Quels sont le régime juridique ainsi que la loi applicables aux services transfrontaliers de télémédecine ?
Avec la mondialisation et la libre circulation des services assurée en Union européenne (UE), de plus en plus de sociétés privées s’affranchissent des frontières et offrent des services de téléconseil médical personnalisé à destination de ressortissants étrangers, via notamment des assurances privées.
Ces services pourraient dans la plupart des cas répondre à la qualification de télémédecine, qui est définie en France comme une « forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication » (1). La téléconsultation, l’un des cinq actes de télémédecine, a « pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient » (2).
Un régime juridique contraignant mais sécurisant a été mis en place en France pour l’exercice de la télémédecine.
L’enjeu pour ces prestataires étrangers offrant leurs services en France, mais aussi pour les prestataires français souhaitant diriger leur activité vers des ressortissants étrangers, est donc de déterminer la loi applicable à leur activité.
Or la même loi nationale ne sera pas nécessairement applicable à l’ensemble des régimes juridiques envisagés, par exemple les régimes juridiques relatifs à l’accès au marché de services, aux obligations contractuelles avec le patient, au remboursement des soins, à la responsabilité du prestataire, à la réglementation relative à la protection des données de santé à caractère personnel et à la compétence juridictionnelle.
Afin de déterminer la loi applicable, il convient en particulier d’effectuer une analyse approfondie des éléments de contexte, notamment la qualité de membre de l’UE ou non de l’Etat de rattachement du patient, la nationalité des médecins intervenant, l’Etat d’établissement du prestataire, les partages de données, etc.
Le droit de l’UE permet la détermination de la loi applicable aux services de télémédecine proposés par un prestataire européen à des ressortissants d’un autre Etat membre de l’UE.
En l’état de la législation européenne, plusieurs normes, contenant des éléments d’identification de la loi applicable, seraient susceptibles de s’appliquer, en particulier la Directive Commerce électronique (3), la Directive Soins transfrontaliers (4) et le Règlement Rome I (5).
La Commission européenne a publié à ce sujet en 2012 une Communication sur le Plan d’action pour la santé en ligne 2012-2020 accompagné d’un document de travail relatif à l’applicabilité du cadre juridique de l’UE aux services de télémédecine (7).
Son analyse partagée par la doctrine juridique majoritaire n’est cependant pas celle retenue par l’Association national de la télémédecine française (ANTEL) et par le Conseil National de l’Ordre des Médecins français (CNOM) qui rejettent l’application des normes précitées aux services de télémédecine (8).
De même, le Conseil Européen des Ordres des Médecins (CEOM) considère que la télémédecine ne saurait être qualifiée de commerce électronique puisqu’il s’agit « d’un acte médical qui impose un encadrement juridique propre à garantir la compétence du médecin et le respect des droits du patient » (9).
Le CEOM recommande donc la mise en place d’une coordination européenne permettant d’encadrer les actes de télémédecine transfrontaliers.
Ainsi, lors de la conception du service, il conviendra de s’interroger sur le lieu d’établissement du prestataire qui sera un élément essentiel pour la détermination de la loi applicable.
Marguerite Brac de La Perrière
Aude Latrive
Lexing Droit Santé numérique
1. CSP art. L6316-1.
2. CSP art. R6316-1.
3. Dir. 2000/31/CE du 8-6-2000.
4. Dir. 2011/24/UE du 9-3-2011.
5. Règl. 593/2008 du 17-6-2008.
6. Dir. 98/34/CE du 22-6-1998.
7. COM(2012) 736 final et SWD(2012) 414 final.
8. Dr. Simon, Dr. Lucas, « La télémédecine, ce n’est pas du e-commerce », 22-11-2013.
9. Déclaration du Conseil Européen des Ordres des Médecins sur la télémédecine, 13-6-2014.