En matière de télécommunications, la terminaison d’appel vocal mobile correspond à la prestation fournie par un opérateur mobile A à un autre opérateur B distinct, fixe ou mobile, visant à acheminer l’appel téléphonique d’un client de B vers un client de A.
Du fait du sens des appels ainsi acheminés, on dit que cet opérateur B « termine » les appels de A vers ses clients.
Le droit des télécommunications considère que la prestation de terminaison d’appel constitue une « facilité essentielle » car l’opérateur A détient un monopole sur l’accès à ses clients. L’Arcep régule ainsi les tarifs de terminaison d’appel mobile afin de prévenir les comportements abusifs de la part de l’opérateur destinataire des appels.
La mesure contestée. En mars 2012, la Commission européenne a reçu de l’Arcep un projet d’analyse des marchés de la terminaison d’appel vocale mobile des nouveaux arrivants sur le marché français (Free Mobile, Lycamobile et Oméa Télécom).
Les niveaux de terminaison d’appel envisagés par l’Arcep pour ces nouveaux entrants sont supérieurs à ceux fixés pour les opérateurs mobiles déjà en place. Le tarif pour les nouveaux entrants s’élèverait à 0,024 €/min pendant le premier semestre de 2012 (contre 0,015 €/min pour les opérateurs établis). Ensuite, il diminuerait progressivement mais à la fin 2013, la différence serait encore de près de 40 %.
La Commission a exprimé, le 13 avril 2012, de sérieux doutes quant à la compatibilité du projet de mesure avec le droit communautaire. « L’arrivée de nouveaux opérateurs garantit que le marché français de la téléphonie mobile est concurrentiel et dynamique étant donné qu’il offre un choix plus large aux consommateurs. Toutefois, imposer des tarifs de terminaison d’appel mobile plus élevés aux nouveaux entrants n’a de sens que si les coûts sont réellement plus importants », rappelle Mme Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission (IP/12/368).
Une asymétrie possible en compensation partielle. Le débat porte sur les conditions de prise en compte des spécificités des nouveaux entrants, notamment le fait qu’ils encourent des coûts supérieurs à ceux de leurs concurrents pour terminer les appels à destination de leurs clients. Autrement dit, la Commission estime que la différenciation tarifaire proposée est manifestement disproportionnée au regard de l’objectif qui lui est assigné.
Pour mémoire, l’objectif d’une asymétrie est destiné à compenser partiellement – et non intégralement – le déficit qu’elle a pour objet d’atténuer, sinon elle risque de faire bénéficier à l’opérateur d’un transfert financier supérieur à ce déficit (1).
En raison de cette divergence de vue entre le régulateur français et la Commission européenne, le projet de mesure fait l’objet d’un réexamen conformément aux dispositions de la Directive 2002/21/CE « cadre » (2). Ainsi, l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece) a publié, le 29 mai dernier (3), son avis sur l’ouverture par la Commission européenne de la phase d’enquête relative à l’analyse des marchés de gros réalisée par l’Arcep.
Cet avis reprend, pour partie, certaines des positions défendues par l’Autorité de régulation française, notamment celle selon laquelle il convient de prendre en compte dans l’analyse du marché considéré le déséquilibre de trafic au détriment des nouveaux entrants et confirme que, selon l’Orece, les propositions de l’Arcep ne devraient pas avoir de conséquences négatives pour les consommateurs français ou européens.
Sur ces deux points, l’Orece se démarque de la position de la Commission européenne.
L’Arcep constate, par ailleurs, que l’Orece ne se prononce pas sur l’argumentation de la Commission selon laquelle les mesures de régulation proposées auraient pour conséquence une augmentation des tarifs de détail. Dans sa charge contre la Commission, et interprétant ce silence de l’Orece comme une invitation à critiquer cette argumentation, l’Arcep rappelle que depuis la publication de son projet de régulation de la terminaison d’appels sur les réseaux de Free Mobile, Lycamobile et Oméa télécom, les prix de détail, loin d’augmenter, ont en fait baissé en France, voire même été divisés par deux sur certains forfaits.
Le processus d’analyse n’étant pas encore achevé. Les négociations entre les parties prenantes continuent donc, dans un climat dont on peut constater qu’il est marqué par une opposition forte, mais qui n’est pas nouvelle, entre les visions respectives de la Commission et des régulateurs sectoriels.
(1) CE 24-7-2009 n° 324642 et 324687
(2) Directive n° 2002/21/CE du 7-3-2002 consolidée au 19-12-2009
(3) Avis de l’ORECE du 29 mai 2012