Selon Alain Bensoussan, l’heure est venue de conférer une raison d’être aux robots à l’instar de ce que la loi Pacte permet aux sociétés commerciales depuis 2019. Il s’en explique dans le dernier numéro de Planète Robots.
A l’heure de la mixité homme-machine, il est temps selon Alain Bensoussan de conférer enfin une véritable dimension identitaire aux robots. Pour cela, l’avocat propose de les doter non seulement d’une personnalité juridique autonome pour en faire, demain, des sujets de droit, mais également d’une « raison d’être ».
A l’instar de ce que la loi permet aux sociétés commerciales depuis 2019. A ses yeux, le parallèle entre personne morale et personne robot est plus que jamais pertinent. Il s’en explique dans le dernier numéro de Planète Robots (n°64, sept-oct. 2020), en kiosque depuis le 11 septembre.
Doter les robots d’une personnalité juridique autonome
Selon Alain Bensoussan, « les robots, qui fêtent cette année leur centenaire, ne sont définitivement plus de simples automates. Ce sont aujourd’hui de véritables concentrés d’algorithmes, dont les capacités grandissantes les amènent à véritablement collaborer avec les hommes. Or, les situations anxiogènes vont nécessairement se développer : perte de contrôle de véhicules autonomes, algorithmes malfaisants, data breaches, etc. ».
Dans ces conditions, la nécessité d’adopter un cadre juridique propre aux activités robotiques apparaît à ses yeux plus que jamais inéluctable. Et de préciser : « D’ailleurs, en réalité, les robots ont déjà des droits : loin d’une provocation, cette affirmation reflète une réalité, celle de l’apparition de normes encore empiriques et sectorielles mais qui dessinent, lentement mais sûrement, les contours d’un véritable droit des robots. Tirons-en les conclusions ».
Le parallèle avec la personnalité morale
A l’appui de sa démonstration pour convaincre les plus réticents, Alain Bensoussan a très tôt fait le parallèle avec le concept de personnalité morale conféré aux sociétés commerciales : « le parallèle avec le concept de personnalité morale m’apparaît à la fois le plus pertinent et le plus intelligible pour le plus grand nombre. J’ai ainsi soutenu très tôt le fait que, tout comme a été créée la notion de personne morale, il devrait être possible de créer une personne robot afin de lui reconnaître des droits et obligations qui l’assimileront à une personne physique ».
Doter les robots d’une raison d’être
Alain Bensoussan préconise d’aller plus loin dans le parallèle avec les personnes morales et de doter les robots d’une « raison d’être » dont toute entreprise peut être pourvue depuis l’adoption en France d’une loi récente, la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprise (dite loi Pacte) du 22 mai 2019.
Cette loi permet aux personnes morales de se doter d’une raison d’être « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » (C. civ. art. 1835).
Cette notion consacre le principe d’ « intérêt social » qui consiste à gérer une entreprise en « prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (C. civ. art 1833). En d’autres termes, des objectifs autres que ceux de profit et de rémunération de ses actionnaires.
Selon l’avocat, « ce principe vise d’une part à répondre aux attentes de plus en plus grandes tant de la part des citoyens, salariés et consommateurs, en recherche de cohérence et de sens des modèles économiques classiques sur fond de risques environnementaux, de scandales financiers ou encore de crises sanitaires ; d’autre part à encourager tout entrepreneur à s’interroger sur la raison d’être réelle de son entreprise et sa compatibilité avec les valeurs du monde d’aujourd’hui et l’éthique sociétale et environnementale qui l’anime ».
Quels raisons d’être des robots ?
Par analogie avec la loi Pacte qui vise, par ce concept de raison d’être, à permettre aux entreprises de repenser leur place dans la société, la question de la raison d’être des robots doit selon Alain Bensoussan être posée dans les mêmes termes que les exemples précités. Et notamment s’interroger sur le point de savoir ce que les robots apportent non seulement à la société, mais également, au regard des enjeux qu’ils soulèvent, à l’humanité toute entière dans le cadre de la mixité homme-machine :
« On pense par exemple à l’engagement des robots (et de leurs concepteurs) de collaborer avec les humains pour le bienfait de l’humanité, selon le principe onusien à la mode de « Tech for Good », et ce dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’emploi. Ou encore à l’un des principes issus de la conférence d’Asilomar organisée par le Future of Life Institute (Institut pour l’avenir de la vie) prévoyant que les IA surdéveloppées devraient seulement être conçues en vue de contribuer à des idéaux éthiques partagés par le plus grand nombre, pour le bien de l’humanité plutôt que pour un État ou une entreprise ».
Eric Bonnet
Directeur de la communication juridique
Avocat, Lexing Alain Bensoussan Avocats
Alain Bensoussan pour Planète Robots, « Il est temps de doter les robots d’une raison d’être », n°64, Septembre-Octobre 2020.