du service de recouvrement dont relève le siège ou le principal établissement du redevable.
Cet acompte est égal au montant de la taxe qui aurait été liquidée sur la base des sommes encaissées en 2018 en contrepartie du ou des services taxables fournis en France.
Le pourcentage représentatif de la part des services taxables est évalué lors de la période comprise entre le lendemain de la publication de la présente loi et le 31 octobre 2019.
L’acompte est dû par les personnes pour lesquelles sont dépassés les deux seuils mentionnés ci-dessus déterminés à partir de ces mêmes sommes et de ce même pourcentage, sans préjudice du remboursement de la taxe lorsqu’il est constaté que les conditions d’assujettissement ne sont pas remplies.
Pour l’assujettissement et la liquidation de la taxe au titre de l’année 2019, le pourcentage représentatif de la part des services rattachés à la France est évalué lors de la période comprise entre le lendemain de la publication de la présente loi et le 31 décembre 2019.
Conclusion
En conclusion, il est prévu que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 septembre de chaque année, un rapport sur les négociations conduites au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour identifier et mettre en œuvre une solution internationale coordonnée destinée à renforcer l’adéquation des règles fiscales internationales aux évolutions économiques et technologiques modernes.
Ce rapport précisera notamment, pour chaque proposition figurant dans le document de consultation publique de février 2019 ou toute autre proposition postérieure, la position de la France, de l’Union européenne et de chaque juridiction fiscale participant à ces travaux et la motivation de chacune de ces positions, l’état d’avancement des négociations, les perspectives d’aboutissement et l’impact budgétaire, fiscal, administratif et économique pour la France et les entreprises françaises.
Ce rapport devra, également, rendre compte, le cas échéant, des progrès des travaux menés sur ces questions dans le cadre de l’Union européenne ou tout autre cadre international pertinent. Il renseignera plus particulièrement les parlementaires sur les possibilités de la mise en œuvre d’une coopération renforcée pour la fiscalité du numérique à l’échelle européenne.
Ce rapport devra enfin faire état de l’incidence de ces négociations sur la taxe sur les services numériques et indiquera la date à laquelle un nouveau dispositif mettant en œuvre la solution internationale coordonnée se substituera à cette taxe.
Pierre-Yves Fagot
Lexing Droit de l’entreprise