Le statut d’hébergeur de contenu a de nouveau été examiné par les juridictions françaises. Sedo, place de marché dédié aux noms de domaine, prétendait relever du statut avantageux d’ « hébergeur » au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), mais sans succès.
Rappelons que la LCEN dispense les entreprises offrant un service de stockage de contenus (cad les hébergeurs), de toute obligation générale de surveillance de ce qu’elles hébergent et dispose que leur responsabilité ne peut être engagée que si « elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite (…) ou si dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès inaccessible » (art. 6, I, 2).
Dans un arrêt du 17 avril 2013, la Cour d’appel de Paris a, conformément à sa position antérieure, considéré que Sedo ne pouvait bénéficier du régime de responsabilité allégée des hébergeurs et a condamné Sedo à 75 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la demanderesse, la société Dreamnex.
Les faits étaient les suivants : La société Dreamnex, titulaire de la marque SEXY AVENUE et propriétaire des noms de domaine sexyavenue.com et sexyavenue.fr a constaté, outre l’enregistrement des noms de domaine sexyavenue.eu, sexyavenue.mobi, sexyavenue.biz et sexyavenue.info par des tiers (Ovidio Ltd et MKR Miesen), que lesdits noms de domaine :
- étaient proposés aux enchères sur le site internet de Sedo ;
- pointaient chacun vers des sites de liens commerciaux destinés au public français.
Après avoir rappelé la différence entre éditeur (personne qui détermine les contenus devant être mis à disposition du public) et hébergeur (prestataire technique offrant un service de mise en ligne de contenus sans être personnellement à l’origine de leur diffusion), la Cour d’appel de Paris a clairement affirmé que la société Sedo avait une activité d’éditeur au sens des dispositions de la LCEN pour l’ensemble des services proposés sur son site.
Pour la Cour d’appel de Paris, le statut d’éditeur de Sedo est justifié notamment par le fait que « l’ensemble des services proposés par Sedo sur son site sedo.fr, dont l’objet est d’optimiser la présentation des offres à la vente et de promouvoir ces offres, impliquent de la part des sociétés Sedo GmbH et Sedo.com Llc un comportement non pas neutre entre le client vendeur et les acheteurs potentiels, mais bien un rôle actif de nature à leur conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres ».
La Cour d’appel de Paris a en effet relevé que Sedo :
- procède à la sélection de mots-clés correspondant au nom de domaine dans le but de faire apparaitre des liens commerciaux en rapport avec le nom de domaine ;
- est habilité à vérifier en tout temps que les mots clés choisis sont bien conformes au nom de domaine en question ;
- entretient une relation de partenariat avec Google au titre des liens commerciaux affichés.
Par voie de conséquence, la Cour d’appel de Paris a condamné Sedo pour contrefaçon de marques mais aussi pour concurrence déloyale.
Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation, celle-ci ayant déjà jugé par arrêt du 21 octobre 2008 que Sedo, en raison de son activité de courtier de nom de domaine, ne pouvait bénéficier du statut d’hébergeur mais devait être qualifié d’éditeur.
Alain Bensoussan Avocats
Lexing Droit du numérique