La crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus semble avoir mis en échec le projet de constellation de satellites de la société OneWeb. En effet, le 27 mars 2020, la société américaine s’est volontairement déclarée en faillite en se plaçant sous le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites (Bankruptcy Code).
Le projet de constellation de satellites de OneWeb
Concurrent du projet Starlink d’Elon Musk, le projet de constellation de satellites déployé par la société OneWeb avait pour objectif de fournir partout dans le monde, y compris dans les zones les plus reculées, un accès bon marché à Internet, grâce à une constellation placée en orbite terrestre basse et un réseau de stations terrestres mondiales. Pour ce faire, 650 satellites devaient être lancés d’ici la fin de l’année 2021.
En effet, la société avait misé sur le fait que les services de connectivité à haut débit constitueraient un marché porteur, assurant une demande constante, tant de la part des gouvernements que des leaders des secteurs automobile, maritime, des entreprises et de l’aviation, a fortiori avec le développement de l’IoT.
La société OneWeb avait à cœur de développer son activité sur la base de pratiques spatiales responsables, considérant que l’espace est une ressource naturelle partagée qui peut participer à transformer notre façon de vivre, de travailler et de nous connecter.
Depuis le début d’année 2020, elle a déjà lancé avec succès 74 satellites et dispose de 22 stations au sol achevées ou en voie de développement (la moitié de celles ambitionnées). Par ailleurs, la société avait engagé des négociations avancées afin de permettre un financement total du déploiement et du lancement de sa constellation de satellites.
L’entreprise n’a, en revanche, pas eu le temps de commercialiser ses services, prévus pour 2021, dans la mesure où la crise sanitaire liée au coronavirus a fortement perturbé ce projet et les marchés financiers.
Une mise à l’arrêt du projet par la déclaration de faillite
La société OneWeb a déposé plusieurs requêtes devant la « U.S. Bankruptcy Court » (le tribunal des Etats-Unis spécialisé pour les faillites), afin de placer ses activités en cours sous le processus du chapitre 11. Ainsi, Adrian Steckel, président-directeur général de la société OneWeb, a déclaré :
– « It is with a very heavy heart that we have been forced to reduce our workforce and enter the Chapter 11 process while the Company’s remaining employees are focused on responsibly managing our nascent constellation and working with the Court and investors » (1).
Cette démarche a été accueillie avec surprise, dans la mesure où moins d’une semaine plus tôt, la société lançait son dernier satellite.
Cette procédure aura pour conséquence de mettre en place un gel de toutes les créances de la société et un juge aura pour mission de protéger au mieux les intérêts de la société.
Par ailleurs, la société poursuit activement ses négociations avec son principal créancier ce qui, si le résultat de cette négociation est approuvé par le tribunal des faillites, garantira que la société OneWeb sera en mesure de prendre des engagements financiers supplémentaires.
Depuis lors, la société OneWeb semble écarter toute option de restructuration et a engagé des mesures de vente de la société, en vertu de l’article 363 de la loi américaine sur les faillites. Elle dispose de 120 jours pour organiser son éventuelle poursuite d’activité ou cette vente. Pourraient alors se porter acquéreur Space X, pour alimenter sa constellation de satellites Starlink, ou Amazon, qui envisage également de développer sa propre constellation de satellites (projet Kuiper).
Des répercussions sur le secteur spatial européen
Les difficultés économiques et sociales de la société OneWeb pourraient avoir des répercussions sur le secteur spatial européen, notamment chez Airbus et Arianespace.
En effet, Arianespace serait le premier créancier de la société américaine, dans la mesure où elle avait remporté un contrat de 1,1 milliard de dollars (environ 1,01 milliard d’euros) pour 21 lancements permettant de rendre opérationnelle la constellation de satellites, et dont trois ont déjà été effectués.
De plus, un autre contrat prévoyait que le vol inaugural de la fusée Ariane 6 en 2020 embarque des satellites OneWeb.
Dès lors, la mise en faillite de la société OneWeb pourrait avoir un fort impact sur le carnet de commande de la société Arianespace.
Par ailleurs, la société Airbus s’inquiète également du sort de la société américaine, dans la mesure où elle en détiendrait une part du capital et où elle est largement engagée dans la construction des satellites de la constellation.
Une mésaventure qui ne remet pas en question la position du New Space
Si le projet de constellation de satellites imaginé par la société OneWeb semble se solder par un échec, il reste à espérer que ce dernier ne constitue qu’une petite épine dans le développement des activités spatiales. En effet, cette faillite pourrait faire douter des capacités du Newspace à se maintenir dans le secteur si particulier de l’espace, réservé il y a encore peu aux acteurs publics et principalement étatiques de quelques grandes puissances.
Pourtant, il est indéniable que l’accès à l’espace s’est ouvert et que les coûts engagés pour la poursuite des activités spatiales sont progressivement baissés, grâce notamment à la mise en place de modèles de construction de satellites à la chaîne. Ainsi, d’autres projets de constellations de satellites devraient voir le jour dans les prochaines années.
Si la société OneWeb visait 648 satellites, le projet Starling de Space X projette d’en lancer jusqu’à 42.000. Des projets de grande ampleur (mais sans commune mesure avec ceux de Space X) sont également menés par Boeing, Telesat (Canada), Jilin (Chine).
Les activités spatiales ont donc encore de beaux jours devant elles et demeurent très prometteuses pour les décennies à venir.
Frédéric Forster
Johanna Chauvin
Lexing Constructeurs informatiques et télécoms
(1) Communiqué de Presse de la société OneWeb du 27 mars 2020, « OneWeb Files for Chapter 11 Restructuring to Execute Sale Process »