La Haute autorité de santé (HAS) vient de publier des guides sur la télémédecine concernant le bon usage et la qualité des pratiques de téléconsultation, de téléexpertise, et de téléimagerie, suite à la demande du Ministère des solidarités et de la santé.
C’est dans ce contexte que, par décision n° 2019.0094/DC/SA3P du 15 mai 2019, le collège délibératif de la Haute autorité de santé a adopté les 7 documents suivants :
- Guide de bonnes pratiques « Qualité et sécurité des actes de téléconsultation et de téléexpertise » ;
- Document : « Qualité et sécurité – Téléconsultation et téléexpertise » (fiche mémo) ;
- Guide de bonnes pratiques « Qualité et sécurité des actes de téléimagerie » ;
- Document « Téléimagerie – Qualité et sécurité » (fiche mémo) ;
- Guide « Qualité et sécurité des actes de téléconsultation et de téléexpertise – Méthode du patient traceur » ;
- Fiche d’information du patient sur la téléconsultation ;
- Rapport d’élaboration.
Ces documents ont vocation à accompagner les professionnels de santé dans la mise en œuvre de ces pratiques médicales à distance, et à améliorer la prise en charge des patients.
Télémédecine : des outils d’accompagnement au bénéfice des professionnels de sante
Conditions de réalisation
1. Conditions propres à tous les actes de télémédecine
Le rapport d’élaboration de la HAS rappelle avant toute chose la définition de la télémédecine :
« Le cadre juridique de la télémédecine a été posé par la loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires » (HPST) du 21 juillet 2009 ; l’article 78 de cette loi a modifié le Code de la santé publique afin d’y intégrer la définition de la télémédecine :
« Art. L. 6316-1. – La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient.
Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients ».
Les professions de santé sont définies par le Code de la santé publique. Parmi elles, les professions médicales habilitées à réaliser des actes de télémédecine sont au nombre de trois : chirurgien-dentiste, médecin et sage-femme » (articles L. 4111-1 à L.4163-10 du CSP).
Il est ensuite faite référence aux conditions et modalités de mise en oeuvre de la télémédecine :
- le décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010 a défini les conditions de mise en œuvre et l’organisation de la télémédecine dans le Code de la santé publique ;
- le décret n° 2018-788 du 13 septembre 2018 a déterminé les modalités de mise en œuvre des activités de télémédecine.
Pour mémoire, la télémédecine répond aux mêmes exigences que la médecine en présentiel. A ce titre, il est précisé que la télémédecine « s’exerce dans le respect des lois et règlements applicables aux conditions d’exercice, des règles de déontologie et des standards de pratique clinique (recommandations, etc.) et aux règles spécifiques à la télémédecine (consentement du patient, authentification des professionnels de santé, compte-rendu de l’acte de télémédecine inscrit dans le dossier du patient, etc.) ».
Les documents publiés par la HAS constituent des feuilles de route très concrètes permettant aux professionnels de santé de s’assurer qu’ils répondent bien à l’ensemble des exigences légales et règlementaires en la matière.
2. Conditions propres aux actes de téléconsultation et de téléexpertise
Le guide pratique, portant sur la téléconsultation et la téléexpertise, énumère les étapes essentielles à suivre pour la mise en œuvre de ces pratiques médicales à distance, qui à ce titre peuvent constituer également des check lists.
Ce guide s’appuie et reprend bien sûr les dispositions de l’avenant n°6 à la convention médicale signée le 25 août 2016, conclu le 14 juin 2018.
3. Conditions propres aux actes de téléimagerie
Le guide de bonnes pratiques portant sur la télé-imagerie est largement inspiré de la Charte de la téléradiologie que le Conseil National Professionnel de la Radiologie (G4) a élaborée il y a quelques années et mise à jour en décembre 2018. Ce guide est complété par une partie concernant la télémédecine nucléaire, constituant une interprétation ou une consultation à distance du site où sont acquises les images..
De même qu’en radiologie, 2 types d’actes peuvent être distingués en télémédecine nucléaire : la réalisation d’un examen d’imagerie avec interprétation à distance par un médecin nucléaire, conditionnée par la présence d’au moins un médecin nucléaire sur site en raison de l’utilisation de médicaments radiopharmaceutiques non scellés, et la téléexpertise.
Il y a lieu de relever que le guide de télé-imagerie ne prend pas en compte la mammographie dans la mesure où cette pratique nécessite un examen clinique de la patiente comprenant une palpation, ainsi que la télé-échographie.
Les fiches mémo, résumant chacun des guides, rappellent les différents prérequis nécessaires à la mise en œuvre de ces pratiques médicales à distance, parmi lesquels la protection des données à caractère personnel.
Prérequis de protection des données à caractère personnel
1. Sécurité des traitements de données
Parmi les prérequis rappelés par la HAS – tels que disposer de locaux, équipements et matériels adaptés, ou encore prévoir la formation des différents acteurs aux outils de télémédecine -, figure la nécessité d’assurer la sécurité et la protection des données personnelles de santé.
En effet, selon le rapport d’élaboration de la HAS, « la télémédecine reposant sur les technologies de l’information et la communication (échange et archivage de données de santé), une attention particulière doit être portée sur la sécurité et la protection des données de santé ».
La fiche mémo sur la téléconsultation et la téléexpertise liste les actions suivantes portant sur la protection des données :
- « Mettre en place les mesures de sécurité relatives à la protection des données de santé en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la politique générale de sécurité des systèmes d’information de santé (PGSSI-S).
- Utiliser un système d’information communicant, qui permet le versement des comptes rendus des actes de télémédecine dans le dossier médical partagé du patient ; en conformité avec le cadre d’interopérabilité des systèmes d’information de santé (CI-SIS).
- Utiliser un hébergeur de données de santé agréé ou certifié.
- Les mesures de sécurité portent également sur la protection de l’accès aux locaux, la sécurisation du poste informatique (verrouillage automatique, mot de passe), la gestion des habilitations, la traçabilité des accès, la gestion des incidents ».
La fiche mémo portant sur la télé-imagerie ajoute :
- « authentification forte des professionnels de santé, identification du patient, gestion des habilitations, traçabilité des accès, gestion des incidents ;
- accès sécurisé au RIS-PACS du demandeur, ou plateforme informatisée d’échange et de partage, hébergeur de données de santé agréé ou certifié, recours exclusif aux messageries sécurisées ».
2. Contrats de sous-traitance
Les contrats de sous-traitance doivent être soigneusement rédigés, en prévoyant notamment une annexe relative à la protection des données, incluant les règles de sécurité issues de la PGSSI-S qui s’appliquent en l’espèce.
Il convient également de s’assurer que les outils proposés par les prestataires techniques permettent à leurs utilisateurs, responsables de traitements, la protection des données, dès la conception et par défaut, et d’encadrer leurs obligations en la matière dans les contrats.
Dans le contexte de rélaisation d’actes de télémédecine, une attention particulière doit être portée au respect des dispositions de l’article L.1110-4 du Code de la santé publique, relatives au partage et à l’échange des données.
Par ailleurs, il est nécessaire de faire appel à un hébergeur certifié hébergeur de données de santé, et de prévoir les clauses afférentes à cette prestation au sein du contrat de sous-traitance.
3. Documentation
Outre ce qui précède, les intervenants à la réalisation d’un acte de télémédecine doivent respecter leurs obligations en matière de protection des données (principalement s’agissant de sécurité, de respect des droits des personnes, ou encore de notification des violations de données) dont la mise en œuvre suppose notamment la mise en place de politiques et procédures leur permettant de démontrer à tout moment le respect du RGPD, telles que :
- une politique de protection des données ;
- une charte d’utilisation des systèmes d’information ;
- un modèle de lettre de mission du délégué à la protection des données ;
- un modèle de mentions d’informations ;
- une politique sous-traitants ;
- une politique durées de conservation des données ;
- une procédure de protection des données dès la conception et par défaut ;
- une procédure d’analyse d’impact ;
- une procédure de gestion des violations de données ;
- un registre des failles de sécurité ;
- une procédure de gestion des droits des personnes concernées ;
- un registre d’exercice des droits des personnes concernées.
Enfin, la HAS propose une méthode intéressante d’évaluation de la prise en charge : la méthode du patient traceur.
Télémédecine : des outils au bénéfice de la prise en charge des patients
La méthode du patient traceur
La méthode du patient traceur est un outil d’évaluation de la prise en charge d’un patient qui a bénéficié d’une téléconsultation, d’une téléexpertise ou d’un examen de télé-imagerie.
La HAS la présente comme « une méthode d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Elle consiste à analyser de manière rétrospective, en équipe, le parcours de prise en charge d’un patient en comparant les pratiques réelles aux pratiques de référence puis de mettre en œuvre des actions d’amélioration ».
La méthode repose sur les démarches suivantes :
- choix d’un patient correspondant à un profil préalablement défini dont on souhaite analyser la prise en charge ;
- information de ce patient et recherche de son consentement pour analyser sa prise en charge et le rencontrer lui et/ou ses proches ;
- rencontre du patient et/ou de ses proches ;
- analyse de la prise en charge avec les professionnels autour du dossier du patient intégrant les résultats de l’échange avec le patient et/ou de ses proches et un temps d’échange avec les professionnels pour synthétiser, analyser les constats (points positifs et points à améliorer) et prioriser les actions d’amélioration à mettre en œuvre ;
- mise en œuvre et suivi des actions d’amélioration.
Des guides d’entretien (ou grilles) sont proposés, pour l’entretien avec le patient et pour l’analyse de la prise en charge en équipe pluriprofessionnelle, afin de comparer la pratique réelle aux pratiques de référence. Ils doivent être adaptés au profil du patient.
L’information des patients
Par ailleurs, la HAS a publié une fiche d’information sur la téléconsultation destinée aux patients traitant les questions pratiques.
En tout état de cause, et ainsi que cette fiche le relève, le consentement du patient doit être recueilli, le secret médical doit être assuré et les données à caractère personnel du patient doivent être protégées.
Dès lors, s’agissant des mentions d’information, le patient doit bénéficier :
- des informations relatives aux traitements de ses données (articles 12 à 14 du RGPD) ; et
- des informations relatives à l’acte de télémédecine destinées à éclairer son consentement (article R.6316-2 du Code de la santé publique).
Il convient donc de bénéficier de ces modèles de mentions d’informations, et s’agissant du premier d’entre eux, incluant les caractéristiques spécifiques des traitements mis en œuvre dans le cadre de la réalisation des actes de télémédecine.
Marguerite Brac de la Perrière
Isabeau de Laage
Lexing Santé numérique